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13/08/2013

LES POTICHES DORÉES DU RUGBY

Il faudra que l’on m’explique à quoi servent aujourd’hui les «coaches» que l’on voit s’agiter autour des équipes de XV ? Ces personnages souvent hauts en couleurs, parlant avec des accents prononcés soit locaux soit exotiques, harnachés de casques, oreillettes, microphones, portables téléphoniques et informatiques, parfois encore de bloc notes et de stylos, très grassement rémunérés selon les informations de la presse, certes s’agitent, prennent des postures pensives, courroucées, ironiques, agitées, dramatisées, distanciées,… répondent aux intervieweurs selon un code jargoneux établi (axe profond, conquête directe, ruck, contest, zone d’affrontement,…) mais est-ce leur destination ?

Les présidents-pédégés modernes, pourtant auto proclamés managers entrepreuniaux des entreprises sportives, les arrosent-ils de millions à cette fin de figuration intelligente dans des rôles distribués, qui dans la tribune, qui sur le bord de la touche, qui dans le dos du trente deuxième arbitre ? Je ne balance pas, j’évoque comme Audiard faisait dire Gabin dans le Pacha.

Les plus naïfs vont me rétorquer « Ils entrainent ! Môssieu ! ». Mais, Halte là, dans le monde du sport, on parle d’entraîneur ce qu’en anglais on appelle coach et qui est le détenteur d’une science qu’il transmet astucieusement aux athlètes qui lui sont confiés. Raymond Barthès, Jean Liénard, Raoul Barrière, Pierre Villepreux, Henry Broncan, André Mélet,… ont été des entraîneurs parce qu’ils avaient conçu une méthode originale, une façon de jouer différente, qu’ils distillaient avec poigne et pédagogie à leurs troupes. Mais, au sens où on l’entend en France (et dans le monde de l’entreprise), un coach ce n’est pas quelqu’un qui détient une science à transmettre, mais plutôt une bonne connaissance de la psychologie des comportements et des personnalités, et qui accompagne le dialogue avec le client. Voilà la vraie réponse : nous avons des coaches made in France, pas des entraîneurs !!

Ces «représentants VRP» de club doivent avoir un nom pour attirer les medias, un carnet d’adresses pour faire jouer les réseaux de copinage, un vernis de compétences rugbystiques, une expression orale fleurie. Leur fonction s’avère donc assez différente du technicien-théoricien qui tente de faire progresser un sport largo sensu et son équipe stricto sensu. «Mettre en place un plan de jeu demande du temps, et donc de la sérénité, ce que n’ont pas les techniciens soumis au besoin de résultats. Le physique devient alors l’arme principale. On limite le nombre de passes pour limiter les risques de pertes de balles, de contres. Les joueurs sont invités à courir de plus en plus vite et longtemps, à pousser de plus en plus fort, et à faire de moins en moins d’erreurs. On en arrive donc à un formatage physique et technique général» écrit très justement François Mazet dans Slate (le 24/05/2013 Les sept problèmes du rugby à XV). Résultat un jeu insipide (rappelez-vous les demi finales et la finale) dénué de toute innovation, voire de toute originalité, fondé sur la réussite du buteur et la précision au pied du demi d’ouverture. Et en équipe de France ce ne peut être mieux puisque l’on recopie les mêmes lancinantes percussions à l’envi avec des joueurs qui pointent dans la moyenne  du championnat national, le haut de gamme venant de l’étranger.

Il suffirait aux présidents-mécènes de se doter de préparateurs physiques de grande qualité, de spécialistes de la défense (de ligne et sur l’homme), (d’une bonne pharmacie aussi) pour encadrer leur équipe. Car au delà qu’y a t-il ? Rien, quelques redoublements de passes téléphonés parce que répétitifs, quelques chandelles dans les espaces vides, une ou deux passes au pied. Faut pas être sorti de Marcoussis par l’issue de secours, comme dit mon ami Gustou ! Quand vous avez vingt joueurs qui, à leur poste, sont dans les trois meilleurs du MONDE, vous pouvez mettre n’importe quel « représentant » il fera l’affaire !licence-rugby.jpg

C’est sans doute pour cela que lesdits représentants se sont constitués en «syndicat  d’experts». Sitôt qu’un poste se libère on fait appel à l’un d’entre eux. Ceux qui restent libres pérorent à la télé en attendant leur tour lors de « tientas rugbystiques » qui sont d’ailleurs montées pour qu’il n’en sorte aucun avis majoritaire, avec autant de «pour» que de «contre» sur chaque sujet. Certains vont jouer les «consultants» lors des reportages de match (Pelous, Lombard, Castagnède, Lièvremont,  Dourthe, Garbajosa..) toujours ravis, expliquant l’inexplicable, amnistiant systématiquement l’arbitre, à la limite de indécence. Certains même officient lorsque leur équipe joue (Galthié, Ibañez,) se qui tend à montrer leur relative inutilité. Au pire, ils se casent dans le rôle improbable «d’homme du terrain» en mode comique avec Laguille, mode "Meteo France" (le vent souffle de gauche a droite, il pleut beaucoup), mode «clown» avec Candelon, rôle raréfié par une vague de féminisation. Ils ont d’ailleurs intérêt à s’auto promouvoir dans l’hexagone les «représentants», car à l’exportation on ne se les arrache pas ! C’est un peu comme les Rafales : hormis at home, point de salut !

En conséquences, je n’ai pas vu une vraie innovation depuis belle lurette. L’exploitation intelligente des règles ? Même pas ! Du bon vieux stéréotypé «Ne vòles, nas !»… et gagneront les plus costauds et si ce n’est ce samedi ce sera l’autre. On peut regarder les matches en faisant les mots croisés pour ne pas s’ennuyer. «Le jeu contemporain à beau être envisageable selon différentes formes tactiques, il présente aujourd’hui les signes d’une grande standardisation des méthodes d’entrainement et d’une liberté de décision restreinte pour les joueurs sur le terrain»*. Pourtant, en début de saison, lors des rencontres amicales, lorsque le stress du résultat ne s’est pas encore imposé, les prestations sont plus enlevées, le spectacle plus attrayant. Quelques attaques se développent, les joueurs se laissent aller quelques cadrages-débordements, on a même vu des passes croisées !!.

Je ne dénonce pas, j’évoque! Sans doute de façon un peu outrancière. Toutefois, il faut le faire car le mundillo rugbystique franchouillard reste fermé comme une huître de Bouzigues. Pas de vague, pas de dénigrement, tout va bien madame la marquise. Sitôt qu’un début de commencement de critique s’esquisse (Salviac, Bénézech, Abeilhou, Danièle Irazu,… ) les snipers sont là pour exécuter le zoïle sans semonce ! Y a rien à voir, y a rien à dire ! Laissez-nous faire nos petits tas en paix et tondre nos sponsors en experts. Sponsors ! Le mot miracle ! Ces entités privées ou publiques qui achètent des parts ou des quotas de places qu’elles distribuent aux prospects. Grâce à eux les matches sont pré vendus et le spectacle n’a plus vraiment d’importance, la caisse étant abondée et le public satisfait puisqu’il vient prioritairement boire du champagne, manger du saumon fumé et côtoyer les personnalités locales. «Plus le rugby se mue en spectacle de masse, plus ses dirigeants sont tentés, pour séduire de nouveaux publics générateurs de recettes financières, mais toujours moins connaisseurs, d’accroître l'aspect spectaculaire de leur sport, en augmentant la puissance athlétique, l'intensité physique du jeu et le rythme des compétitions... C’est pourquoi, en définitive, on pourrait aller jusqu’à prétendre que le rugby est un sport de moins en moins populaire, si par “populaire”, on entend un sport que tous sont en mesure de pratiquer»**. Le XV est seulement la septième discipline dans l’Hexagone, loin derrière le football, le tennis, l’équitation, le judo, le handball, le basket, juste devant la pétanque ! Mais, hélas, à la première place du dopage «devant l'athlétisme, le triathlon, ou encore le cyclisme et la natation» (Françoise Lasne, directrice du département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage). Le rugby, spectacle de marchands et sport de raison, porteur de relents d’apothicaire, je l’aurais voulu comédie conviviale et sport de contrebandiers, fleurant le pressoir de vendanges.

Stop, j’arrête! Je pourrais continuer sur «l’épuration» : pas de placage cathédrale, pas d’entrée en mêlée, pas… « C’est quand même un sport de combat. Il faut arrêter. Bientôt on va jouer à “touché” avec un foulard... » comme dit Xavier Garbajosa ! Sur les «adjuvants de préparation physique» qui remplacent les liquides anisés ou ambrés sous prétexte de police des mœurs !… J’arrête ! Je vais aller voir les corridas de la féria de Béziers où pointent des Miuras cuerniabiertos*** impressionnants. Avec un petit goût amer dans le fond de ma pensée.

Le rugby, c’est un mélange d’opéra, de ballet et de meurtre (Gwyn Thomas), comme la corrida !

 

* Felix de Montety. Rugby : Pour en finir avec le « french flair ». Slate  06/10/2011
** Cyril Lemieux. Le rugby est-il un sport populaire ? Alternatives Economiques. n° 306 - octobre 2011
*** aux larges cornes ouvertes
illustration interprétée de : www.terra-ignota.fr