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23/01/2007

SUPPLIQUE BIO

Dans vingt ans, tu auras vingt ans ! Jane, il faut que je te l’avoue, il y a quarante ans, ton papy a fait une grosse bêtise !
J’ai manqué une révolution. Tout simplement. Et Bourdieu avait raison, rien n’est pire que de faire une pseudo-révolution avortée car elle fait peur comme une vraie. Dès lors, les nantis, les puissants, les cons aussi, se blindent ! C’était pourtant le moment ou jamais pour choisir l’avenir : flower ou chimical !
Jane, je m’en excuse, nous n’avons pas gagné, pas plus que ceux de Berkeley, de Columbia, de Francfort ou de Rome. Et comme nous avons perdu, on nous ridiculise en soixante-huitards glandeurs (les trente-cinq heures, c’est nous), laxistes (l’éducation perdue des enfants, c’est nous), pervers (le sida, c’est nous), iconoclastes … Exit les guirlandes fleuries, bonjour pollution, effluents, vitrification des déchets ultimes.
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Pourtant, il aurait fallu de presque rien ! Peut-être d’un leader de plus, peut-être de quelques traîtres de moins pour que le grand Charles finisse sa carrière à Baden-Baden.
Alors, Jane, quand tu auras vingt ans, qu’il ne restera plus de vraiment vivable que la Patagonie ou la Mongolie, ta mère t’ouvrira peut-être les lourdes portes du passé. Elle te dira, sans l’avoir vécu, la légende des farfadets qui écrivaient sur les murs « Il est interdit, d’interdire » ou « Le débat est l’aspirine de l’aliénation ! ». Un temps où il n’était pas défendu de manger du cassoulet, de boire, de fumer, de rouler cheveux au vent en écoutant Lennon. Imagine ! Imagine !
Ton père te contera les îles d’orchidées, les lagons bleus et les cascades cristallines, les langoustes géantes et les poissons qui n’existeront plus, le temps qui s’étirait sous les palétuviers.
Un temps où l’on parlait, parlait, débattait de tout, du monde, de l’avenir, de la finalité des choses. Partout, à toute heure, Marcuse était invité à la table. Il avait raison Herbert ! Le système de la consommation de masse nous bouffait avec l’aliénation doucereuse du plaisir individuel. On troque pour quelques chemises, deux gadgets et une console vidéo un monde et un mode de vie. Un monde de la nature des fleurs sauvages, des poules de poulaillers et des paysans de leur terre. Un mode de vie qui espérait continuer à boire le rosé frais sous le figuier centenaire, sans l’haleine fétide du capitalisme consummateur, ses fumées acides, ses remugles tchernobyliens.
Et il est trop tard. Les plus lucides parlent de développement durable. Mais c’est une oximore piégeante, tout au plus.
Pardon, Jane ! Je suis d’autant plus marri que c’était bien, tu sais! Vachement bien! Et quoi que l’on te raconte, ce n’est pas la faute des autres, c’est la nôtre à nous qui avons renoncé, qui sommes rentrés dans les panels étiquetés de prospects formatés.
La Liberté ne se donne pas, elle se gagne... Aussi, nous avons toujours la Liberté que nous méritons.

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