compteurs visiteurs gratuits

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/06/2007

PIERRE JALLATTE ET RENÉ GIRARD

J’ai connu Pierre Jallatte à l’IPA (Institut de Préparation aux Affaires ancienne appellation des IAE) de Montpellier. Ami du Professeur René Maury qui en était le directeur, il s’avérait le plus généreux donateur (ancienne appellation de sponsor) puisqu’il versait une dotation annuelle de 10.000 francs à l’école (éditorial de R. Maury dans la rapport de voyage d’études « Perspectives américaines » juillet 1966).
Cet homme austère comme tout bon protestant cévenol, avait trouvé auprès des universitaires l'arcane de son action : l’innovation. Maury lui avait appris Schumpeter, Saumade Emery et Trist, Robert Papin R. Marris… Lui, percolateur pragmatique de ces idées, il avait transformé un atelier de St Hyppolite du Fort en leader européen de la chaussure de sécurité. Il avait anticipé les revers de la chaussure « classique » qui fut l’une des industries les plus répandues dans la région entre et après la guerre. Ainsi les frères Riu à Limoux (Myrys), César Blasquez à Couiza, Urbain Siau à Espéraza, Antoine Canat, François Noy à Chalabre, Pierre Gamundi et René Bosc à Béziers, … (entre autres) ont été les moteurs d’un secteur particulièrement actif. Mais, la guerre des coûts aidant, les types de fabrication s’automatisant, ces « usines » périclitèrent une à une, parfois aidées dans leur déconfiture par des aigrefins peu scrupuleux (cf Canat ou Myrys).
Hormis le coup de chapeau à P. Jallatte c’est cette question que je voudrais évoquer. Que la concurrence fasse rage, que de nouveaux types de managements s’installent, que les marchés s’internationalisent, j’en convient aisément. Il serait difficile de nier l’évidence ! Mais ce qui me gêne profondément réside dans cette race de hyènes charognardes qui viennent participer à la curée. Ces pseudo-experts-repreneurs, froids comme du marbre, qui viennent sucer les dernières potentialités des entreprises « en difficulté » selon l’euphémisme approprié, et ainsi précipiter leur disparition. Ce sont des virtuoses du discours gestionnaire, managérial, financier, dont ils usent comme alibis imparables, impavides bourreaux d’entreprises qui vivent encore et qui pourraient, je vous le garantis pour la majorité, continuer à fonctionner à condition d’y consacrer les compétences et les volontés. Les élus locaux (voire nationaux selon les enjeux électoraux) se laissent souvent berner par ces baratineurs de haut-vol : « Si vous voulez sauver quelques emplois, quelques temps, il faut que vous mettiez la main à la poche ». « Et sans garantie, bien sûr, le droit ne permettant pas d’entorse à la liberté des entreprises ». Ainsi nos impôts locaux viennent améliorer le cash flow de ces groupes financiers sans scrupule. Mais que faire ? J’entends ma cousine de droite susurrer que l’on ne peut aller contre l’histoire, qu’un emploi perdu dix de retrouvés … Moi je crois que les régions, qui ont la compétence économique, devraient s’investir dans une vaste opération de conservatoire industriel, comme elles l’ont fait (ou auraient dû le faire) en matière foncière. Il serait prévu un droit de préemption industrielle donnant priorité de rachat à la collectivité sur l’ensemble de son territoire. De deux chose l’une : si l’unité en difficulté est vraiment foutue, la région en prendra acte, ni plus, ni moins. Sans cracher au bassinet. Mais si ladite unité possède encore de « la sève » (des marques, des brevets, des actifs mobiliers et humains, … ) elle pourrait être relancée par la collectivité (ou par des adjudicataires dûment choisis) et, surtout, éviter que ces richesses soient siphonnées par les holdings extérieurs.
Ceci reste une piste, mais qui pourrait permettre de rendre les marques « AOC » régionalement. Ainsi si Arena veut se délocaliser en Chine elle le pourra sans problème, … mais sous la marque Chin Man, Arena étant attachée au Languedoc-Roussillon. Jallatte ne pourrait dès lors servir de phare commercial à des godasses fabriquées en Tunisie !
Voilà monsieur Pierre qui avez lu René Girard et qui vous êtes donné en victime émissaire, offrant un miroir à ceux qui sèment le vent de l’Apocalypse, et une branche d’olivier à ceux qui agitent le mythe renouvelé de La Bête du Gévaudan, tout reste à dire et surtout, à faire.
Voilà, monsieur Jallatte, en souvenir de ce que vous avez fait pour les Cévennes et pour l’IPA, en souvenir de tous ces entrepreneurs audois, catalans, lozériens, gardois, héraultais, qui ont perdu leur entreprise filiale (au sens étymologique), je pose sur votre cercueil sacrificiel cette modeste contribution innovatrice. Ainsi soit-il !

Les commentaires sont fermés.