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16/08/2012

DUALISME TAURIN

L'univers tauromachique n'échappe pas à la fracture qui tend à opposer constamment deux "idéologies" dans les disciplines sociales, de la religion au sport, en passant par la politique, l'urbanisme, la musique, l'art plastique,… On y trouve les éternels duels opposant l'intransigeance à la tolérance.  D'un côté la chapelle rigoriste qui se veut gardienne du tabernacle sacré des règles, normes et pratiques. De l'autre l'auberge espagnole pragmatique qui accepte d'assouplir lesdites normes pour s'adapter au monde qui évolue (en bien?en mal? elle ne se veut pas juge). Il en résulte un dualisme (le dualisme correspond à la description, pour un domaine donné, de deux entités ou principes, inséparables, nécessaires et irréductibles l'un à l'autre et qui coexistent) dont on a du mal à dire s'il est favorable ou néfaste à la chose à laquelle il s'intéresse.

Il en est ainsi de la corrida.

Prenez la Féria de Béziers.
Samedi: Talavante en rouge délavé et or, grand maître de la temporada a laissé sourdre son talent mais face à des toros trop téléguidés pour exhaler le moindre frisson. Retient-on la faena ou l'inconsistance du bétail? Mora en saumon et or, excellent toréro de public dessinant des volutes insipides quoique de bon aloi.  Retient-on le traitement spectaculaire ou le manque de rigueur? Puis l'évènement de l'alternative adoubant le biterrois Tomas Cerqueira en mordoré et or. Les intégristes auraient sans doute préféré le blanc "virginal" plus traditionnel, mais mon ami, son entêté apoderado Francis Andreu, n'a pas abondé. Le troisième torero biterrois (après Millan, Castella) démontra ses qualités et la marge qui le sépare des figuras. Retient-on le potentiel futur ou les limites actuelles? La présidence s'est laissée aller à une pluie d'oreilles permettant aux trois protagonistes de sortir "a hombros" par la grande porte. Les rigoristes diront le laxisme du palco, la "modernité" du bétail*, le gâchis d'offrir de telles bêtes au talent d'un Talavera, l'ennui qui s'est emparé de l'arène du plateau de Valras. Les "aubergistes" seront ravi de la propreté de cette course, avec des mises à mort rapides, un spectacle attrayant même s'il manquait le piment du danger, les oreilles, les tours de piste, les fleurs et les flonflons musicaux qui ont ravi les touristes de Farinette-Plage et les familles des Ardennes. Dual.jpg
Dimanche le dualisme fut plus marqué. Globalement le même après midi sans relief mais avec l'évènement d'un indulto. Les gardiens du temple dénoncent cette "aberration" récompensant d'abord un toro, certes doté d'un allant peu commun à la muleta, mais s'étant dispersé aux piques et à la cape. Un ganadero, ensuite,  ayant amené un lot hétérogène, excessivement léger, sans trapio, faiblement armé, "nobles en général mais manquant de fond et de classe". Des toros indignes d'une arène de première catégorie française (correspondant à seconde catégorie espagnole). Indulto résultant d'une abdication du président devant "la foule", perdant les pédales au point où l'alguazil dut lui rappeler la fixation des trophées (deux oreilles en l'occurrence). Inconsistance de prise de responsabilités qui s'était pourtant manifestée par un anti Julisme marqué, taxant le matador de son vilain bajonazo traversant.  Ainsi soit-il! Les aubergistes raconteront l'exploit de la grâce biterroise, et diront qu'il faut sur payer les toros qui donnent autant de jeu, donc de spectacle.  Ils ajouteront que les trois compères (Juli, Pereira et Luque) ont ravi le public néophyte et qu'il est rare qu'une telle unanimité existe pour une corrida.
Qui a raison? Difficile à dire! Remplir des arènes avec uniquement des aficionados s'avère utopique. Reste à définir le degré de compromission que l'empresa accepte dans son montage. Quant à la qualité des figuras, quant aux lots de toros présenté, quant aux canons du déroulement, à la rigueur de l'attribution des trophées. Ce degré fera que la corrida mourra moins des anti-corridas que du laxisme de son mundillo.
Il ne faut pas oublier que la corrida reste un drame symbolique où des êtres se jouent la vie. "La course de taureaux est le seul art où l'artiste est en danger de mort et où la beauté du spectacle dépend de l'honneur du combattant. Appelé pundonor en Espagne, il signifie honneur, probité, courage, respect de soi-même et orgueil en un seul mot. (…)" (Ernest Heminguay); Cela demande un minimum de respect, un minimum incompressible d'observance du rituel. La première règle de la corrida c'est avant tout ce triple respect : respect du règlement, respect de l'animal toréé, respect du public. Déconstruire progressivement ce triptyque me semble extrêmement dangereux. Quand, durant la faena, on entend le bruit strident des scies des bouchers dépeçant dans l'arrière toril, le bicho précédent, le temps n'est peut être pas loin où le Quatar rachètera les Arènes de Nîmes et offrira à son team de toreros des bêtes fabriqués pour le spectacle, sponsorisées par Ricard ou Souleillado. On pariera sur le nombre de derechazos, la chute du picador ou, (grosse côte), la cogida du maestro. Olé!

Un jour la corrida disparaîtra discrètement. Quand il n'y aura plus de raisons socio-culturelles pour qu'elle existe (Simon Casas).

* euphémisme pour désigner des toros légers, faciles (bonbons), modestes à la pique, appréciés par les figuras qui peuvent ainsi briller à bon compte.

05/08/2012

LA STRIDULATION TRAGIQUE DE LA CIGALE ESPAGNOLE

Les régions espagnoles pataugent dans le rouge et subissent de plein fouet l’impact de la crise. En sus du problème de dette souveraine, la péninsule ibérique souffre donc de dettes « provinciales ». Et tout le monde (ou presque) se gausse de gouvernements locaux ayant construit à tour de bras « des immeubles sans habitants, des autoroutes sans voitures, des aéroports pour les vautours» (Elodie Cuzin, Folie des grandeurs : l'Espagne endettée peut remercier ses régions. http://blogs.rue89.com/ibere-espace). L’espagnol est de nature cigale c’est bien connu !

Je n’ai pas vu ou entendu beaucoup de commentaires français s’émouvant de ce fait et, surtout, essayant d’établir un parallèle entre les deux versants des Pyrénées.

C’est un tort car la crise de la dette catalane (45 Milliards), valenciane, ou galicienne pourrait préfigurer de quelques temps celle d’Ile de France (3,5 Milliards), du Nord Pas de Calais (1,67 milliards), du Rhône Alpes (1,57 milliards), voire du Languedoc-Roussillon (593 millions). En moins de dix ans ces dettes « provinciales » françaises ont plus que doublé alors qu’il est évident pour tout le monde que les ressources ont stagné. Chaque Corse supporte ainsi une dette de 1.000 euros  (225 pour le L-R)! Les départements ne sont pas mieux lotis (30 milliards de dette en tout), sans parler des villes (Marseille, Saint Etienne, Perpignan,…) ce qui explique facilement l’explosion des impôts et taxes locales. Car tout le monde a joué à la patate chaude, l’État transmettant aux régions, aux départements, transmettant aux agglos,… transmettant au contribuable ! Même les établissements publics s’invitent à la table des sur endettés (voir le CHU montpelliérain). Certes il faut citer en face de ces dettes des réalisations certaines vitales, certaines utiles, mais aussi certaines somptuaires, d’autres voluptuaires. Montaigne pestait déjà dans ses Essais contre « les foles et vaines despences ».

L’un des seuls avantages de la globalisation réside dans les « faits porteurs d’informations prédictives » qui font que des événement apparus ici ou là sont les prémisses de choses qui nous arriveront bientôt, avec des délais de plus en plus courts. A nous (plutôt aux décideurs !) de les décrypter et surtout d’avoir le courage de les utiliser. Car les prédictions sont plus pertinentes dans les faits catastrophiques que dans les faits gratifiants, afin de se prémunir contre les risques. Il vaut mieux prévoir un tsunami qu’une récolte exceptionnelle de mirabelles ! Hélas, cela demande le plus souvent de changer de logique, de modifier les habitudes voire d’inverser des valeurs. Toutes choses qui répugnent au politique moyen d’aujourd’hui ! Au lieu de faire de la Politique (avec un grand P c’est à dire des choix fondamentaux), il est donc amené à faire l’autruche en rabâchant que cela n’arrivera pas ici.

Concrètement la « faillite » des régions espagnoles préfigure ce qui va arriver chez nous si l’on ne change rien. Quand on lit : « Des aéroports, une prison, un vélodrome, des cités (de la justice, de la culture, des sciences et des arts, etc.), des “ambassades“ partout dans le monde... Les délires pharaoniques … responsables d’un déficit public record » concernant l’Espagne, cela peut s’appliquer in extenso à la France. Or qui renverse cette tendance ? Qui change de braquet quant aux dépenses somptuaires ? Une timide tentative de « normalisme » s’est affichée, mais de façon cosmétique.

Je l’ai déjà dit, le meilleur exemple du piège implacable de la dérive du coût de la décentralisation réside dans la politique des agglos. Constituées sous le motif de « rationaliser » les investissements d’infrastructure, elles sont, au contraire, devenues des paniers troués destinés à arroser les « petits maires » afin qu’ils perdent leur capacité de contre pouvoir au mieux, de bon sens au pire. Cette politique des « crottes de chien » consistant à parachuter des piscines à foison jusqu’à deux km de la mer, des médiathèques redondantes tous les trois villages, des équipements sportifs comme s’il en pleuvait, des stations d’épuration dernier cri, des places où s’ennuient les pigeons, des plans d’eaux à la limite du ridicule,…  coûte énormément cher, au profit prioritaire de stratégies électorales byzantines. Le luxe des réalisations contribue à la capacité à produire de la valeur sociale et à transmettre des messages à travers les signes (les élus dixit). La logique des collectivités se calque majoritairement sur cette pratique. L’Espagne devrait pourtant nous appeler à la raison ! Non dans les solutions qu’elle avance pour l’instant, tel le projet Eurovegas (6 casinos, 12 hôtels avec 36 000 chambres, 9 salles de spectacle, 3 terrains de golf) mais quant aux risques majeurs de crise que nous encourrons demain, avec la litanie du chômage massif, des pertes de revenu, des saisies, des réduction de prestations publiques,…crotte-de-chien.jpg

Encore faudrait-il qu’entre les politiciens et les comptables existe une classe d’économistes capable de procéder à de la rationalisation des choix budgétaires. Sur le montant supportable d’abord (fiscalité et endettement), sur les choix prioritaires ensuite, sur les évaluations a posteriori enfin. Alors et alors seulement nous risquons d’éviter la faillite des territoires qu’attendent les « vautours financiers ». Ainsi, parait-il, des consortiums chinois seraient à l’affut de cités fantômes entières, au sud d’Alicante, acquises à vil prix pour constituer d’immenses villages de vacances destinés à leurs nouvelles « classes moyennes » (Les Chinois investissent massivement en Espagne. Catherine Le Brech Geopolis). Comme ils se partagent déjà les richesses grecques et portugaises (Le Portugal ouvert aux investisseurs chinois. Diário Económico - Portugal. 22 décembre 2011), le tour du Cap d’Agde ou du Grau du Roi (par exemple, je n’ai  pas d’information secrète !) n’est pas exclu ! D’autant plus que le seul point de flexibilité fiscale de ces collectivités territoriales a disparu. Les régions ayant perdu quasiment tout pouvoir fiscal après la réforme adoptée en janvier 2010, elles ne pourront plus compter sur les hausses d'impôts pour combler leurs besoins de financement comme elles l'ont fait entre jusqu’en 2009.

Les agglomérations, les département et les régions, personne n’échappe à la «gestion gabegique» des finances publiques. Que font ces collectivités pour créer des richesses ? Pour contribuer à changer le logiciel qui, depuis trente ans, manie le levier dépenses en méprisant l’équivalent recettes, hormis l’impôts ? Pas grand chose, hélas. Peut être faudrait-il que les élus reçoivent une formation minimale. Aujourd’hui aucune n’est indispensable, et le lendemain de leur élection ils sont censés être compétents pour gérer des millions, voire des milliards. Dexia a roulé dans la farine d’autant plus facilement ces élus qu’ils étaient incompétents. J’entends par compétence la capacité de saisir le risque, le danger, et de faire alors appel à bon escient à un expert. La clarté d’esprit qui permet de savoir, par exemple, qu’une fois l’investissement réalisé (ou acquis) il faudra du fonctionnement. Ainsi, même si l’on vous fait cadeau d’un tronçon d’autoroute, il faut envisager quelques centaines de millions d’euros d’entretien… La compétence c’est de connaître le risque total encouru par telle décision et ensuite seulement de l’assumer pleinement. L’objectif de réélection n’est qu’un leurre qui ne sort en fait que de cinq ans de « crottes de chien ».  Attention, il ne s’agit pas de faire du poujadisme anti-élu !

Il s’agit de trouver les niveaux d’endettement consolidé acceptables et d’en déduire les taux d’imposition qui en découlent, puis dépenses prioritaires, secondaires, superflues pouvant être engagées. Une procédure normale dites-vous ? Vous avez parfaitement raison. Sauf que les collectivités ont perdu la raison ! Depuis une vingtaine d’années!