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05/06/2009

LA FAILLITE DES TANKS ET L’ENVOL DU FUNAMBULE

La force de l’image transgresse tous les interdits ! Celle de la Place Tian'anmen, mettant en frontalité l’hideuse puissance  du char d’assaut de la répression et la fragilité pugnace d’un baladin en chemise blanche, nous bouleverse vingt ans après. Permettez que j’exploite ce document immortel en détournant son usage, certes, mais en préservant le sens.
La semaine dernière, les demies finales du Top 14 ont donné à voir la faillite des tanks. J’appelle tanks ces centres monstrueux que des entraîneurs en rupture de talent s’escriment à aligner, systématiquement, implacablement, sans doute pour se sécuriser. Sans doute pour s’éviter de produire un système de jeu un peu plus complexe. Toulouse et Paris ont ainsi vérifié l’inefficacité de ces mammouths, sitôt qu’ils avancent comme des fers à repasser. C’est aujourd’hui le cas de Jauzion et de Liedenberg au minimum, « assistés » de Fritz et Bastareau, empruntés comme des Panzers. Inlassables assauts de percussions percutantes au petit trot, irrémédiablement vouées à l’enterrement stérile.
Dans le rôle du funambule, je mettrais mon ami Robert Spagnolo qui s’est fait la valise vers d’autres contrées, mardi. Je ne ferais pas aux anciens l’injure de présenter l’artiste, mais, pour les jeunes, il faut dire qu’il a connu la gloire dans la grande équipe de l’AS Béziers championne de France en 1961, comme trois quart aile. Rapide, agile, rusé, pugnace. Transfuge du foot pro, pour lequel il était promis à une brillante carrière, il était obligé de montrer des qualités irréprochables au pied. Il excellait donc à buter, recentrer, droper, mais surtout son talent personnel résidait dans le coup de pied au-dessus de l’adversaire, d’homme à homme en mouvement, une sorte de «coup du chapeau rugbystique», qui le faisait craindre sur tous les terrains de France, d’Angleterre et de Roumanie. Robert était un vrai funambule du ballon ovale, tutoyant la ligne de touche, déplaçant au cordeau, récupérant la moindre parcelle d’espace pour se faire la belle. Claquant un drop dans le «money time» ruinant les espoirs d’adversaires dépités de tant de roublardise. Les tanks ne lui faisaient pas peur et il les attendait, serein et déterminé comme le chinois gracile. C’était un saltimbanque de l’attaque, expression dérivée d’une opinion d’un ami disparu qui me disait «

Tanks 1.jpg
Spagnolo, il est comme Django : il joue différemment, à sa façon, mais c’est beau !». J’ai toujours adoré ce parallèle, accrédité par la fine moustache de manouche qui n’a jamais quitté la lèvre supérieure de Robert. Mais le joueur avait aussi un message à faire vivre, on ne bouscule pas des chars pour rien ! Il avait à construire des jeunes, leur insuffler les valeurs fondatrices du sport altruiste, s’investir pour cela dans des aventures improbables : relancer le rugby à Montpellier (Stade Montpelliérain), faire revivre l’esprit estudiantin (MUC), défricher des terres vierges (RC Frontignan). Porteur dans sa fonction de mentor de l’alchimie du « sorcier  de Sauclières », Raymond Barthes, son ami et maître.
Et comme à tout combattant il faut un étendard, il en eut trois : le bleu et rouge de la république, le bleu et blanc de la pureté, le rouge et noir de la passion.
À ceux qui pensent que Robert était d’un autre temps, je dirais qu’au contraire, il est d’une grande actualité. Il est le symbole d’un rugby de mouvement, de joie, d’amitié, de respect, d’humilité. Bref d’un sport, un vrai sport, qui ne se prend pas trop au sérieux au-delà du coup de sifflet final et du cassoulet de troisième mi-temps. Un rugby d’hommes simples, gros, maigres, un peu tordus et même presque nains , à condition qu’ils est envie d’arrêter les tanks à mains nues et à hurler «Les Balladins», en fanfare désaccordée. De ceux qui rient de tout en gardant cachées les échardes enfoncées dans leur cœur, feinte de passe au destin réussie ! De ceux qui ont écrit des pages fabuleuses pour des supporters grimés et enluminés oubliant, le temps d’un dimanche, les pépins de la vie. De ceux qui se retrouvent encore pour griller quelques escargots en occultant les rhumatismes et la crise  dans des granges improbables du pays catalan.
Il faut célébrer des Spagnolo comme des Tian'anmen parce que la vie en société impose ces héroïsmes du quotidien, ces valeurs brandies même et surtout si elles ne sont pas dominantes. Ces parcelles de noblesse ancillaire que notre temps bafoue, au profit des idoles creuses comme des blindés inhabités.
Les tanks auront toujours tort tant que des funambules ailés comme Robert Spagnolo apprendront aux jeunes à leur faire des cadrages déborde

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