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25/03/2021

NE ME PARLEZ PAS D'APRÈS!

Pour qui sait lire, la pandémie actuelle révèle le dessous des cartes. Ainsi les mythes de la monnaie, de l'équilibre budgétaire, de la dette,… sont mis à jour et en jachère. Se trouve révélée aussi l'incurie des dirigeants (français, mais aussi européens, américains,..) pour gérer une crise qui sort des clous économiques. C'est ce dernier point qui me fait le plus peur. Lesdits dirigeants surfent bon gré mal gré sur les problèmes actuels et ses vagues successives… dans l'espoir que la tempête se calme pour reprendre le cours du long fleuve tranquille de l'avant pandémie. Le crédo comme quoi le capitalisme se nourrit de crises et que chaque crise passée génère une expansion meilleure, reste vivace dans leur représentation du Monde. Cette rigidité cognitive m'effraie car elle sous entend que rien n'est préparé, rien n'est imaginé pour l'après Covid si tant est qu'il y eut un après. Hormis la continuité!

Quant aux individus, sidérés par le spectre de la mort, au lieu d'une réflexion stratégique raisonnée et réactive, ils se glissent dans une servitude volontaire en attente d'un bout du tunnel non daté. Nulle contestation, nulle violence, si ce n'est marginale, mais une crainte émotionnelle voire consommatrice (de vaccin, de statistiques, de discours anxiogènes,…).

Nous sommes dans un "trou cognitif", soit une carence d'imaginaire tant individuel que collectif, pour changer de logiciel. Le Titanic avance doucement vers le naufrage et les violons continuent à scander des tangos sirupeux connus de tous.Titanic.jpg

Le chantier qui s'imposerait s'avère immense, mais il constitue la seule planche de salut possible. Il faudrait (faut) attaquer le mal à la racine. Le désastre actuel est le résultat d'un parti pris cartésien analytique qui sépare les problèmes pour (soi-disant) mieux les résoudre. On construit ainsi une représentation disjointe du monde avec des "ilots" de réflexion disloqués: la société, l'économie, la culture, la religion, la ville, le climat,… Chacun d'eux tente de devenir prioritaire via sa logique propre et souvent au détriment des autres. Au risque d'ailleurs de constituer une sorte d'œdème hégémonique colonisant les autres ilots. Ainsi l'économie monétaire surplombant les autres domaines en les ponctionnant tel une tumeur cancéreuse. Cette aberration méthodologique date maintenant d'un siècle avec des effets cumulatifs qui explosent aujourd'hui et en présageant d'autres, plus graves car irréversibles, pour demain.

Et qu'on ne fasse pas comme si on découvrait la maladie! Les systémiciens (Palo Alto, le groupe des dix, le club de Rome,…)  ne cessent d'alerter, de crier au fou, sans provoquer d'autres résultats que du mépris au mieux, au pire en appliquant le vieux stratagème de feindre d’éteindre le feu en rajoutant du bois. Je ne vais pas vous resservir l'impératif besoin de traiter les problèmes dans leur complexité, en conservant toutes leur interdépendances vitales. Au motif de croissance (personne n'ayant vraiment précisé le bonus humaniste obtenu) on a "oublié" les boucles de régulation qui freinaient à bon escient les évolutions elles-mêmes accélérées dans une sorte de délire de performance. L'état "normal" en systémie est l'homéostasie (l'équilibre stable). Or, les dirigeants des grandes puissances se sont confrontés dans une course effrénée à la croissance tout azimut. Il appert que ce faisant apparaissent des émergences non prédictibles (comme un virus) et des ruptures du lien social aux valeurs pourtant affirmées (liberté, laïcité, solidarité,…) sans possibilité de reprendre « du recul et du contrôle » sur les dynamiques lancées. Nous avons eu tendance à mettre un peu trop en lumière ce qui nous intéressait et à obscurcir ce que nous ne voulions pas voir. Avec sans doute, dans ce clair obscur négligé, des monstres à venir.

Et cela ne va pas s'arranger car nous continuons imperturbablement à former (voire formater ensuite via les "grandes écoles") les futures générations d'acteurs et de décideurs. La représentation du monde se perpétuera en forme de puzzle éclaté comme le sont les "matières" de l'école, du collège, du lycée, les hautes études! Il me souvient qu'au détour d'une responsabilité d'organisation de la formation A.E.S. naissante, j'avais introduit des cours à plusieurs voix (économie, sociologie, droit) sur des thèmes assez large, avec un succès réel auprès des étudiants. L'affaire ne dura qu'un an, les autorités ayant rapidement mis bon ordre à cette tentative systémique feutrée. Pourtant les apprenants ne peuvent pas comprendre les systèmes, quels qu'ils soient, simplement en juxtaposant les éléments individuels d'apprentissage. La complexité des choses doit être étudiée dans son ensemble. Pourtant, des prix Nobel comme Jean Tirole font le siège du ministère de l'E.N. pour que l'économie enseignée dans les universités reste strictement scandée de la sociologie et/ou de l'histoire. Comme les systèmes complexes impliquent des mécanismes de rétroaction, les résultats attendus des actions (les sorties) ne sont pas strictement corrélés aux actions originelles (les entrées). Une petite action (infection d'une chauve souris, pangolin ou vison) peut avoir des effets étendus à travers le système, ce qui est appelé la non-linéarité. Ajoutez à cela la capacité d'auto-organisation et les comportements émergents qui ne sont pas le résultat d'un contrôle central, et vous avez un système adaptatif complexe (une pandémie)[1].

Les systèmes et les catégories que les dirigeants utilisent pour donner un sens au monde relèvent peu ou prou du capitalisme financier. Prendre ce monde pour acquis durablement semble être un risque important dans les circonstances pour le moins inhabituelles. Travailler avec ces hypothèses sur l'avenir prises pour acquises nous rend vulnérables à de nouveaux événements imprévus.

J'ai grand peur que nous ne faisions pas cet effort indispensable de révision du paradigme de représentation (et donc d'action) qui colonise actuellement nos méthodologies d'apprentissage, d'évaluation et de décision. Nos idées sur l'avenir ne sont utiles que tant que les mécanismes qui créent cet avenir continuent à fonctionner comme nous l'espérons. L'idée que la conception de politiques pragmatiques et finalisées collectivement, impliquerait de remettre en question nos hypothèses fondamentales avec un examen approfondi des éléments de base sur lesquels repose une politique du bien commun. Est-ce folie que d'y croire? « En quittant les chemins stéréotypés, ils ont ouvert de nouvelles voies spirituelles, économiques, scientifiques… Les crapauds fous inventent l’avenir. Sans eux, nous nous cantonnerions à ce que nous connaissons. »[2]nous indique une parabole instructive.  

Mais en vérité, cela est plus facile à dire qu'à faire Les dirigeants actuels (au pouvoir ou en attente) supposent qu'un «levier politique» suffisant fonctionnera, leur permettant de ne pas remettre en question leurs habitus régaliens cartésiens. Le Dow Jones dépasse les 32 400 points…

Cependant, les événements récents, ont montré à quel point il devient nécessaire de le faire. Au risque majeur!




[1]Sarah Quarmby. La pensée systémique complexe est utilisée pour l'élaboration des politiques. Est-ce l'avenir? Apolitical.co/fr. October 25, 2018
[2]Thierry Crouzet,. « Les crapauds fous » iBooks

Commentaires

Bravo ! Tout est dit . .
Les intérêts économiques , financiers , sociologiques ,culturels , s'arcboutent pour continuer sur la lancée ......Même en sachant qu'au bout se trouve l'Iceberg .Mais comment arrêter le "tanker" ?
Comment modifier sa trajectoire ? Où sont les canots de sauvetage ?
Sur cette métaphore marine titanesque le Réboussié clignotte comme un phare ....

Écrit par : Le Paon de Cogolin | 25/03/2021

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