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14/06/2021

DÉSENCHANTEMENTS

Et si les partis politiques manifestaient les mêmes perversités que les religions ? Ne devrions-nous pas exercer, vis-à-vis d’eux, une laïcité de même nature ? Eviter ainsi les extrémismes qui, inéluctablement, se manifestent, enfermant les militants dans un entre-soi, une unicité de discours, mortifères pour la liberté de pensée, seule valeur radicalement démocratique. Le rassemblement politique, la tribu idéologique, pour parodier Maffesoli, n’ont de légitimité et donc d’intérêt, que s’ils procèdent entièrement de la notion de volonté générale du groupe, de la justice et de l'utilité sociale. De ce que l’on appelle aujourd’hui la gestion rationnelle des "communs". Un vouloir commun pour le Bien commun en neutralisant les passions particulières. Et pour faire référence à la République de 1789, penser, non pas qu'une chose est juste parce que le parti la veut, mais qu'à certaines conditions, le vouloir du parti a plus de chances qu'aucun autre vouloir d'être conforme à la justice. Avec, toutefois, la limite que ce vouloir commun ne tourne pas en passion collective qui est, souvent, une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu'aucune passion individuelle (J.J. Rousseau).

On retourne ainsi au problème de la liberté individuelle qui, confronté à cette passion collective, se couche en adhérant, ou se retire sacrificiellement. Une démocratie de partis se conçoit dès lors comme un système idéal, formé de citoyens rationnels et volontaires. Il s’agit d’un idéal très difficile à obtenir dans une modernité qui s’est appliquée à réduire, voire éradiquer, ces qualités fondamentales. Le jeu de l’argent, des médias, de la publicité, des réseaux,... a conduit à une majorité de citoyens exsangues de ces valeurs. Les partis ne sont (ne peuvent plus) être)que ramassis de ces acteurs perdus de la République. Aussi bien "le peuple d’en bas" que les "premiers de cordée" qui ont joué sur d’autres critères pour parvenir. Aussi bien pour les "mondes parallèles" que constituent les religions. J’ai qualifié ce tintamarre "d’infosphère", cette élite déphasée regardant "de travers" tout à la fois le peuple malséant et tous ceux n’adhérant pas au catéchisme de la bienpensance. (Maffesoli: Une société en pleine décadence)

Et pourtant nous sommes des êtres grégaires. Nous tendons à nous regrouper en tribus selon un néo-tribalisme autour d’enjeux (de jeux) extérieurs à la politique, vidant d’autant les partis de forces vives (physiques et intellectuelles). On trouve chez Nietzsche l’idée d’une prévalence de la communauté par rapport à l’individu au sein de la société hiérarchique, liée à l’existence de relations fortes et immuables d’interdépendance entre individus: "Ce qui dorénavant ne se construira plus, ne saurait plus se construire, c’est une société dans le vieux sens du terme : pour construire pareil édifice, tout fait défaut, à commencer par les matériaux. Nous tous avons cessé d’être matériaux de construction d’une société...". Je suis nietzchéen, forcément, à constater la vie telle qu’elle se déroule sous nos yeux. À écouter les discours qui ruissellent de notre télé, de nos feuilles journalistiques, de nos écrans d’ordinateur. À m’indigner de la psycho-pandémie entretenue par le pouvoir, conséquence logique de la « pensée calculante » (Heidegger) qui, obnubilée par le chiffre et le quantitatif et fascinée par une  logique de domination des foules entretien une stratégie de la peur. De la servilité des gens se précipitant aux vaccinodromes comme des guêpes sur du miel, dénonçant le voisin comme aux temps des étoiles jaunes,Emboitant la "mission" de lapidation de cibles données à détruire par "le gouvernement", personnalités ou non, traitées de complotistes. Abdiquant de leur vie sociale, de leur plaisir, de leur raison,... masqués jusque dans leur WC. À m’indigner de cette grégaire abdication, angoissante pour les jeunes générations auxquelles est dénié tout apprentissage volontariste de vie au sens nietzchéen. Génération à qui on refuse même de choisir son avenir en lui opposant des algorithmes improbables (Parcousup)** et en vivant de toute substance un baccalauréat qui se voulait test initiatique entre adolescence et vie future. Jouer ainsi de la machine pour broyer les aspirations en supputant couper ainsi les ailes de la velléité constestataire. À m’indigner de la vacuité du discours politique qui se cantonne à des arguties de déconsidération des autres, en vantant ses propres échecs comme des victoires. À cesser d’en appeler à la vie même, à sa capacité inouïe d’imprévu et de création. La Communauté solidaire ou la République indivisible, la Raison universelle, l’Art, la Littérature, la Pensée, la Solidarité volontaire,.. ce n’était pas rien.
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Qui possède encore un discours crédible sur ces thèmes ? Ne me dites pas Macron, il a montré ses amitiés perverses et sa concertation policière, pas le PC qui a oublié Marx, la solidarité de classe, le PS qui n’existe peu qu’à travers des fantômes disparus (Jaurès, Blum,...) et des survivants démonétisés (Hollande, Valls,..) ; La droite qui s’est vendue majoritairement aux banquiers et aux GAFSA, le RN qui patauge dans une soupe de légumes plus ou moins avariés touillée avec la même louche, les Verts enivrés de leurs surenchères d’utopies. Mélenchon qui est devenu gourou d’une secte qui ne peut ou n’ose déroger du discours du chef, fut-il insoutenable. Le champ de la politique ressemble à une lande où les plantes vivaces sont étouffées par les buissons financiers, les herbes folles du marketing, les lianes addictives des drogues, végétales ou numériques, le regain des haines de toute nature. "La politique dans notre siècle est presque une œuvre désespérée, et j'ai toujours eu ta tentation de la fuir en courant...". À l’instar d’Hannah Arendt ma tentation est de virer anar, refusant de participer à un cirque décervelé, toxique pour l’humain au sens large, de me rendre complice (sans malice) de manigances à des fins inavouées, voire inavouables. L'époque est bien celle de tous les désenchantements, de tous les manques, de la déliquescence des repères de la vie en communauté avec les autres (la politique), comme de ceux de la vie en communauté avec soi-même (la pensée). L’autre jour une pancarte dans une manifestation, citant la philosophe allemande, résumait mon propos "Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyiez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir, mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez." C’est peut-être le seul intérêt de la crise que nous vivons : décaper le présent de tous ses artifices pour en révéler les ornières et les chausses trappes. Les complices et les suppôts. Les acteurs et les laissez-faire. Pour susciter une remise en question large et profonde. Sans passer forcément par l’étape piégeante du parti castrateur. En pratiquant plutôt une permaculture sociale, en jouant plus sur des enchevêtrements solidaires que sur des oppositions tranchées (Citton). "Notre héritage n'est précédé d'aucun testament" écrivait René Char. C’est dans cet aphorisme qu’il faut penser présent et avenir.

 

*Simone WEIL, Note sur la suppression générale des partis politiques (La très petite collection) (French Edition) . Allia. Édition du Kindle.

** F**k the algorithm : le désarroi de la Gen Z face à Parcoursup. l’ADN. 12/10/2020

*** L’intérêt politique de la vision permaculturelle repose précisément sur sa capacité à rendre possibles des formes globales d’émancipation et de résistance au système économique actuel,en jouant sur les mineurs (toutes formes de discrimination et d’exclusion sociale).