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23/03/2019

LA FABRIQUE DE VICTIME ÉMISSAIRE  

Je ne suis pas fan de la théorie du complot et tente de raisonner pour analyser les situations sociales. Or, l’état actuel de la France m’inquiète beaucoup!
L’escalade de la violence entre des acteurs mêlant des revendiqueurs pépères à des black blocs ravageurs face à un pouvoir qui s’arque boute sur une réponse répressive plus ou moins aveugle, crée un conflit sans issue visible.
Si l’on décortique ledit conflit on trouve, à la base, des quidams cherchant à exprimer leur mal être social, économique et identitaire. Des travailleurs pauvres ayant du mal à joindre les deux bouts, évoluant dans des zones (urbaines ou rurales) qui se paupérisent, et ressentant un mépris de la part des dirigeants. Ce nouveau type de mouvement social incluant donc chômeurs, féministes, écologistes, précaires, jeunes, homosexuel-le-s,..) a voulu rompre  avec le militantisme partisan ou syndical et s'organiser sur un mode horizontal, égalitaire et consensuel. L’expérience au plus près "du terrain" privilégiant un processus de prise de décision délibératif décentralisé, égalitaire et participatif, rejetant toute référence au mythe de la représentation politique, a focalisé le jeu autour du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne).
La répression progressivement féroce de ces couches populaires leur a donné le goût de la transgression et la légitimité de la vengeance. S’ajoute l’amplification délirante des chaines d’info continue mettant en spectacle les scènes évidemment les plus dramatisables, amplification qui a servi de lentilles déformantes des faits.
Quant aux fameux black blocs, qui sont une forme d'action collective radicalisée consistant, pour des individus masqués et vêtus de noir, à former un cortège (un bloc noir) au sein d'une manifestation et à casser tout ce qui peut incarner symboliquement le capitalisme honni, ils ont profité de l’aubaine pour pimenter les affrontements de dégradations de plus en plus sévères.
Face à ce mouvement pour le moins composite (comprenant à la fois des militants hautement politisés, des jeunes en quête de sensations fortes et des braves citoyens motivés par leur précarité, voire des mémés en quête de compagnie,…), le gouvernement - et en premier lieu le président de la république - a opposé une fin de non recevoir passant par la concertation, ce qui a eu pour résultat d’envenimer les choses et de transformer un défilé protestataire en émeute politique.
Faut-il que nos dirigeants possèdent un haut degré de dédain des classes populaires pour parvenir à cette mutation!

Champs.jpgAvançons plusieurs raisons:
Primo la tentation autoritariste. L’autoritarisme est un système politique se caractérisant par une confiscation du pouvoir au profit du gouvernement en place, se traduisant par des élections truquées, une répression policière importante, une forte limitation des libertés et l’existence d’une censure (Le politiste). A la seule lecture, cette définition évoque bien le dérapage (contrôlé?) de la macronie depuis son élection. Dans un régime de ce type, l’expression publique d’un désaccord sur la politique du gouvernement n’est pas ou faiblement tolérée. Jusqu’aux gilets jaunes, le rouleau compresseur de la majorité pléthorique "En Marche" avait annihilé la contestation, via, le cas échéant, les ordonnances comme arme de dissuasion massive. Confronté à ce "truc" inorganisé, sans finalité précise, sans territoire dédié sinon des ronds points,... le pouvoir a utilisé successivement le mépris, la dévaluation, la manipulation, et enfin la répression policière.
Deuxio, la stratégie du prestidigitateur montrant la main droite pour mieux cacher ce que fait la main gauche. Ce choix serait une manœuvre pure et simple, une stratégie froide et cynique : diaboliser le mouvement, le rendre responsable des violences, retourner l’opinion publique contre lui, l’isoler, l’écraser impitoyablement ensuite, pour s’en glorifier au final. Pendant que les chaînes "aux ordres" déversent des heures et des heures d’images et de mini débats sur les gilets jaunes et leurs exactions, le gouvernement fait passer des décisions pour le moins liberticides, des renforcements du pouvoir des parquets, des privatisations (aéroports de Paris, Française des Jeux,...) complètement inopportunes,... et s’adonne à des débats publics petits ou grand qui leurrent quant à leur caractère démocratique. Il en profite aussi pour manier le vieil croquemitaine des partis "factieux" qui menaceraient la démocratie.
Tercio, il faut l’évoquer même si je suis perplexe, l’inconsistance politique d’E. Macron et de la plupart de ses sbires. N’ayant qu’une expérience limitée du terrain en général (extractions urbaines aisées voire parisiennes riches) et politique en particulier (jamais élus) le pouvoir accumule les erreurs et refuse de les reconnaitre. Car la relative incompétence se double de narcissisme, soit l’opinion exagérée d’eux-mêmes. Malgré les rappels à l’ordre émanant autant d’institutions comme le Défenseur des Droits, Amnesty International ou la Ligue des Droits de l’Homme que d’ONG, de syndicats, de l’ONU, de magistrats, de collectifs citoyens, d’associations, de responsables politiques, d’intellectuels, d’anciens gradés de l’armée ou de la gendarmerie, de journalistes indépendants ou de la presse étrangère, la macronie reste sourde à l’autocritique en se gargarisant d’ordre public. Et cela d’autant plus que ceux qui les ont promu à cette place n’acceptent pas de les voir reculer, voire se contredire, ce qui représenterait le carburant majeur de la concertation. "Le narcissisme, le manque d'empathie et l'arrogance, préparent mal à servir humblement les citoyens les plus pauvres dont on a la charge. L'irrépressible fascination de ces dirigeants pour ce qu'ils considèrent "haut" et le mépris pour ceux qu'ils considèrent comme subalterne, rangent définitivement le narcissisme du côté des piètres démocrates"*.
 
Ceci étant, comment peut-on sortir de cette escalade de violence accompagnée de déconstruction démocratique?
Je ne crois pas un seul instant au grand débat comme issue voire issue de secours. Macron a lancé ce stratagème pour gagner du temps plutôt que comme remède.
Alors, je suis pessimiste. La violence est addictive, elle crée les conditions de sa reproduction et de son escalade. D’actif on devient enragé. L’épuisement des gilets jaunes espéré par Philippe n’aura pas lieu, et même se manifesterait-il, les black blocs venus de divers pays voisins dans une ambiance d’élections européennes, se substitueront à eux pour maintenir l’agitation voire plus. Et chaque semaine amène un degré de plus, l'armée étant mobilisée pour la prochaine étape!
Les oppositions s’enkystent et le débat sur le fond, jamais vraiment ouvert ni cerné, s’efface au profit du rapport de forces.
Et les violences ne se parlent pas! La violence répressive ne communique pas avec une violence symbolique, quoiqu’on dise! "Le monde dans lequel je vis actuellement est violent et non pacifiste, et je considère donc qu'il est légitime pour moi d'utiliser la force pour ne pas laisser le monopole de la violence à l'État et parce que la simple désobéissance civile pacifiste ne fait qu'établir un rapport de force de victime." (cité par Barette C., La pratique de la violence politique par l'émeute. Le cas de la violence exercée lors des contre-sommets, Mémoire de DEA, sociologie politique, Université Paris 1, 2002).
 
Emmanuel Macron devrait méditer le message de René Girard. Quand la violence de la société tend vers son paroxisme alors, elle se donne une victime émissaire signifiante à sacrifier. Qui est le plus montré du doigt?
 
* Antagonisme et dualisme.
http://mecaniqueuniverselle.net/animal-homme/comportement/dualisme.php)