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21/06/2009

ENTRE LE MUSÉE ET L’ÉPHÉMÈRE

 

Il faut bien en parler ! Ce n’est pas brillant, mais il faut en parler ! Soixante pour cent de gens qui ne sont pas allés voter pour les Européennes, ça fait tache… et ça caduquise les gagnants et les perdants. Les gagnants ne sont confortés que par environ 12% des électeurs et il n’y a pas matière à s’extasier, les perdants ont, eux, encore plus de souci à se faire puisqu’ils n’ont pas attiré les mécontents (de droite et de gauche, mais surtout de gauche).

 

Le prétexte de dire que l’Europe ne motive pas ne tient pas eu égard à la participation observée pour le référendum sur un thème similaire (en France). Il faut, je crois rechercher des causes aux racines plus profondes et plus complexes qui, tels des rhizomes, innervent la démocratie.

J’avancerai, en premier, la formule (de je ne sais plus qui) parlant de «démocratie rétroviseur». La démocratie apparaît aujourd’hui comme un système électoral de «validation» a posteriori, alors que son essence était de sélectionner des valeurs et des hommes en amont de l’agir. Dans cette dernière posture, les militants et les électeurs se dotaient du personnel politique choisi, porteur du projet politique auquel ils croyaient … le plus. Quoique l’on en dise, ce n’est plus le cas. Le vote sert actuellement à sanctionner (ou non) ceux qui sont au pouvoir, sur la base des actions entreprises et menées à bien. Au premier degré, d’abord, selon l’évaluation des résultats perçus, mais surtout au second degré, à l’aune du marketing politique «vendant» plus ou moins bien les actes, voire au troisième degré, analysant ce qu’auraient fait les opposants. Démonstration actuelle: les électeurs potentiels écoutant TF1 en majorité, lisant (peu) une presse largement soumise, ne peuvent avoir que des tendances favorables vis-à-vis d’une gestion sarkozienne partout mise en exergue. En même temps ils assistent aux pitoyables luttes picrocholines et intestines de la gauche d’opposition. Monsieur Tartempion que pensez-vous qu’il se dise ? Dans le fond ce Sarko il se démène, il bosse, il défend la France face à la crise et les autres ils feraient quoi, à sa place ? Donc je vote pour lui sans m’en vanter, ou je vais à la pêche car je n’ai pas vraiment d’arguments de le saquer. Stop ! Je ne dis pas que M. Tartempion a raison ! Vous, camarades informés qui fuient Pernaut et se renseignent sur Internet, vous qui avez les outils techniques et intellectuels d’investigation, vous sur qui la pub éhontée des Lefebvre-Bertrand et Cie n’a pas d’impact, … vous savez ! Mais combien êtes-vous ? Peu, trop peu, je le crains !

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Le second processus de changement réside dans la nature de l’information, marqué par la formule de Lesourne « entre le musée et l’éphémère ». La plupart des messages perçus par les individus relèvent de l’éphémère volatil et durent l’espace d’un instant. La communication surfe donc sur du périssable susceptible d’être oublié rapidement en mobilisant l’attention en permanence sur de nouveaux « flashes ». On n’a pas fini d’assimiler le précédent qu’il se trouve «écrasé» par la nouvelle info qui, elle-même, va subir le même sort, … et ainsi de suite. Que voulez-vous que l’électeur retienne de cette course à l’échalote pour faire son choix citoyen au moment de voter ? Une dernière vision fugace ou une impression générale, une « traînée de sens », plus subliminale que construite et donc contradictoire avec l’esprit démocratique censé choisir raisonnablement. Et tout ce qui ne subit pas l’effet périssable de l’accélération communicationnelle devient sanctuarisé. C’est-à-dire non discutable, non attaquable. Ainsi se créent des « tabous idéologiques » qui, sans raisons fondamentales et démontrables, s’imposent aux individus priés de s’y conformer. Le marché, la concurrence, la compétition, la propriété privée, … prière de ne pas toucher ! Et bien sûr la démocratie qu’il ne faut pas critiquer sous peine de fascisme ou d’anarchisme! On ne débat pas sur ces sujets sauf à se voir traités de ringards au mieux, d’ultra-gauches (nouveau qualificatif se voulant extrêmement désobligeant !) au pire ! Or le débat se situe à la racine démocratique.

Résultat général: entre la traînée de sens et le tabou idéologique l’électeur ne voit plus d’espace d’émergence d’une opinion construite. Dès lors, soit il se laisse glisser au fil de l’eau en espérant que la prochaine chute (crise) est loin et pas trop raide. Soit, naïf ou idolâtre, il croit aux guides politiques omniscients et potents. Soit il démissionne, exténué et résigné, spectateur hagard du n’importe-quoi-n’importe-quand, élevé au rang d’un avenir laissé au gré d’une main invisible particulièrement discrète. Soit, embarqué dans le yacht merveilleux de la fortune impudente, il crache son venin sur les quelques empêcheurs de voguer princier et vilipende ceux qui n’ont ni Rolex ni Jaguar et qui aspireraient, insensés, à un salaire au-dessus du Bangladeshi médian !

Alors, comme disent les anars, désormais « Ce qui distingue les démocraties des autres systèmes, c’est qu’elles oppriment et aliènent en se parant des atours de la volonté collective, en se présentant comme l’incarnation même de la liberté, ce qui les rend particulièrement insidieuses, efficaces et pérennes» (Les cahiers d'Anne Archet). Les élections (à part peut être les municipales) ne servent plus guère que de prétexte à une validation d’ensembles politiques largement consanguins.

Et pourtant, nous devons, plus que jamais, défendre les intérêts des États nations, dernier rempart contre la grande entreprise, la mondialisation et ses institutions économiques internationales. Comment concilier ce paradoxe ?

 

 

 

12/06/2009

L’OULLADE BAT LA POTÉE !

Identité et territoire, beau sujet pour le Bac.
Première partie, la prégnance de la reconnaissance identitaire dans le rugby moderne. L'USAP a battu AS Montferrand, ou plutôt les catalans ont battu les auvergnats. N'est-il pas symbolique que des équipes à enracinement identitaire fort représentent l'élite dans un sport qui s'est mondialisé avec le professionnalisme ? Avec des processus paradoxaux tels que des joueurs venus du bout du monde arrivent à se fondre dans des référentiels culturels historiques. Carter prêt à sacrifier à la sardane avec le foulard sang et or en bandoulière et Nalaga prêt à danser la bourrée en sarrau, pour peu qu'il eut gagné ! On peut trouver dans cette implication culturelle identitaire le supplément d'âme nécessaire pour se transcender dans ce jeu où la mort se côtoie en permanence. « Le spectacle sportif n'est pas tout à fait ce que l'on croit. Il s'agit de culture, d'une de nos ultimes manières d'être ensemble. Écoutez donc ce qui se qui se crie dans la clameur des stades. Ce bruit-chaos est primitif comme le vent de la violence, lâché, maîtrisé, perdu, repris, délirant et discipliné. Cette cérémonie est religieuse, j'entends par religion des choses oubliées depuis toujours, des choses barbares, sauvages, pour lesquelles nous avons perdu les mots et qui nous viennent de très loin »*. Alchimie complexe qui pétrit intimement des spécificités, des souvenirs, des drames et des héros, avec une modernité planétaire. Sen d'aqui et des îles du Pacifique, per Sagols et par Carter, au pied del Canigou, fusionné dans une équipe qui cristallise le sentiment de communion. On dirait de même avec Chevallier et Ledesma, et les volcans ! Etrange époque où les ethnologues doivent hanter les tribunes (ou plutôt les pesages) pour analyser les battements du cœur culturel des sociétés ! Sansot dixit.USAPASM.jpg
Seconde partie, l'Europe ne suscite aucune adhésion identitaire, rien du moins qui motive les électeurs à aller glisser un bulletin dans l'urne. Des institutions compliquées, des symboles évanescents (qui reconnaît l'hymne et le drapeau européens ?), des partenaires peu connus, voire ignorés (la Slovénie ? L'Estonie ??), des candidats délocalisés (Peillon), ... comment peut-on vibrer pour un fantôme tellement désincarné ? La démocratie, nous en reparlerons, impose un engagement fort des électeurs et donc desdits électeurs identitairement mobilisés pour faire vivre l'entité en cause. Rappelez-vous la mobilisation roussillonnaise contre la Septimanie, pourtant lubie markéticienne fréchiste sans enjeu majeur ! Je crois qu'il faudra quelques générations et de réels efforts pédagogiques pour que l'Europe devienne un territoire. En effet, le territoire n'est pas une donnée mais le résultat d'une construction sociale où les processus et les héritages historiques jouent un rôle déterminant. C'est une construction socio-historique dont la fonction est double: construire un sentiment d'appartenance à une communauté (ou à un territoire) et se différencier des autres communautés (ou territoires). Ainsi la Yougoslavie d'après Tito s'est décomposée en nations revigorées. Ainsi l'URSS, l'AOF, AEF, ...
Rappelons-nous la force symbolique comme ciment, comme moteur, comme finalisation.
«Pour que cette dimension symbolique soit significative, encore faut-il que l'enchantement économique qui semble se diffuser dans les enceintes sportives dévouées au rugby-spectacle ne se limite pas à des divertissements mercantiles, des expériences simulées et des relations tarifées»**. Idem pour le projet européen.

* Michel Serres. Genèse. Grasset. P 97-98

** Entre Jeu, Passion et Travail : Itinéraires insolites de joueurs de rugby professionnels confrontés à la marchandisation de leurs vécus corporels. Gilles Lecocq, ILEPS-

05/06/2009

LA FAILLITE DES TANKS ET L’ENVOL DU FUNAMBULE

La force de l’image transgresse tous les interdits ! Celle de la Place Tian'anmen, mettant en frontalité l’hideuse puissance  du char d’assaut de la répression et la fragilité pugnace d’un baladin en chemise blanche, nous bouleverse vingt ans après. Permettez que j’exploite ce document immortel en détournant son usage, certes, mais en préservant le sens.
La semaine dernière, les demies finales du Top 14 ont donné à voir la faillite des tanks. J’appelle tanks ces centres monstrueux que des entraîneurs en rupture de talent s’escriment à aligner, systématiquement, implacablement, sans doute pour se sécuriser. Sans doute pour s’éviter de produire un système de jeu un peu plus complexe. Toulouse et Paris ont ainsi vérifié l’inefficacité de ces mammouths, sitôt qu’ils avancent comme des fers à repasser. C’est aujourd’hui le cas de Jauzion et de Liedenberg au minimum, « assistés » de Fritz et Bastareau, empruntés comme des Panzers. Inlassables assauts de percussions percutantes au petit trot, irrémédiablement vouées à l’enterrement stérile.
Dans le rôle du funambule, je mettrais mon ami Robert Spagnolo qui s’est fait la valise vers d’autres contrées, mardi. Je ne ferais pas aux anciens l’injure de présenter l’artiste, mais, pour les jeunes, il faut dire qu’il a connu la gloire dans la grande équipe de l’AS Béziers championne de France en 1961, comme trois quart aile. Rapide, agile, rusé, pugnace. Transfuge du foot pro, pour lequel il était promis à une brillante carrière, il était obligé de montrer des qualités irréprochables au pied. Il excellait donc à buter, recentrer, droper, mais surtout son talent personnel résidait dans le coup de pied au-dessus de l’adversaire, d’homme à homme en mouvement, une sorte de «coup du chapeau rugbystique», qui le faisait craindre sur tous les terrains de France, d’Angleterre et de Roumanie. Robert était un vrai funambule du ballon ovale, tutoyant la ligne de touche, déplaçant au cordeau, récupérant la moindre parcelle d’espace pour se faire la belle. Claquant un drop dans le «money time» ruinant les espoirs d’adversaires dépités de tant de roublardise. Les tanks ne lui faisaient pas peur et il les attendait, serein et déterminé comme le chinois gracile. C’était un saltimbanque de l’attaque, expression dérivée d’une opinion d’un ami disparu qui me disait «

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Spagnolo, il est comme Django : il joue différemment, à sa façon, mais c’est beau !». J’ai toujours adoré ce parallèle, accrédité par la fine moustache de manouche qui n’a jamais quitté la lèvre supérieure de Robert. Mais le joueur avait aussi un message à faire vivre, on ne bouscule pas des chars pour rien ! Il avait à construire des jeunes, leur insuffler les valeurs fondatrices du sport altruiste, s’investir pour cela dans des aventures improbables : relancer le rugby à Montpellier (Stade Montpelliérain), faire revivre l’esprit estudiantin (MUC), défricher des terres vierges (RC Frontignan). Porteur dans sa fonction de mentor de l’alchimie du « sorcier  de Sauclières », Raymond Barthes, son ami et maître.
Et comme à tout combattant il faut un étendard, il en eut trois : le bleu et rouge de la république, le bleu et blanc de la pureté, le rouge et noir de la passion.
À ceux qui pensent que Robert était d’un autre temps, je dirais qu’au contraire, il est d’une grande actualité. Il est le symbole d’un rugby de mouvement, de joie, d’amitié, de respect, d’humilité. Bref d’un sport, un vrai sport, qui ne se prend pas trop au sérieux au-delà du coup de sifflet final et du cassoulet de troisième mi-temps. Un rugby d’hommes simples, gros, maigres, un peu tordus et même presque nains , à condition qu’ils est envie d’arrêter les tanks à mains nues et à hurler «Les Balladins», en fanfare désaccordée. De ceux qui rient de tout en gardant cachées les échardes enfoncées dans leur cœur, feinte de passe au destin réussie ! De ceux qui ont écrit des pages fabuleuses pour des supporters grimés et enluminés oubliant, le temps d’un dimanche, les pépins de la vie. De ceux qui se retrouvent encore pour griller quelques escargots en occultant les rhumatismes et la crise  dans des granges improbables du pays catalan.
Il faut célébrer des Spagnolo comme des Tian'anmen parce que la vie en société impose ces héroïsmes du quotidien, ces valeurs brandies même et surtout si elles ne sont pas dominantes. Ces parcelles de noblesse ancillaire que notre temps bafoue, au profit des idoles creuses comme des blindés inhabités.
Les tanks auront toujours tort tant que des funambules ailés comme Robert Spagnolo apprendront aux jeunes à leur faire des cadrages déborde