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20/01/2015

…. MAIS…..

Je suis reboussié, c'est affiché! Alors je vais déroger à l'immense élan qui a rempli les gazettes, les places et les télés. Bien sûr, je préfère cet enthousiasme collectif un peu désordonné à une indifférence qui eut été complice. Bien sûr les drapeaux et Marseillaises m'ont fait vibrer. Bien sûr il faut défendre la liberté d'expression! Mais il faut la défendre jusqu'au… "mais", jusqu'à la possibilité de rester lucide sans rien pardonner!

Permettez donc que je dise que ce qui est arrivé s'avère le résultat de plusieurs décennies de traficotages de toutes sortes vis à vis du Moyen Orient et vis à vis de la laïcité.Laïcité.jpg

Tout d'abord, je le dis et je le répète, il me souvient avoir mangé avec un journaliste palestinien, il a juste vingt ans, à Damas, journaliste qui m'a décrit trait pour trait ce que nous vivons aujourd'hui… et qui surviendrait, m'expliquait-il, si l'Occident ne freinait pas avec fermeté la montée des extrémistes aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières.

Déjà les accords Sykes-Picot (1916) avaient déstabilisé la région. Depuis, diplomatiquement, j'ai suivi les alliances anti-communistes douteuses des US, les pseudos raisons de déstabiliser tel ou tel pays pour paraître le gendarme du Monde civilisé et finir sur des situations inextricablement pire. En miroir, je n'ai pas été dupe des manœuvres soviétiques pour se ménager des partenariats. J'ai observé les hésitations, les reculades, les atermoiements, les coups tordus des gouvernements occidentaux incapables de tenir un cap clair et ferme en matière de politique israëlo-palestinienne. L'enlisement des conflits ponctués de carnages, de ruines et de haines exacerbées. L'horreur quotidienne le la mort violente mais aussi de la mort lente des famines, la mort spirituelle du désespoir. Sans doute a-t-on brandi des menaces, tenté des paix passagères de quelques jours ou de quelques heures. Mais, au bout du bout, nos interventions militaires s'avèrent inefficaces en ne voulant pas dire leur nom. La guerre est la guerre, hélas, et on ne peut pas la faire à moitié, "proprement", "chirurgicalement", en maniant des drones "faucheurs" d'ennemis, en refusant l'engagement total, y compris terrestre. Certains vont dire que je ne suis pas spécialiste de ces choses militaires. Alors, je pourrais demander pourquoi il n'est pas fait une guerre financière à ceux que l'on juge dangereux? Pourquoi les USA ont préféré les bombardiers à l'assèchement des avoirs des "ennemis"? Omerta sur les financements "parallèles" des émirats, des diasporas, des transferts bancaires off shore,… L'EI par exemple s'avère le plus riche mouvement terroriste de tous les temps, avant et après la prise de Mossoul (revenu du pétrole). Sur ce plan financier, le défi, s’agissant d’une organisation qui tire une part importante de ses profits de transactions commerciales, est d’être en mesure de surveiller les transactions suspectes, d’identifier leurs commanditaires, intermédiaires et destinataires, afin d’entraver ces financements. En l’état actuel, il n’existe aucune organisation internationale disposant des compétences et des capacités lui permettant de surveiller, d’analyser et de vérifier de telles transactions*. Et, par ailleurs, ce qui serait potentiellement bloqué d'un côté pourrait être alimenté par un autre (Russie)!

A l'intérieur j'ai regretté les concessions communautaristes comme autant d'entorses à l'idéal républicain de laïcité. Le manque d'intransigeance vis à vis de ce pilier de la démocratie française concrétisé par des décisions emberlificotées, des décisions tardives, voire des non décisions, suscitant des foyers d'extrémismes quotidiens, a généré les tensions extrêmes actuelles. Cela découle d'abord d'une insuffisance de la loi de 1905. En effet ladite loi, imprégnée de relents gallicans,  ne crée pas vraiment un mur entre État et religion car le premier garde un certain contrôle sur la seconde. Alors, au travers de ces interstices, des "détails" filtrent, des "facilités" s'instituent, des "compromis" s'établissent…

Parallèlement le diktat des réductions budgétaires et les économies de bouts de chandelles (cierges?) conduisent à la disparition massive des "lieux de citoyenneté" (MJC, Foyers, Clubs, Centres sociaux,….) qui complétaient utilement l'éducation nationale au sein du tissu social. Or, pour de nombreuses raisons, on assiste à un retour du religieux dans la vie sociale et les diverses religions connaissent un regain de vitalité, qui exigerait, au contraire, une plus grande densité de ces relais médiateurs. Cette carence laisse émerger des excès de toute nature, notamment la montée des dérives ethno confessionnelles que l'absence de ces "relais citoyens" voue à des replis identitaires désordonnés. En outre, la désagrégation de la cellule familiale en tant que foyer d'apprentissage idéologique réduit d'autant le conditionnement citoyen des jeunes.

Voilà quelques éléments de mon "mais". Puissent les attentats actuels provoquer une réappropriation généralisée des arcanes de la laïcité fraternelle, inscrite dans notre constitution au delà de l'agitation médiatico-politique qui s'en est suivie. Puissent les gouvernants ne pas transiger pour quelques voix (potentielles!) de plus ou de moins avec les fondements républicains. Puissent-ils ne pas subir les aléas de l'opinion mais faire de la politique. Puissent ces dirigeants réinvestir le champ du sociétal longtemps mis sous le boisseau des considérations économiques priorisées. Economiser (durablement) des écoles, des enseignants, des animateurs, des MJC, des aires de jeu, des éducateurs,… pour le bonheur des banquiers, sans doute n'est-ce pas la meilleure façon de construire une société apaisée.

On a cru sortir de la barbarie par le haut, c'est dire seulement par l'abondance économique. Aujourd'hui on s'aperçoit que deux colonnes vertébrales sociétales sont à restaurer de façon urgente: la citoyenneté (exigence de sacrifice) et la laïcité (exigence de fraternité)**. Le déficit peut attendre.

PS : En souvenir de mes amis syriens, j''ai mis en consultation ce texte qui est poignant. Alep.pdf

* Pourquoi le Califat islamique pourrait bien être une menace plus grave qu’Al-Qaïda et peut-être même la pire à laquelle l’Occident ait été confronté. Frédéric Encel. Altantico. 25 Août 2014.
** La constitution d'un ordre culturel spécifiquement humain est le résultat de mécanismes de gestion collective de la violence au moyen de pratiques rituelles de type sacrificiel qui sont à l'origine de la constitution d'une tradition (Burkert, dans la Préface à l'édition américaine d'Homo Necans - 1983 )
 

 

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