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13/03/2013

THAT'S CHEAP !*

« …… c’est pour moi une grande frustration. Il pourrait s’inscrire dans l’histoire, mais il a créé une grande frustration pour ceux qui ont voté pour lui dans l’espoir du changement. Il ne fait que continuer la politique de ….. ». A qui pensez vous spontanément ? Hollande et Sarkozy ? Bien sûr, vous êtes français. En fait il s’agit d’Obama et de Bush et c’est de Chavez. Chavez ? Parlons-en !

Je ne suis pas suffisamment au courant de l’histoire récente du Venezuela pour  affirmer péremptoirement des avis définitifs sur cet homme. Je suis simplement outré de la façon dont la France s’est comportée lors de son décès. La presse d’abord. Alors que les grands quotidiens internationaux faisaient la une sur l’événement, chez nous un traitement de seconde (voire troisième !) zone avec des illustrations contestables voire déplacées. Partout, le qualificatif péjoratif de dictateur émerge très rapidement et prioritairement. Un déni d’analyse, un déni d’information donc. Les gouvernants ensuite qui, avec une frilosité de rosières, ont réagi du bout des lèvres en mettant des bémols. Et plus que tout, ont envoyé un quatorzième couteau qui dormait dans son petit bureau aux obsèques. Les ministres de plein exercice étaient ailleurs ! Bien sûr l’opposition s’est déchaînée… mais je dirais qu’on la comprend puisque il s’agit d’un «affrontement de classe» avec pour leader de fiel, Parizot et Luca. Les sarkozystes ont oublié les réceptions de Kadhafi, Ben Ali, et autres parangons de vertu démocratique ! Tous avancent des critiques à l’emporte pièce, souvent en grande partie mensongères. Si je m’en tiens aux faits, le «dictateur» Chavez a remporté, en quatorze ans, quinze élections et un référendum avec une validation de la transparence des scrutins par les instances internationales. Certes l’homme me paraissait brut de décoffrage, loin des consensuels mous, et des lisses manieurs de langue de bois. Mais les tribuns m’attirent plus que les pales débiteurs d’éléments de langage. Sous sa férule, le taux de chômage a baissé de moitié en dix ans (Sapin pourquoi tu tousses ?). En quatorze ans avant tout, le gouvernement Chavez a presque réussi à éliminer l’analphabétisme (en 2005, l’UNESCO a décrété que l’illettrisme avait été éradiqué au Venezuela), développé l’accès à l’eau potable, aux services de santé, à l’éducation universitaire et même à la propriété. Le taux de malnutrition est passé de 21% en 1998 à moins 3% en 2012. La dette publique de 45% du PIB en 1998 a été réduite à 20% en 2011… Les classes les plus pauvres ont largement progressé ce qui explique l’extraordinaire soutien populaire (les détracteurs disent populiste). Mais, pour financer cette dépaupérisation accélérée, Hugo Chavez a doublé l’impôt payé par les magnats du pétrole, crime de lèse majesté. Aucun dirigeant n’avait osé faire une chose pareille dans ces pays sud américains, pas même Allende. Surtout, il avait expulsé l’emprise US sur son pays et, plus largement, dans 33 nations en impulsant la CELAC (Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe) qui échappent ainsi à l’emprise des USA.  Crime de lèse impérialisme.e51098ee-54ef-11e2-ae0c-b93120ed0948-800x532.jpg

Alors, j’ai un peu honte pour nos socialistes anesthésiés par les dorures du pouvoir qui préfèrent se boucher le nez quand les gens du Golfe envahissent les tribunes françaises ou se taire quand les potentats poutiniens ou chinois agitent leur stylos, ou bien porter secours à des chefs de clan africains. Si les idées de Chavez font peur c’est qu’elles appellent à une autre forme de lutte que la social démocratie bon chic bon genre. Des idées qui ont conduit à l’aboutissement d’une révolution citoyenne. «Croire, aujourd’hui, dans la possibilité d’un mouvement vers un capitalisme à visage humain relève de l’illusion. Une illusion grave et dangereuse, dans la mesure où elle désarme les classes populaires en leur faisant miroiter la possibilité d’avancées sans luttes, sans renversement des rapports de forces en leur faveur » comme le dit le réputé économiste Samir Amin (Le nouveau défi de l’internationalisme des peuples).

J’ai un peu honte pour une presse qui n’ose plus risquer de déplaire à ceux qui la maintiennent sous perfusion. La couverture de ce décès est une incarnation sans équivalent de la prise en otage de l’information par l’idéologie, dans le système médiatique (notamment français)** . L’ère Tapie est en train de se concrétiser ! Il en faut, du courage, pour arriver à être libre. N'est-il pas ? (Anne-Sophie Novel sur twitter). En outre, j’en ai marre de cette politique à plusieurs bandes qui devient le jeu préféré de l’espace médiatique gaulois. Ici, débiner Chavez c’est viser le PCF et descendre Mélenchon qui n’accepte décidément pas de passer sous la table !

«On dit que l’Histoire donne toujours raison aux vainqueurs. Si c’est le cas, et alors que se joue l’avenir de la Révolution bolivarienne, nous saurons très bientôt quel souvenir gardera la postérité du flamboyant leader latino-américain »***. Souhaitons bonne chance au « socialisme du XXIème siècle» qu’il prônait. Quant aux politiciens parisiens normaux gageons qu’ils seront invisibles pour les historiens de demain.

* c'est médiocre
** Daniel Schneiderman. S’informer sur Chavez, mode d’emploi. Rue 89. 06/03/2013
*** Alex Nado. Mort de Chavez : Une revue de presse. L’Aut’Journal. 8 mars 2013. 

03/03/2013

LES TROIS ÉCOLES

Je dédie cette note à Louis, Jeanne, Rose, Louise, Paul, Roger, Anny, Jacotte, Jean Claude, Michel Claudine, Dany, Mireille,...

Il n’y a rien de plus important que l’école dans la vie d’une société. A travers elle, elle se perpétue, s’amende ou se perd.

Il n’y a rien de mieux, pour la croissance économique, que la qualité de la formation comme le montrent Robert Barro et Jong-Wha Lee. (Educational attainment in the world, 1950–2010. http://www.voxeu.org. 18 May 2010).

Souffrez donc que je dise ma déception lorsque je vois un gouvernement englué dans ses contradictions économico-financières introduire le débat… par la durée de la période d’enseignement. Certes ce n’est pas inutile, certes cela peut  influer sur la productivité, mais il y plus urgent ! Certes il existe un futur promis, consigné dans un document pompeusement intitulé « Refondation de l’école » mais qui repeint comme toujours la façade desdites fondations sans s’attaquer à l’essentiel.

La première urgence réside dans un choix, un vrai choix, entre les trois écoles possibles (en excluant les écoles libertaires et les écoles confessionnelles) selon moi : l’école régalienne, l’école démocratique et l’école républicaine. Ce choix conditionne tout le reste et le plus sidérant c’est que Vincent Peillon n’aborde jamais cet argument pour mettre en place une vraie Refondation de l’école (pas davantage d’ailleurs que ne l’ont fait ses prédécesseurs).Ecole.jpg

L’école régalienne est dispensatrice des savoirs faire pour la réussite élitiste. Son totem s’incarne dans Polytechnique. Cette conception, fondée sur l’excellence, définie selon les canons de l’idéologie dominante, repose sur trois piliers : la qualité des enseignants, la conformité au projet, la sélection. Le système français des grandes écoles représente l’un des relais privilégié de cette vision élitiste.

L’école républicaine se veut dispensatrice de valeurs (liberté, égalité, fraternité, laïcité) avec pour idéal l’Ecole Normale Supérieure. Son fondement se trouve sur le projet citoyen et vise à en construire les acteurs. Je dis bien construire selon une rigueur qui prône la loi, l’ordre et la primauté des valeurs précédentes*.

L’école démocratique privilégie le consensus. Consensus des idées (tout est discutable), consensus des acteurs (mise à égalité des enseignants, des enseignés, des parents, voire des ayant droit comme élus, entreprises,..), consensus sur les apprentissages. De racine constructiviste cette tendance se vit, en fait, plus facilement  déconstructiviste en squeezant la phase reconstructiviste qui serait pourtant « équilibrante ». Son summum s’appelle Science Po. Il apparaît que cette troisième option s’est généralisée dans l’après 68 et qu’elle surfe sur un respect plus souple des règles (de vie en groupe, mais aussi hiérarchiques et normatives) et un primat donné à l’enseigné.

Cette école démocratique développe un idéal égalitariste en trompe l’œil et tend à une rhétorique du respect de tous qui peut séduire en première approche. De plus la confusion entre république et démocratie s’avère si fréquente qu’elle ne fait plus différence. Or, « la république est la démocratie plus. Plus précieuse et plus précaire. Plus ingrate, plus gratifiante. La république, c’est la liberté, plus la raison » (Régis Debray**). Plus exigeante, plus raide et plus verticale ladite république ne transige pas avec ses valeurs clés. Ainsi les «hussards noirs» de la troisième assénaient leurs enseignements avec une distance ne souffrant pas la contestation, hormis via le raisonnement qui faisait partie intégrante des acquisitions. Ils avaient une mission citoyenne et ils s’y consacraient sans partage. Les contestataires post soixante-huitards ont cru devoir dénoncer un « endoctrinement » de leur progéniture à un bréviaire gauchisant. Résultat, l’instituteur se mue en équilibriste acceptant les oppositions, les déviances, les refus comme autant de contributions à une individualisation des acquis et, donc, des personnalités. Il se doit d’intégrer les différences, d’éviter les affirmations, de relativiser les vérités. De rechercher l’improbable consensus au nom de la démocratie scolaire triomphante. L’école républicaine tient pour dogme que les petits futurs citoyens sont là pour apprendre, «rendre la raison populaire» (Condorcet). Point, à la ligne. Il existe d’autres lieux pour relativiser le choses sues : famille, rue, clubs,… voire les églises, temples, mosquée et synagogues. La synthèse de tout cela s’appelle l’individuation.

Les tenants de l’école démocratique ne sont parvenus qu’à briser le dogme républicain sans trouver les ressorts d’une dynamique d’apprentissage significativement meilleure. «La république, dans l’enfant, cherche l’homme et ne s’adresse en lui qu’à ce qui doit grandir, au risque de le brimer. La démocratie flatte l’enfant dans l’homme, craignant de l’ennuyer si elle le traite en adulte» (R. Debray**). L’ambition consensuelle finit en médiocrité acceptée.

Le mythe d’un enseignement plus proche des réalités, plus pragmatique est un leurre. Le socle formel permettant à l’enfant, puis à l’ado, de «lire» le monde et s’y mouvoir efficacement relève de savoirs structurants. Ces derniers excèdent les sciences dures pour inclure la réflexion philosophique et sociale. Le consensus démocratique a conduit à « affaiblir » tout ce référentiel pour faire place à des « connaissances de circonstances » agréables aux uns et aux autres.

Quant à l’école régalienne sous une version  privée en primaire et secondaire, sélective au stade supérieur (prépas) elle tire les marrons du feu de la controverse précédente. Les catégories sociales conscientes du problème – qui ne sont pas forcément les plus aisées – utilisent pertinemment ces « voies royales ». Les pourcentages de fils d’enseignants à Polytechnique l‘attestent (un élève sur deux a un parent prof). Ces cursus ne privilégient pas forcément la qualité mais l’adéquation aux problématiques en vogue (finances, politique, marketing, stratégie, médias,..).

Voilà donc le descriptif, sachant que les réforme(ttes) successives ne font que customiser la réalité de l’école démocratique comme autant de rustines incapables d’endiguer la baisse régulière de niveau. «Contrairement à d’autres pays, école française ne parvient pas à réduire la part des jeunes qui échouent, ni l’impact des inégalités sociales sur les parcours scolaires. Le nombre des élèves en grande difficulté a même tendance à augmenter. Chaque année plus de 120 000 d’entre eux, massivement issus des milieux sociaux les moins favorisés, abandonnent leur scolarité»****.  On a même réussi à ternir - voire ringardisé - la solution républicaine par le biais des fameux internats d’excellence et les documentaires télé afférents.

La solution serait un retour franc à une école des fondamentaux républicains, via des maîtres formés en conséquence et expérimentés à la mise en œuvre, sans mollir.

Mais ce n’est pas suffisant! Encore faudrait-il que cette démopédie (c’est-à-dire une pédagogie permanente par laquelle une société intériorise les principes et valeurs) contribue à une certaine réussite sociale visible, selon une probabilité forte, sinon une certitude absolue. Or, aujourd’hui, la métaphore du mécanisme du succès réside plus dans des schémas sportifs ou speed success que dans des parcours scolaires. Il faut arrêter de donner seulement trois destinées inéluctables aux écoliers : chômeur, consommateur ou trader, plus deux en leurre : chanteur ou footballer. Il faut arrêter de modéliser la réussite en la réduisant à la quête individuelle d’un gain matériel. L’école est là pour fabriquer des citoyens à cent pour cent, irréductibles et exubérants, motivés de partager un projet commun et de s’y investir avec un esprit collectif. Encore faudrait-il formuler ce projet motivant et inclusif (le contraire d’excluant), revigorant en lieu et place d’une atmosphère pesante, morose, grise et culpabilisante, pingre et court termiste. Depuis quand n’avons nous pas donné à nos enfants un image radieuse et collective de l’avenir ? Une espérance d’épanouissement plutôt que de galère. Les « kleptocrates » de tous poils, français ou européens, banquiers ou politiciens, qui vivent dans la soie en reprochant la bure, ne croient pas de leur intérêt de nourrir ces motivations positives des masses. Le "partage asymétrique" leur convient parfaitement.

Pour tout cela on continuera à soit disant « refonder l’école » via des faux semblants, en invoquant Jaurès ou Ferry et en s’en remettant à des comptables aux ordres. Il serait temps, au lieu de nous rabattre les oreilles avec les épines du roncier, de nous expliquer qu’il s’agit aussi et surtout d’un rosier potentiel. Et faire aimer les roses, à l’instar du Petit Prince.

* Je rends hommage au passage à Stéphane Hessel dcd cette semaine qui était un produit de cette école prestigieuse

** Et comme toujours, un « mix » résulte de ces archétypes, l’ENA, qui concilie toutes les options à haut niveau selon un label supplétif de cautèle (Prudence mêlée de ruse, de défiance, de diplomatie). faisant permis de conduire les hommes et les organisations.

*** Regis DEBRAY. République et démocratie. Le nouvel Observateur. 30 novembre-6 décembre 1995.

****  www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/.