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14/09/2015

DÉNI POLITIQUE

Le déni est l’expression d’un refus de voir la réalité telle qu’elle est*. Ce déni peut être involontaire (il s'agit alors d'une pathologie psychologique) ou volontaire pour ne pas affronter cette réalité pour moultes raisons. Il peut être total ou minimisant (diminuant fortement l'importance).

La quasi totalité des dirigeants occidentaux sont dans cette dernière posture. On pourrait même avancer que la qualification d'homme politique est corrélée à la capacité de déni. On a eu les chiraquiens, puis les sarkoziens, on a maintenant les hollandais comme modèles avancés de cette affirmation.

Le nuage de Tchernobyl, la turpitude de Cahuzac, la crise économique,…. relèvent de milliers de cas de déni politique. Les hommes qui nous gouvernent pensent que c'est une façon facile de se protéger de la perte d'audience sachant que l'opinion oublie très vite et qu'il ne relève pas cet "aveuglement volontaire".

Quand le déni politique s'avère plus rusé, c'est souvent un déni de gravité: hypocritement on réduit le fait à une micro conséquence. On se rappelle de toutes les alertes (nucléaires, sanitaires, financières,..) que l'on nous a vendues pour insignifiantes.

Hélas la réalité reste la réalité et la fuite en avant par déni crée un danger, celui de persévérer dans des erreurs en aggravant de plus en plus la situation méjugée.

Nous sommes comme sur un lac gelé où la couche de glace (l'économie - voire la société - réelle) se réduit inéluctablement au profit d'une bulle (finance spéculative) qui grossit entre elle et l'eau (la finance utile) en la fragilisant. Ceux qui nous dirigent dénient cette réalité pour ne pas avouer qu'ils font fausse route, qu'il est urgent de changer de gouvernance car on ne peut pas changer de lac (sauf à aller sur la lune!).

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Hier(2008), on a dénié la crise, puis la gravité du conflit syrien, puis insoutenable hétérogénéité de la zone euro, puis l'erreur libyenne, puis l'importance des évènements Ukrainiens, Syriens, Grecs,.. pour continuer avec les mêmes préceptes… à s'enfoncer vers des impasses insolubles. En scandant à l'envi, media complices, "demain il fera beau, la croissance se lèvera comme toujours, le chômage baissera, les entreprises auront plein de boulot, la paix s'étendra sur la planète, les migrants resteront sagement chez eux pour crever de faim ou de bombes, ceux qui viendront malgré tout sauront nager, les fous des dieux repeindront leurs lieux de cultes en couleurs pastel et feront le Bien, la perpétuelle comptabilité à laquelle on nous soumet sera oubliée,….".

La réalité, les faits, sont têtus! Les évènements concrets disent autre chose.

Aujourd'hui, la zone euro se débat avec des difficultés structurelles insolubles. L'Europe n'existe pas au delà des coups de mentons, il n'y à qu'a voir les positions éclatées sitôt que se pose un vrai problème. La B.C.E. n'ayant pas de tuteur politique s'empêtre dans des actions inopérantes quant aux problèmes majeurs. Et on nous dit que tout est pour le mieux, que la crise asiatique ne franchira pas la frontière russe, que l'on va faire les gros yeux à Daech (avec quelle force de frappe??), que les banques européennes sont fortes (merci qui??), que l'on va dégonfler le ballon spéculatif alors que l'on est incapable d'éradiquer les paradis fiscaux de chez nous,…

Il est contre indiqué de contredire les sornettes, autrement appelées "éléments de langage", carburant du déni, des chefs de partis sauf à devenir des "provocateurs" (Cambadélis et cie), mauvais citoyens, dénégateurs de gouvernants merveilleux et courageux. Ne pouvant dès lors débattre, reste deux voies: la violence ou le mépris.

La violence se manifeste certes, mais heureusement nous sommes dans un pays (encore) civilisé. Elle reste sporadique et localisée. Des mouvements de banlieues, des mouvements ouvriers, des mouvements paysans, des manifestations idéologiques enflamment ci et là l'actualité, mais sans jamais déborder d'un cadre connu et "acceptable".

Le mépris consiste à un retirement de la vie politique et sociale: abstention massive aux différents scrutins, désintérêt pour l'engagement associatif ou syndical, disparition du bénévolat,… En fait un "déni" de société individuel en réaction au déni des dirigeants. Comme le dit Robert Marris** "La grande découverte moderne, après les trente glorieuses et la seconde mondialisation, est que l'exploitation et la souffrance n'engendrent pas la révolte, mais l'asservissement".

Et pourtant, il suffirait parfois de reconnaître les erreurs, de faire machine arrière lorsque cela s'avère nécessaire, innover lorsque le banal ne marche plus. Enfin on pourrait reconnaître la réalité dégagée des éléments de langage. "Oui, on s'est trompé! Excusez-nous, on est humain et donc on va corriger" serait une phrase efficace.

Oui on s'est trompé en construisant l'Europe comme nous l'avons fait… il y a longtemps. Alors on efface les erreurs et on repart d'un bon pied. Un truc fédéral avec un vrai pouvoir européen démocratique et une vraie gouvernance financière au service des populations. La PAC ? Elle ne correspond plus à l'actualité. On va la refonder.

Oui on s'est trompé en faisant une réforme territoriale qui sombre dans la confusion. On arrête tout et on réfléchi à une vraie redistribution des compétences sans compromissions à des fins strictement électorales.

Oui, on n'a pas anticipé les flux de réfugiés actuels. Alors on revoit de fond en comble Schengen et le traité de Dublin pour trouver un système de gestion efficace de ces migrations selon un objectif partagé…

Mais sans doute suis-je naïf! Cet état de fait convient à beaucoup de monde dans le court terme. Les "élites affairistes" y engrangent des milliards, les sous élites bureaucratiques en retirent de nombreux avantages existentiels. Les dirigeants d'entreprise (hors CAC 40), ces "gentils entrepreneurs qui font rêver les socialistes par opposition au méchant capitaliste sont un peu comme ce chien qu'on promène avec une laisse qu'il peut dérouler quelque temps avec l'illusion de la liberté"* possèdent un habitus "non révolutionnaire". Ensuite, un "sur prolétariat" constitué par ceux qui ont un boulot stable, une petite épargne, une petite maison et une bonne espérance de vie, le droit de choisir entre Renault ou Peugeot, s'effraie de perdre plus qui ne gagnera (un tiens vaut mieux que deux tu l'auras!) et se laisse porter par le statut quo. La fameuse majorité silencieuse mérite bien son nom. Voilà pour le volant d'inertie. Pour l'instant il interdit tout bouleversement autre que le fameux "Bonnet blanc et blanc bonnet" via des votes dont le sens devient majoritairement illisible.

Qui ou quoi ré enchantera notre vieux continent? Le projet "du bonheur ensemble" que portait le socialisme s'est délité en miettes macronesques. Les agents du capitalisme financier liquident sans vergogne les derniers vestiges de l'État providence pour extirper la maigre rente des retraités et récupérer au maximum l'argent distribué aux salariés. C'est sans doute pour cela que les mythes religieux remontent à la surface, réhabilitant  des écritures  vieilles de nombreux siècles selon des exégèses opportunistes et/ou extrémistes. L'aimer l'autre, quel projet ridicule! disait Freud qui s'y connaissait en noirceur de l'âme humaine. Le christianisme s'y est employé, le communisme aussi. Avec les résultats médiocres que l'on connaît.

On peut toujours dénier, pour cristalliser le vivre ensemble il n'existe que deux vecteurs: l'amour et la guerre. Citoyens choisissez ou ne choisissez pas… Mieux vaut Hitler que le front populaire! entendait-on dans les dîners en ville en 1930. 

* sur le déni voir (entre autres):  S. Ionescu, MM. Jacquet, C. Lhote "Les mécanismes de défense"– Armand Colin
** "Marx,Ô Marx, pourquoi m'as-tu abandonné?" Champs Actuel. Flammarion. 2012