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13/02/2013

ON ACHÈVE BIEN LES CHEVAUX… ROUMAINS !

Dans une précédente note je parlais des enclosures, c’est à dire des limitations à l’usage et de l’impératif de frontières. L’actualité me permet d’illustrer concrètement l’intérêt du concept.

Ainsi on va s’étriper pour savoir qui, dans la chaîne des marchands de basse barbaque, pourrait s’avérer un arcan. Et chacun de se défausser : Spanghero - qui n’est que l’avatar basque de celui que nous avons connu – jure son innocence, Findus (Suède) qui "Heureusement est là" joue à l’outragé, Comigel (Luxembourg) clame à la manipulation, le ministre roumain de l’agriculture garantit que son pays n’y est pour rien, le premier ministre affirme que son peuple aime les chevaux autant si ce n’est plus que les rosbifs, Hamon, benoitement, promet de pourfendre les responsables (une fois retrouvés !)… seul, l’improbable «trader chypriote» (existe-t-il réellement ?), garde un silence assourdissant…. Aldi avoue que 30% de la viande des lasagnes et 100% de celle des spaghettis bolognaise distribués au Royaume Uni est du cheval. Et les bons samaritains de s’étonner de tant de turpitude, alors que le chômeur british peut bouffer des spécialités italiennes à moins de quatre shillings !090625t_horse.jpg

Si vous voulez mon avis, il faut partir de la racine. La racine se trouve dans la politique de UE qui a mis une enclosure arbitraire sur un espace européen très hétérogène.

Une enclosure d’échelle c’est à dire destinée à la fois à peser davantage vis à vis des autres enclosures existantes et à constituer un marché dimensionné pour favoriser la rentabilité. Non pas une enclosure à frontière filtrante apte à empêcher les «agressions» extérieures, pas non plus une enclosure identitaire ayant pour vocation de pérenniser une culture sociétale. Une institution agrégative donc qui met dans le même sac (pardon même zone) des sociétés très différentes quantitativement et qualitativement.

Ainsi l’enclosure de l'UE a brutalement imposé l’interdiction des charrettes hippomobiles sur les routes romano-moldaves. Sécurité oblige! Ces attelages étaient foison dans une économie rurale et paysanne à faible revenu. Exit donc les carrioles garées dans les hangars mais restent les bestiaux… qu’il fautrait nourrir pour rien ! Et que l’on sacrifie donc, certes à contre cœur, mais massivement. Tout économiste au bout d’un trimestre de cours sait que quand l’offre d’un produit augmente brutalement, son prix s’effondre. Cela s’appelle la loi de King depuis le début du XVIIIème siècle ! Les traders de barbaque (si, si, ça existe !), à l’affût de prix cassés pour réjouir leurs honorables correspondants marchands de «minerai de viande» (si, si, ça existe !), sautent sur l’occase. De la bonne chair à ce prix, on ne va pas regarder à la race ! Qui distinguerait d’ailleurs les bas morceaux d’équins (cheval, âne, mulet) des bas morceaux de bovins ? Surtout une fois compactés en blocs congelés. Surtout  une fois émiettés dans la sauce bolognaise hyper tomatée. Roule ma poule, il faut bien que le prolo qui n’a plus beaucoup de blé eu égard à son chômage, aux taxes, à son loyer et son chauffage puisse s’acheter sa pitance apparemment appétissante. Oui, mais les contrôles direz-vous ?

De même que les chevaux de Transylvanie et Valdachie sont devenus brutalement inutilement coûteux, la même UE et le sarkozysme libéro-triomphant ont jugé les fonctionnaires de la DGCCRF (Répression des fraudes) trop dispendieux. D’autant plus que ces empêcheurs de tricher en rond, embêtaient les industriels de l’agro-alimentaire, premier employeur de France et lobbyiste patenté. Idem ces inutiles inspecteurs du travail qui, eux, irritaient les employeurs de main d’œuvre douteuse « nécessaire » à la productivité comparée. Alors on a inventé un truc d’enfer : « l’auto-contrôle » soit le contrôle des tricheries potentielles par les tricheurs putatifs. Comme si on disait à Armstrong de faire régulièrement sa propre analyse ! Et dire qu’il en existe pour saluer cette «conquête de la libération de l’entreprise » ! Dire qu’il y en a pour saluer cette « victoire contre la bureaucratie» ! Et la plaisanterie (pour ne pas dire tragédie) s’étend jusqu’au contrôle des banques par les fameuses (fumeuses ?) agences de notations qui sont elles-mêmes impliquées, des médicaments par la sulfureuse l’ANSM (Agence Nationale pour la Sécurité du Médicament et des Produits de Santé), …

boucherie-chevaline.jpgLes lasagnes maudites (avec l’avantage d’être à faible risque) révèlent l’absurdité de l’abandon au détour des années 1980 des 3D : déréglementation, décloisonnement, désintermédiation. Dérèglementation je viens d’en parler. Bonne dans un premier temps pour donner la souplesse utile à l’adaptabilité aux technologies et technosciences nouvelles, elle s’avère mortifère au delà d’un point où le bien commun est mis en danger. Décloisonnement utile pour trouver des logiques d’ensemble plus pertinentes voire plus raisonnables, dangereux au delà d’un stade où la notion d’identité (lato sensu) se trouve déconstruite. Désintermédiation comme suppression d’intermédiaires entre acteurs ou groupes d’acteurs, bienvenue tant que lesdits intermédiaires parasitent la logique de l’échange, inquiétant lorsqu’elle conduit à un déséquilibre important des parties (asymétrie, domination, monopole).  « Ces trois verrous qui contenaient la finance dans des limites raisonnables sautèrent et l’on salua cet épisode, largement méconnu ou oublié par les peuples en souffrance, comme une libération trop longtemps attendue. Aujourd’hui, de trop nombreux témoins et acteurs de l’époque feignent l’étonnement »*

Le système actuel prône, au motif d’une guerre économique en grande partie fantasmée, une suppression de la plupart des contrôles en remettant entre les mains des entrepreneurs, médecins, sportifs (qui sont le plus souvent sous la coupe de financiers) la gestion de la logique glorieuse de la concurrence. C’est absurde !

Puisque l'on se trouve dans la domination de l’argent, il faut -il faut implacablement - définir un plancher et un plafond comme limites objectives du revenu d’existence, comme limite de la performance. Des gens lucides (notamment Michel Rocard) ont établi un SMIG, puis un SMIC, puis un RMI, puis un RMA. Il s’agit là d’une possibilité  d’exister socialement selon un minimum de dignité exigible**. Ceux qui réfutent ce minimum ne sont pas dignes du statut de citoyen républicain. A l’autre bout, l’accumulation d’argent, au delà d’une certaine limite, s’avère source d’affairisme. J’appelle affairisme la sortie de l’espace du bien public pour des fins dès lors inacceptables. Et, somme toute, absurdes. Quand le PSG aura acheté tous les meilleurs footballeurs quel intérêt présentera le championnat de France, le championnat d’Europe ?? Quand Armstrong et son peloton se chargent maximum pour dépasser les limites humaines que devient la valeur du Tour de France ? Quand Arnault distribue cinq milliards de dividendes combien de milliers de travailleurs pourraient simplement en vivre? Quand le Médiator…, l’amiante…

Je crains que nos dirigeants hollandais ne fassent que parer au consensus le plus pressé. C’est vrai que cela s’appelle la démocratie. Et si l’on peut s’en prévaloir, j’aspire pour ma part à des prises de positions plus drastiques pour le respect des limites du bien public de notre enclosure républicaine.

Attali, dans un éditorial du Monde (11 février 2013), jette les fondations d’une «économie positive» nécessaire pour empêcher le suicide de l’humanité, soit «une économie qui rassemble toutes les entités produisant des biens ou des services, marchands ou non marchands, d’une façon économiquement viable et utile à la fois aux employés et aux clients, à leur communautés, et aux générations suivantes.». Cette utopie n’est pensable (réalisable ?) que dans des conditions sociétales PARTAGEABLES. C’est à dire dans des enclosures où chacun reconnaisse l’autre et œuvre avec lui au bien commun. L’urgence s’avère donc de rechercher ces « limites frontalières » pertinentes en abandonnant le mythe de l’universalité, donc de la mondialisation. L’échelle est celle qui se situera juste entre le laxisme actuel et un césarisme stalinien.

 *Yann FIEVET. Triple D. Le grand soir. 23 janvier 2012

** Et on retrouve nos enclosures ! Via le Speenhamland Act adopté en 1795 par les juges du Berkshire. Alors que la loi sur les enclosures répartit les terres agricoles entre des propriétaires exclusifs, les journaliers paysans et les ouvriers ne peuvent plus exploiter les terrains communaux pour s’assurer un complément de subsistance, ce qui se traduit par un développement de la pauvreté. Les juges de Speenhamland décident alors de leur allouer un complément de ressources afin de leur garantir un minimum vital.