24/03/2008
LE VENIN DU MENSONGE
Je n’en peux, plus ! Je vous l’ai dit, cette période pré et post électorale m’a profondément irrité et choqué.
Irrité, d’abord, par l’usage du mensonge de façon délibérée et continue par à peu près tous les politiques s’exprimant à la télé, gauche et droite confondue, hommes et femmes confondus. Une illustration parfaite : allez voir « Nadine Morano prise en flagrant délit de 'n'importe quoi' » sur Marianne2.fr. C’est gratiné !
Qu’est-ce qu’un mensonge ? Selon le Petit Robert, c’est affirmer ce qu’on sait être faux, nier ou taire ce qu’on devrait dire. En vertu de cette définition, les exagérations partisanes, les cachotteries, les demi-vérités, sont toutes des mensonges. Et ceux qui s’y livrent sont des menteurs. En politique, du plus haut (Président) jusqu’au petit maire de village creusois, tous cachent, contournent, déforment allègrement la vérité, sans en ressentir la moindre gêne. On ment même sur commande comme l’a mis en exergue l’après premier tour où les membres de la majorité venaient réciter la même messe écrite par les communicants de l’Elysée (voir Canard Enchaîné). Les socialistes n’étant pas plus francs, mais plus divisés ils faisaient moins « perroquets ». A ce jeu, il se dit des énormités qui feraient rougir un arracheur de dent, à la face de milliers (millions ?) de téléspectateurs prisonniers puisque, en zappant, ils retombent sur d’autres fieffés manipulateurs de vérité.
Choqué, ensuite, car ce n’est nullement l’apanage des politiciens de faire du faux. Les banquiers nous mentent sur l’ampleur de la crise des sub primes, les sportifs nous mentent en jurant sucer de la glace, les agronomes nous mentent sur l’innocuité des OGM, les patrons nous mentent sur les caisses noires syndicales, les ulémas nous mentent sur le sens du Coran, les cathos nous mentent sur le nombre d’ecclésiastiques pédophiles, les américains nous mentent sur l’Irak, les Iraniens nous mentent sur a peu près tout, les chinois nous mentent sur le Tibet, Nixon nous mentait sur le watergate, Clinton nous mentait sur Monica, Mitterand sur Mazarine, … Le monde capitaliste lui-même est devenu un mensonge collectif, ... mais pas plus mensonger que les derniers régimes non capitalistes!
Devons-nous nous satisfaire de cette banalisation de la non-vérité ? Est-ce un état de fait inéluctable dans un monde dominé par les mass médias ? La démocratie serait-elle cosubstantielle au mensonge ? Autant de questions qui nous entraîneraient vers des débats philosophiques ardus (cf Pierre Lenain. Le Mensonge politique. Economica). Plus prosaïquement, j’introduis l’idée que tout cela découle de l’impératif sociétal de gagner à tout prix. Je mens sur le dopage parce que je veux gagner malgré tout. Je mens sur la nocivité d’un produit parce que je veux le vendre avant les autres ... Je mens sur le nuage de Tchernobyl parce que je ne veux pas paraître plus bête que les autres. Aveuglés par la victoire, la gloire, les gains, les flatteries, le pouvoir, tous les acteurs de la scène publique jouent les importants et mentent effrontément. C’est la loi du mensonge triomphant car, en plus, l’honneur n’est plus qu’une image d’Épinal et la justice un recours malaisé. L’honneur s’avère(ait) l’obstacle premier au travestissement de la vérité, même par obligation. Hélas cet ingrédient chevaleresque ne se trouve plus que dans des arts martiaux confidentiels ou des cercles élitistes restreints. Quant à la justice, qui se posait en rempart contre l’usage délictueux de la contre-vérité, elle a trop à faire, elle exige trop de délai, … et elle a déjà beaucoup trop à balayer devant sa porte pour être crédible ! Dis Clearstream pourquoi tu tousses, dis Outreau pourquoi tu te caches ? Pas de sanction, voire à l’inverse, une rentabilité sociale en « jouant le jeu des menteurs », dans le système des partis qui accrédite un discours dominant pour chaque faction fabriquant une unité de façade. Malheur à celui qui tente de « parler vrai » !. Mendes, Rocard, pourquoi vous étranglez-vous ?
En écrivant je prends conscience de l’énormité de la chose ! Tout contribue à cette loi du mensonge impuni, donc impénitent. Elle a gangrené tous les milieux religieux, politique, économique, sportif, … donc tous les référentiels qui devraient inspirer des valeurs et des vocations. Alors, ne vous sentez-vous pas ridicule en répétant à vos enfants qu’il ne faut pas mentir, que ce n’est pas bien ? C’est pas bien de trafiquer ton carnet scolaire ! Dis papy et le monsieur de l’UIMM ? Non, non, c’est pas pareil, c’est pour fluidifier les relations sociales ! Dis papy, et moi tu crois que c’est pas pour fluidifier mes relations avec papa ? Heu …
Sauf qu’une société ne peut pas reposer sur le mensonge. Sauf peut-être sur le mensonge sacré, fondateur (cf René Girard). C’est sans doute pour cela que la nôtre est en train de foutre le camp. Parce qu’il faudrait réhabiliter le courage comme vertu première. Le courage d’assumer économise à quatre-vingt pour cent le mensonge. Pour cacher un mensonge il faut mentir mille fois. Pour l’éviter il suffit d’assumer la vérité bête et méchante, dans l’instant.
Et même s’il est beaucoup sollicité ces temps-ci, rappelons Jaurès « Le courage, c'est de refuser la loi du mensonge triomphant, de chercher la vérité et de la dire ».
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