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10/10/2017

PROFILAGE URGENT

Le mythe un peu éthéré de Jupiter se solidifie petit à petit, pris dans une réalité implacable. Les mythes peuvent faire rêver en transgressant les faits. Pas les hommes affrontant la dureté des contraintes du monde. O.A. Hirschmann appelait cela (après Tocqueville) la thèse d'inanité pour dire que toute révolution s'avère inutile puisque in fine elle ne change rien. Soit les remèdes sont pires que le mal, soit ils ne changent pas grand' chose.

On a tous besoin de mythes pour s'extraire de l'étreinte du quotidien, de la turpitude des autres… un moment, jusqu'à subir l'implacable mur de la vraie vie. Autant qu'il le peut, le pouvoir gère ces mythes qui lui permettent de surfer sur la vague de l'opinion et tente de rester le plus longtemps dans cette configuration. Afin d'éviter des dérives trop fortes de ce surfing, il existait avant des fous du roi, aujourd'hui des oppositions.

Hier, E. Macron maniait le nectar et ambroisie, il doit, ici et maintenant, jouer avec les vils et amers diktats des lois et budgets ainsi qu'avec les fameux "acteurs sociaux" qui ne sont pas tous subjugués.  La couleur du pouvoir voilée par un centrisme de funambule resurgit trop déséquilibrée côté libéral. La sidération macronienne passée, il faudrait impérativement que le contre pouvoir (je n'ose pas dire la gauche tellement ce serait aujourd'hui ambiguë) se mette, lui aussi, en marche. Or il est avéré qu'il ne peut exister de courant politique crédible qu'autour d'un leader affirmé et reconnu.

En vérité,  ce n'est pas dix sept insoumis, une poignée d'ex-socialistes divisés, un zeste de PC qui vont mettre en branle un mouvement sérieux faisant contre poids au raz de marée de la majorité. Selon moi ils ont plusieurs handicaps dirimants: le nombre, la défaite, le type d'opposition et, peut être avant tout, l'absence d'un véritablement leader avéré. Seul Mélenchon peut revêtir ce rôle. Mélenchon, a l'avantage d'avoir tenté une aventure qui a failli aboutir. Il a réussi (avec Macron et seulement en partie) à "dégager" les éternels politiques politiciens qui à droite, à gauche et au centre squattaient le champ électif. Il a réussi à lancer un certain nombre de voies à explorer. Mais aujourd'hui il représente, me semble-t-il, un handicap pour le renouvellement d'un mouvement viable de contre-régulation de la tendance libérale qui est au pouvoir. La qualité du personnage n'y est pour rien mais, marqué par son passé trotskiste qu'une partie de l'électorat ne peut absoudre, marqué aussi par l'épisode socialo-mittérandien qu'il ne peut effacer, il porte les stigmates du "vieux monde" tant dénoncé. Il incarne un ainsi un aporisme oxymorique** vivant! N'ayant apparemment actuellement aucun dauphin de pointure présidentielle (ou alors il faudrait le "révéler"), il s'avère urgent de lui trouver un (ou plusieurs) remplaçant susceptible de concurrencer véritablement E. Macron.

 Alors, malgré les réticences des acteurs traditionnels du monde politique, ne faut-il pas user des mêmes armes qui ont réussi à l'actuel président? Pourquoi nier l'intérêt de présélectionner un candidat compatible à la fois avec un corpus politique de gauche et avec les attentes de l'électorat selon la technique de l’analyse de données et l’exploitation des réseaux sociaux?  Il existe en France une certaine "pudeur" à ne pas reconnaître avoir recours à ces procédés statistiques évolués, même si les candidats les utilisent tout de même plus ou moins (Fillon et Mélenchon au moins ont eu recours à NationBuilder) afin de cibler les messages électoraux. Pourtant, le principe premier du marketing pose qu'on ne peut bien vendre qu'un bon produit, malgré tous les efforts déployés. Et un bon produit ce n'est pas celui qui se dit meilleur, mais celui qui est jugé tel par l'opinion. 

Une démarche dite prédictive appuyée sur un très grand nombre de données de qualité (Big Data)** s'avère aujourd'hui la façon la plus sûre de "profiler" un échantillon de deux ou trois candidats potentiels répondant aux attentes des électeurs (avouées ou subliminales) et ayant donc les meilleures chances de réussir. La technologie permet de digérer toute cette masse d'informations collectée grâce aux traces numériques laissées lors de l'utilisation d'Internet et des réseaux sociaux, de procéder au recoupement de toutes les données afin d'entrer dans un autre univers, celui des algorithmes. Que l'on se comprenne bien: le jeu consiste à construire un portrait robot (tant physique que socio professionnel) "kiffable" par une majorité de citoyens. Viendra ensuite la phase dans laquelle on cherchera des individus se rapprochant asymptotiquement du portrait dont on testera alors le "coffre", le charisme et l'empathie. Enfin au stade ultime, la motivation et la volonté feront la différence. Et au bout du bout les électeurs "kifferont" (ou non!) ce nouveau produit porteur des "qualités attendues" !

Le candidat à choisir doit être donc celui, répondant au cahier des charges, issu du data mining et non celui sélectionné sur l’affectif (il le mérite) ou selon un critère d'historicité (il est le candidat naturel...). Quand on y regarde de plus près, cette approche élimine quasiment tous les participants aux primaires (droite et gauche).

Comme ça, sans technologie, je dirais qu'il faudrait un candidat masculin, assez jeune, grand et plutôt viril, style sportif sympa et dynamique (anti Macron), exerçant un métier valorisé dans l'imaginaire collectif, vraiment clean vis à vis de la loi, n'ayant pas beaucoup de passé politique mais une histoire personnelle valorisante socialement et internationalement, parlant anglais et chinois parfaitement, diplômé mais pas trop… Laïque sans affectation (mais ce point s'avère complexe à traiter a priori dans le contexte évolutif actuel) et cultivé cultuellement. Marié, deux enfants…

Mais ce faisant, je reste "humain" en usant de motifs que j'estime raisonnables. En réalité, si l'on va au bout du "raisonnement Big Data", l'électeur croira choisir untel ou untel, voire se passionner pour lui, sauf qu'un algorithme aura "choisi pour lui son choix"! L'algorithme devient une prothèse que vous ne maitrisez pas et qui vous donne en satisfaction une position électorale préétablie en dehors de votre entendement. Une "machinerie" telle un GPS interne non objectivé.***441.jpg

Aux US le créateur de Facebook, Mark Elliot Zuckerberg, illustre parfaitement notre propos. Incarnant la réussite planétaire, ayant fait une grande école sans toutefois la terminer, placé au cœur d'une immense banque de données (ses réseaux) un mouvement d'opinion le détermine déjà comme successeur de D. Trump en exploitant les résultats d'un vaste data mining sur lesdites données. Lui se dit ni démocrate ni conservateur, gomme son origine juive, délivre des messages de bon sens, vantant la fibre solidaire et moderniste… bref joue le jeu en créant une multitude d'événements IRL (in real life, "dans la vie réelle") permettant aux sympathisants de se rencontrer et de partager "spontanément" leur enthousiasme. C'est donc déjà créer un effet boule de neige destiné à promouvoir l'opportunité "Zuck" au travers des États Unis et au delà.

 Le risque premier de cette procédure selon Thierry Giasson (Université de Laval) c'est une dilution des intérêts communs, du bien commun, dans un corpus qui est de plus en plus organisé autour d'intérêts qui répondent aux besoins, aux attentes "intimes" de catégories d'électeurs classées, profilées (analyse de sentiments ou opinion mining). Le temps des idéologies est sans doute fini dans ce processus électoral au profit de désirs, préoccupations et de répulsions individuelles compactées statistiquement. C'est hyper cynique mais hyper lucide!

Le second risque réside, à terme, dans le renversement potentiel de la logique des traces numériques par la multiplication des "masques" d'anonymat et des robots,  les réseaux sociaux devenant un vaste carnaval de Venise brouillant la signification desdites traces (Frédéric Kaplan. EPF Lausanne). 

Quoiqu'il en soit espérons, pour qu'existe un tantinet de débat équilibré dans ce pays, que le gouvernement ne se grise pas d'unanimisme, que tout cela nous donne rapidement un leader d'opposition puissamment crédible.

* problème impossible à résoudre car portant en soi la contradiction dirimante
** il faut néanmoins modérer la transposition des techniques américaines (notamment celle employée par Obama) en France du fait de l'existence de la loi Informatique et Libertés limitant la constitution de fichiers nominatifs relatifs aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses
*** cf par exemple sur ce thème  https://www.rts.ch/la-1ere/programmes/on-en-parle/6813759-enquete-ouverte-donnez-moi-mes-donnees-.html. Je pense que c'est ce qui s'est passé pour Macron.

 

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