compteurs visiteurs gratuits

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/09/2020

MEDECINE POLLUÉE ET POLLUANTE  

Les sciences sont des vérités en mouvement. Ce qui est admis comme vrai aujourd'hui ne le sera plus demain. Or, on a tué pour défendre mordicus des thèses fausses (Copernic, Galilée,…). Chaque fois il y a eu les traditionnels et les progressistes. Les uns défendant le créationnisme, la terre plate,.. les autres tentant de convaincre le monde qu'ils avaient (sans doute) raison.
La pandémie actuelle a révélé ce principe au sujet de la médecine. Cette dernière est-elle une science? Le sujet agite les esprits depuis Socrate. Certes, il existe un corpus scientifique médical solide mais, comme toujours, daté et qui requiert ensuite un génie de mise en œuvre comme pour les ponts, la peinture ou la charcuterie. De plus il s'agit de plus en plus d'une science fragmentaire du fait d'une spécialisation poussée, parfois jusqu'à l'absurde.
Dès lors, comment ne pas trouver malsain le déballage effectué sur les chaines télévisés via des "experts" dont on se demandait parfois si on ne les avaient pas kidnappés au passage sur le trottoir d'en face! Et les spécialistes de n'importe quoi (orthopédie!) donnaient leur avis sur la virologie qui a toujours eu une place à part au sein des sciences du vivant du fait de son impact à la fois en recherche fondamentale et en santé publique. L'étude des virus est à la source de nombreux concepts majeurs de biologie, qui ont fécondé de nombreux courants dans le domaine de l'immunologie, de la génétique et de la biologie moléculaire. Je n'insisterai pas sur cette gabegie de propos dont on ne connaissait ni la consistance ni la neutralité. Car l'enjeu pécuniaire du médicament est tel que toute affirmation devient sujette à arrière pensée financière et sinon financière du moins carriériste.
Ainsi la controverse sur l'hydroxychloroquine a atteint des proportions proches de celle de Valladolid, avec un fond de mauvaise foi aussi manifeste que celle qui consistait à savoir si les indiens avaient une âme, un Raoult dans  le rôle de Bartolomé de Las Casas et Olivier Veran en légat du pape. Si j'évoque cette controverse c'est que j'y ai vu la même agressivité, la même haine, les mêmes enjeux cachés.

corona-5035180_1920.jpg
Résultats, l'opinion polluée profondément, adoptant des positions selon les inclinaisons vis-a-vis des acteurs en plateau. Car que veut le public ? Qu'on trouve un remède miracle, que ça marche et que ça aille vite. Ce qu'il ne comprend pas, c'est que, quand on se présente comme expert, l'on puisse dire qu'on ne sait pas. Pourquoi Raoult plait? Il ne laisse pas apparaître de doute! Le processus permanent de réfutation sur lequel repose, certes, la recherche et donc l'avancement du savoir, ne saurait être mis sur la table publique au risque majeur de troubler l'opinion et de brouiller son adhésion aux impératifs sanitaires.
Que cherchons-t-on ? À baisser la charge virale des patients ou à les guérir rapidement sans risque de détresse respiratoire ? Qui veut-on guérir ? Tout le monde ou seuls les patients dont l’âge est inférieur à 75 ans ? Sans oublier que ce virus peut être létal surtout pour les personnes de plus de 80 ans. C’est vers cette population fragile que pourraient se concentrer les efforts de recherche d’un médicament adapté. Il est important que les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes présentant des co-morbidités associées puissent aussi être traités dans des conditions de sécurité optimale permettant de préserver le principe d’équité et de justice distributive sur lequel sont fondées les pratiques**.
 
En effet, dans toute crise grave, les communicants savent qu'il faut, avant tout rassurer. Or, aux errements conflictuels des "experts" précédents se sont ajoutés les errements régaliens du pouvoir. Pour tenir, en situation de crise, il s'avère nécessaire de posséder un discours cohérent et péremptoire. La gouvernance macronienne s'est, à l'inverse, constamment contredite, semblant découvrir les choses (carences de matériel, manque de traitements, incurie organisationnelle des hôpitaux,…) avec un temps de retard et prenant des mesures disproportionnées (autorisation d'élection, de match international, confinement total,…). L'utilisation d'un comité d' "experts" comme source des décisions ne pouvait pas plus rassurer, eu égard à la controverse dont nous venons de parler qui disqualifiait un avis potentiellement compétent, pertinent et tranché. Les polémiques qui résultent de ces discours contradictoires peuvent avoir un effet de désenchantement, où le public se dit qu'est-ce que c'est que ce bazar*?
Tout ce monde d'experts a un peu oublié un principe: Expliquer. C’est le fondement même de toute ambition didactique destinée à convaincre d'une vérité, fut-elle improbable. Le moment que nous vivons donne parfois l’impression de se partager en deux : il y a ceux qui veulent comprendre et ceux qui veulent avoir raison à tout prix. Ce qui les sépare n’est pas obligatoirement le savoir, mais plutôt le doute et la patience. On peut passer une vie à étudier l’infiniment petit et l’infiniment rapide ou à chercher ce qu’il s’est passé un milliardième de seconde avant la création de l’univers. Mais il faut aussi mobiliser une littérature internationale et de nombreux résultats... Il faut, pour tout ça, prendre le temps et le risque d’aller contre le « bon sens » de l’opinion publique, contre les discours dominants des milieux politico-médiatiques, contre les faits alternatifs du web dans une période où la parole d'un universitaire sur la place publique a le même poids que celle d'une journaliste délurée ou du premier YouTubeur venu, contre les obstacles opposés par les sacrées lois du marché***.
Reste enfin l'argument majeur: Prévoir. Ces derniers mois, nous avons touché du doigt des avatars de l'imprévision: manque, manque,… A quoi sert un gouvernement s'il s'avère infoutu de prévoir les grands risques naturels et sociétaux et dès lors préparer la nation à y répondre? Macron via Castex nous ont proposé un plan. Nous n'y voyons que des rattrapages, l'œil fixé sur le rétroviseur plutôt que sur les grands défis (danger) qui nous guettent. Le progrès comme médecine unique de l'avenir s'avère la source majeure de futures crises pandémiques, écologiques, sociétales,… Entre autres!
Il ne s’agit nullement ici de faire le procès des experts. Ils ne sont pas responsables de la mutation en cours et la plupart d’entre eux ne la comprennent d’ailleurs pas. Mais le débat autour du rôle de l’expert est intéressant parce qu’il mène droit à un débat de société sur l’avenir de la science et sur les paradigmes ou structures de valeurs implicites dans les débats qui touchent aux finalités de notre développement et à notre volonté de survie. La voie vers un avenir soutenable passe par ce type de débat difficile mais passionnant. (Marc LUYCKX. Le rôle de l’expert : participer au réenchantement du monde)
 
 
*Benoit Gaultier professeur à l'université de Zurich et co-directeur du Groupe de recherche en épistémologie du Collège de France.
** Essai clinique et traitement : quelle éthique en cas d'urgence sanitaire ? Bettina Couderc, Anne-Marie Duguet, Anne Cambon-Thomsen et Emmanuelle Rial-Sebbag, Publication Laboratoire d’épidémiologie et analyses en santé publique (LEASP - Université Toulouse III – Paul Sabatier - Inserm)
*** Pascal Marchand. Toujours plus « fast » ? Exploreur Université de Toulouse
 
 
 

08/09/2020

CASTEX PLANIFICATEUR MASQUÉ

Le vieux monde a la vie dure! Macron-Castex nous invitent à un retour au Commissariat Général au Plan (1946) et au Haut Commissaire (même année). Sauf qu'il s'agit d'une sorte de Canada dry! Ça a le nom, ça a l'apparence… mais ce n'est pas vraiment la même chose.
Demandons nous d'abord pourquoi cette réhabilitation d'un concept longtemps diabolisé par les libéraux. Sans doute pour rassurer! Le peuple, l'opinion, les gens,… enfin ce qui représente la population se trouve particulièrement affecté moralement par la pandémie. Le confinement, les masques, les errements de nos dirigeants n'ont pas arrangé les choses, et les controverses raoultiennes non plus. Il s'avérait donc nécessaire de donner l'impression d'avoir maintenant une vision claire et volontariste de l'avenir. Il s'agit du pouvoir des mots: le seul mot de "plan" porte en lui une connotation sécuritaire dans le ressenti du français moyen et moyen plus. Ça ne coûte pas cher et ça rassérénère!
Voilà pour la forme, voyons le fond. Et là apparaît le Canada dry. En effet il s'agit d'un "machin" comme disait de Gaulle sans organisation propre, donc sans le bras armé d'une administration puissante et respectée qui faisait l'efficacité de l'original. Le plan qui exerce son rôle doit d'abord être porté par une administration qui assume ses priorités au-delà des arbitrages budgétaires entre les ministères. Par assumer, j'entends vérifier la mise en œuvre conforme aux prévisions et, le cas échéant, corriger, voire sanctionner, les déviances injustifiables. Ensuite vient le travail interministériel systématique et suivi par un contrôle pérenne. Enfin, une programmation budgétaire pluriannuelle nécessaire pour déployer une politique lisible et ambitieuse. La délégation de cette mission à la Direction du Budget n'a pas lieu d'être sauf à susciter des doublonnages néfastes à la lisibilité.
En l'état actuel de ce qui est acté, le CGP ressemble à s'y méprendre à un guichet à fric, d'où la distribution se fera un peu à la tête du client (si, si!) ou en fonction des enjeux plus politiques qu'économiques et/ou sociaux*. Castex, quatrième république dans son jus, à faire du reswitching, eut pu affirmer "Dans le monde de la compétition ou nous sommes entrés sans esprit de retour, l'objectif fondamental du Plan est d'asseoir sur des bases solides la capacité concurrentielle de notre économie, en vue de préserver son indépendance, d'assurer son expansion dans l'équilibre et de faire d'elle le support d'un progrès social réel et durable." (Introduction du Vème plan). Ça aurait eu de la gueule et les partenaires sociaux y auraient vu une prise en compte de leurs problèmes.
Plus généralement nous relevons à ce stade, l'infirmité majeure des libéraux, à savoir le courage de contrôler et le cran d'imposer. La liberté, crédo de ces décideurs (qui sont plutôt des gestionnaires) dicte, selon eux, de ne pas trop "embêter" les entrepreneurs, commerçants voire employés dans leur action. Et donc de laisser le champ à des dérives considérables quant à l'observation des lois et règlements. Ils prônent l'auto-contrôle dont on imagine l'ouverture au laxisme potentiel (détournement, évasion, abus,…). Le même crédo les fait répugner à ordonner au sens managérial du terme lorsque cela devient nécessaire. On a vu dans le passé et récemment des groupes tourner en ridicule la parole de l'État sans que ce dernier ait le courage de mobiliser des armes administratives, financières ou juridiques pourtant à sa disposition. Ce plan semble manquer d'affirmation. Certes il est nécessaire d'endiguer les faillites productrices de chômage, mais sans maintenir exagérément trop d'entreprises zombies en pénalisant ainsi les entreprises "porteuses d'avenir".
Dry.jpg
Après la forme et le fond, devrait venir la "philosophie". Le sémillant catalan de Vic Fezensac nous a inventé le keynésianisme de l'offre. Plus d'un économiste a du se gratter puissamment le crâne pour imaginer cette hybridation de l'école Stanford (Laffer) et celle de Cambridge (Keynes). En fait il s'agit d'un pragmatisme gersois qui permet de dire "il faut consommer" et "il faut baisser les impôts". Sur le coup, on se trouve séduit: la seule chose positive qui existe actuellement en France s'avère le montant de l'épargne des ménages, 5400 milliards d'Euros (source Banque de France), pactole qui fait saliver les financiers. Quant aux points négatifs, il s'agit primo d'un faiblesse sensible de la consommation et de l'investissement car qu'il faut souligner que, si l'épargne permet potentiellement de financer l'investissement, elle ne crée pas, ipso facto, la volonté d'investir. Celle-ci est liée aux anticipations de débouchés et de profits, soit une pression stimulante de la demande. D'où le défi keynésien de transformer cette épargne en dépenses de consommation provoquant donc une impulsion de demande donc de commande, donc d'investissement. CQFD… sauf s'il s'agit majoritairement d'une demande de produits importés entrainant un déséquilibre de la balance commerciale (zut!).
L'autre corde de l'arc castexien (qui est de droite rappelons le) est d'inciter à investir en baissant les impôts et taxes sur les entreprises. Ça ne marche pas mais ça fait plaisir aux électeurs patrons. D'où l'appel à Laffer et à sa courbe "inventée" sur une nappe de restaurant (paraît-il!).
Je ne suis pas sûr que Jeannot de Vic y croit vraiment. Alors il habille le morceau dans un papier cadeau affirmant  pour le fun que la reprise (dites-le en scandant le débit tous les trois mots à l'instar du maître) "sera stimulée par l'exigence de modernisation découlant de la concurrence internationale, par les perspectives tracées par ce Plan et par l'intention affirmée par le Gouvernement d'en défendre les objectifs. Plus particulièrement, elle dépend des mesures qui pourront être prises pour favoriser la transition entre la phase actuelle de ralentissement et la reprise d'une expansion fondée sur l'écologie et sur des bases assainies." Ça ne mange pas de pain car au mot près c'était écrit dans le préalable au Vème plan!
 
Seul le jeu, de la concurrence, du rôle, à la fois stimulant et improbable de la consommation, des choix multicritérisés des investisseurs, des échanges extérieurs permettra de déclencher (ou non) le processus espéré. Et donc conclure que les causes principales de la croissance sont psychologiques. Comme le dirait Wittgenstein on doit se référer à une causalité contextuelle. Il est donc nécessaire (impératif) de réanimer chez les français une attitude optimiste liée à la confiance (largo sensu) et consommatrice (demande potentielle considérable restée longtemps à l'état latent), en espérant que l'environnement international soit globalement favorable. Pour se poursuivre, cette croissance devra s'accompagner d'un niveau culturel de plus en plus élevé (effort scolaire et universitaire) afin d'intégrer les impératifs écologiques raisonnables et un parti pris innovateur qui déclenchent des attitudes responsables de la part des entreprises. Cette contingence favorable qui n'existe pas aujourd'hui (gilets jaunes, violence, tensions religieuses,…) ne se décide pas d'un coup de baguette mais se construit progressivement. Les faux-semblants des discours ne suffisent pas.
Ce n'est donc pas gagné! Le plan – digne de ce nom – devrait être l'outil qui donne une visibilité  suffisante à ces jeux et enjeux, qui abonde les financements** fléchés nécessaires à leur assomption, tout en maintenant une paix sociale réelle.
Vous vous dites: n'en jetez plus!
Eh bien si, il faut souligner de plus que le Plan est un acte politique. En conséquence, il doit associer les "forces vives" de la nation à sa préparation. Il ne doit pas tomber sur la tête des acteurs comme la neige de décembre mais constituer un "puzzle d'adhésion".
La collaboration, à la base du travail de préparation du plan, comprise dans la structure même des institutions de planification ont été, à mon avis, le principal moteur de la réussite du fameux Vème plan***. Les stakeholders (parties-prenantes) pouvaient  générales pour l'économie dans son ensemble ainsi que par secteur (niveaux de production et de productivité, priorités d'investissement, programmes de réorganisation). Les «commissions de modernisation » étaient ensuite chargées de débattre et d'élaborer des plans sectoriels précis. D'où une meilleure objectivation et donc "intégration", des objectifs, des contraintes et des moyens. C'est ce que l'on nomme une régulation conjointe (Reynaud). Cette concertation combine des moments d’information, de communication et de participation de manière à partager des représentations sur le projet de changement. Il s’agit de « dire ensemble » (Bratosin).
Vous comprenez maintenant pourquoi ai-je parlé de Canada Dry ?
 
 
 
* On pourrait parler de "plan de sauvetage" plutôt que de "plan de modernisation"
** le problème financier n'est pas abordé car la politique de EQ (facilité de crédit) fait passer le financement au second plan, même s'il reste une problématique à terme.
*** André NOY. Critique de la décision planifiée. Thèse sciences économiques. Montpellier Janvier 1975.