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25/07/2019

TEL EST PRIS QUI….

Le libéralisme économique, le néo libéralisme surtout, défendent mordicus que la vérité se trouve dans un fonctionnement libre des marchés. Que toute entrave régulatrice de cette "vérité" aboutit à une situation moins bonne que celle découlant de la liberté.
Il fut un temps ou l'hypothèse pouvait se défendre, d'autant plus que les régimes centralement planifiés avaient périclités.
De nombreux économistes nobélisés, de nombreux politiques encensés, de nombreux philosophes aussi s'épanchèrent vantant cette solution miraculeuse de la "main invisible" qui faisait le bon boulot hors des gouvernements réduits à la part régalienne.
Certes il y eut des crises. Des crises économiques, des crises monétaires, des crises financières… mais on nous a alors dit que c'était l'envers du décor nécessaire à la bonne marche d'une société dopée à la croissance sans nuages. La poubelle nécessaire après le festin.
De fait, le groupe détenteur du pouvoir de réguler (l'État) a l'inconvénient de devoir, impérativement, mobiliser la majorité – voire l'unanimité – des opinions en sa faveur. C'est le prix de la légitimité. Pour peu qu'il soit mis en contradiction, ce que Max Weber a appelé « le monopole de la violence légitime » devient illégitime. Et les gilets jaunes de tout temps appellent à d'autres types de gouvernance.
Ainsi va le cycle alternant les phases plus libérales avec des phases plus restrictives, une sorte de "stop and go" des principes de gestion des sociétés. Mais "Le temps n’est plus à la discussion d’économistes. Il se passe autre chose, qui engage la planète et une forme de civilisation" (Lordon).
 
En effet, ce système appuyé et entretenu par un mainstream médiatique servait avant tout les riches, voire les hyper riches. Picketti et quelques rares autres, comme ceux du Club de Rome, oiseaux de mauvais augure (OMA), dénonçaient cette imposture mortifère du système du trop laissez faire.
Déjà Malthus, premier OMA, sonnait l'alarme de la surpopulation au regard des ressources. Demain nous serons confrontés à ce problème.
Pigou, autre OMA, dénonçait les nuisances ou déséconomies externes et appelait en vain le principe du pollueur payeur.
Mésarovich attirait l'attention sur l'épuisement des ressources naturelles.
…..
Le "rapport Meadows" (1972), disait qu'il faudrait mettre fin à la croissance "sans limites" si l'on voulait sauver le système mondial d'un effondrement prochain et stabiliser à la fois l'activité économique et la croissance démographique. Plus cette prise de décision sera retardées, affirmaient-ils plus elle deviendra difficile à mettre en place.
Ces alertes passèrent au panier, quand elles ne furent pas raillées par les "experts" libéraux.
 
Aujourd'hui, le monstre libéral devient ingérable! Tel est pris qui croyait prendre, le robot masqué auquel appartenait la main invisible et qui, par nature, penchait beaucoup du côté des nantis, excède maintenant toutes les possibilités de régulation:
·     Les "évènements écologiques" (réchauffement, pénurie d'eau, pollution océans,…)  sont quasiment hors maitrise en l'état actuel des choses (sauf à des coûts prohibitifs).
·     Les "évènements sociaux" (flux migratoires, terrorismes, sectarismes religieux, pandémies,…) débordent les tentatives (sporadiques) de régulation.
·     Les "évènements financiers" se heurtent à l'existence de paradis fiscaux permettant toutes des "fuites" possibles et aux puissantes banques "Too big to fail" de spéculer sans vergogne.
·     Les "évènements économiques" se confrontent aux mastodontes internationaux (GAFA, Ali Baba, plateformes chinoises, ..) intouchables.
·     Les "évènements monétaires" (bulles) font apparaître l'opportunité de monnaies privées (Libra) excédant toute réglementation voire régulation…
·     Les "événements médiatiques" se vautrent dans les gigantesques "lacs de données" de Facebook, Instagram et autres réseaux, tandis que les "fakes news" impossibles à filtrer envahissent la sphère de l'information.


K-K.jpgLe constat objectif est que ces "évènements" revêtent une dimension mondiale, ou du moins, excèdent largement l'horizon étatique. Or les politiques se focalisent sur ce dernier niveau, voire moins,… avant tout. Récemment on a vu des gens sur des ronds points exiger des augmentations de leur salaire mensuel... toute une polémique enfler pour des homards indus,… les responsables(!) fourbissent les armes pour les municipales de demain…
Les crises passées se limitaient à un pays, une zone (Amérique du sud, Afrique,..) et on connaissait (à peu près!) comment y remédier si on le désirait. Aujourd'hui les crises qui pèsent sur nous sont irréversibles et concernent toute la planète *.
Les gouvernements néolibéraux sont donc pris au piège qu'ils ont plus ou moins (plutôt plus!) progressivement construit: ils sont incapables d'exercer une quelconque emprise sur les systèmes qui se sont mis à jouer contre "le bien commun". Or, ce qui fait notre valeur et celle des autres provient dudit but commun**.
S'il faut donner une date du basculement, nous dirons 1971, soit le moment où le régulateur ultime, la convertibilité du dollar en or, a été supprimé ouvrant grandes les portes de la spéculation sans limite.
Des tentatives pour trouver des instances possédant le niveau adéquat d'intervention (G20, FMI, Accords de Paris sur le climat,…) se confrontent à des échecs patents de consensus. Alors on joue la fuite en avant dans des dispositifs encore moins régulés et régulateurs: CETA, MERCOSUR,…
Or, il s'avère tout simplement impossible que, demain, dix milliards d'individus puissent coexister sur la planète si les grands acteurs de la mondialisation persistent à pratiquer le mode de production prédateur occidental actuel.
Kant défendait la nécessité de se donner des "horizons régulateurs" permettant de donner du sens à nos actions. Le dernier espoir qui reste réside dans le pari que les deux ogres planétaires (USA et Chine) et leur puissance, retrouvent le sens de ce que nous appelons ci-dessus le bien commun… planétaire.
C'est pas gagné!
 
* Marianne Durano. L'idée de fin du Monde. Le Monde 24/07/2019.
** Ernst Bloch, Droit naturel et dignité humaine, 1961