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20/08/2009

POUR VALERIE

La première corrida de la féria de Béziers 2009 s'annonçait sous les meilleurs hospices. Bien sûr il y avait eu l'épisode tragi-comique de l'affiche bidonnée de Nouvel. Bien sûr, jeudi matin, ça sentait déjà l'urine et le vomi aigre un peu partout. Et le prix du demi avait flambé selon les bons conseils de la crise ... Mais le soleil dardait grave et le cartel regroupait trois figuras top niveau.

Les arènes de Beauxhostes, pleines comme un œuf, n'arrivaient pas à absorber le flot des entrants. No hay billetes !

En ce qui me concerne, cet anneau rouge et ocre, je le connais intimement comme une table familiale. Là il y a Philippe, là bas Jean Pierre, là plus haut Gilbert, en bas Francis, en face Freddy... Sauf qu'aujourd'hui une des places repères  restera sans son habituel occupant. Avec Valérie comme joker ou excuse puisque le tarot était son truc. L'an dernier c'était temporaire, une impasse dans une fidélité constante. Aujourd'hui l'histoire s'est arrêtée. Plusieurs fois, durant la course, je jetterai machinalement un œil vers l'endroit, comme avant, quand je cherchais à vérifier si j'avais bien apprécié telle ou telle péripétie car je savais ses applaudissements parcimonieux et pertinents. En effet, si je fréquente l'arène biterroise depuis mes douze ou treize ans, en fait, c'est lui qui m'a initié à la complexité de la véronique, au temple exigé pour une naturelle de qualité, le sitio, ... enfin tout ce qui fait l'aficion par rapport au spectacle. Il en parlait bien et expertement, ladite expertise consolidée par « Raoulet », sa référence familiale. Il esquissait même les gestes fluides pour démontrer ses dires. Et nous frissonnions ensemble les matins de course à l'approche des toros, dans les corrales accédés subrepticement grâce à des réseaux d'amitiés rugbistico-pétanco-bouchères.

Le manque ressenti, s'est prolongé par une ambiance pourrie. D'abord les cris et horions de ceux qui ne sont pas encore entrés à la fin du paséo au mépris du respect du spectacle. Une sorte de rumeur de foirail sans rapport avec l'exigence de silence d'une corrida. Des taureaux indignes qui sortent avec vingt ou trente kilos de graisse superflue, qui s'endorment sur place, qui meurent avant l'épée, tel ce jabonero enrobé qu'il fallut puntiller au sol, summum du déshonneur. Mon esprit évoque furtivement la miurada biterroise de 1983. O tempora, o mores ! Une ambiance pourrie je vous dis ! Ponce désolé de recevoir successivement deux inexistants spécimens de cette race taurine en déserrance. El Juli réussissant à tirer quelques passes académiques du moins pire des bestiaux Domecq. Castella qui eut aimé mais qui ne put pas ou peu, notamment face à un bicho « no limpio » qui cherchait l'homme en se désintéressant totalement de l'étoffe. Une ambiance drôle, je vous dis, sans qu'aucune allegria ne jaillisse de ces treize mille spectateurs anesthésiés par la chaleur, par une musique plus près des concerts de théâtre de verdure (flûte et clarinette) que des cuivres vibrants qui conviennent mieux à une arène. Peut-être y a-t-il un peu trop de public « sponsorisé » qui vient là parce qu'il est invité, pour se montrer et pour fumer le havane gros calibre ou pour exhiber les épaules savamment dénudées par des robes Lacroix ou Esprit. En singeant des attitudes sévillanes lues dans le Figaro Magazine. Une ambiance drôle suscitant soudain un bras de fer entre la « Coupa Santo » de Couderc et le « Si canto » revendiqué par une opposition jaillie des gradins à l'initiative de la Grenouille, campé en spontanéo et contestant à l'hymne provençal une légitimité occitane et biterroise*. J'en fus fort aise, sauf que j'en suspecte la gratuité de la motivation.

Une ambiance drôle je vous dis. Même la bière de salida me parut insipide. Comme un puzzle auquel il manque une pièce maîtresse qui brouille toute l'image.

Le vide en bas, à la barrera côté sombra, de l'indispensable présence de mon maître d'aficion.

 



* A ceux qui se lancent dans des controverses politico-régionalistes à ce propos je recommande la lecture de « Vu de droite: anthologie critique des idées contemporaines. Alain de Benoist. Editions Le labyrinthe. 2001.

 

 

11/08/2009

QUI A BU, BOIRA!

C’est reparti comme en 14 ! A nouveau la grande bouffe des banquiers, traders et cie fleure bon la galette ! Les bourses se relèvent malgré la crise ce qui prouve bien qu’elles ne sont plus, depuis longtemps, le thermomètre de la vraie activité économique, mais seulement le résultat imprévisible de l’alchimie ésotérique des traders nourrie de la versatilité des fonds de placement.
Déjà, les banques américaines se sont massivement libérées de la férule de la FED (en remboursant la couverture du «Troubled Asset Relief Program») afin de pouvoir retrouver le plaisir ludique et rémunérateur de se vautrer dans les marchés exotiques, juteux et improbables. Incognito. Afin aussi de retrouver le contrôle sur certaines décisions, dont celle de déterminer les sommes que les cadres-traders se verseront en boni à la fin de l’année. Ainsi une dizaine de grandes enseignes bancaires ont remboursé environ soixante dix milliards de $. Parallèlement, elles ont réussi à faire passer une mesure technique plus qu’inespérée, celle qui a vu le Financial Accounting Standards Board (FASB), l’organisme responsable des règles comptables aux Etats-Unis, lever l’obligation d’évaluer tous les actifs à leur juste valeur marchande. Leurs bilans gangrenés par les valeurs toxiques ne subissent donc pas la moins-value potentielle de leur dépréciation.
Les groupes français, qui eux n’ont pas d’obligations véritables, l’État sarkosien s’étant montré magnanime en n’exigeant aucun droit en contre-partie de ses avances, s’intéressent davantage au rétablissement de leurs gamelles en or, c’est-à-dire des boni, primes et autres gourmandises pécuniaires (cf BNP). On a les managers que l’on mérite ! Et il faut s’avérer bien naïf pour penser un seul instant que ces messieurs de la haute finance vont écouter les propos sentencieux des dirigeants politiques du type «Messieurs, un peu de pudeur. Gavez-vous mais de façon raisonnable, et discrète, que diable!». «Qui a bu, boira», disait un dicton de nos campagnes pour résumer les addictions. Qui s’est gavé cherchera à se regaver !
Le courtier américain Goldman Sachs pourrait verser cette année les plus gros bonis depuis 140 ans (The Guardian dixit). Parce que la crise a profité à ceux qui n’en ont pas pâti, comme dirait M. de La Palisse ! Sachs possède désormais un quasi monopole sur les obligations fédérales américaines nécessaires pour financer le gigantesque déficit creusé par les actions de relance (de l’ordre de trois mille milliards de $ !). Et donc le pouvoir d’influencer significativement le marché. Et donc …
Ceci met en évidence l’impossibilité de réguler le capitalisme financier comme l’ont claironné les dirigeants du G20 !
Le capitalisme industriel peut-être (je n’en jurerais pas !), mais le capitalisme financier reste par nature inaccessible à tout contrôle.
Pour faire simple, le capitalisme industriel représente un monde concret, avec quelques marges peu transparentes du fait d’une complexité en partie voulue et en partie subie. Mais, en théorie, vous pouvez le contraindre, le limiter, l’empêcher de faire ceci ou cela, voire le planifier. En un mot le réguler, selon l’intérêt supérieur légitimement choisi. Je dis en théorie car encore faut-il qu’il existât une instance reconnue et juridiquement efficace pour assurer ladite régulation. Car ce capitalisme industriel s’inscrit dans la globalisation qui lui permet, a son gré, de se délocaliser là où bon lui semble. Donc réguler certes mais si tous les pays se décident à se doter d’un «gendarme mondial» ! Ce qui n’est pas de saison.20090806114608.jpg
Quant au capitalisme financier, la régulation s’avère matériellement impossible du fait de la virtualité des opérations (shadow financial system). La dématérialisation des flux de capitaux ou des produits financiers leur confère un don d’ubiquité. Si vous voulez les saisir ici, ils sont déjà là-bas ou peut-être ailleurs … Les imposer style taxe Tobin ? Encore faut-il inventer un « radar » pour flasher les mouvements fallacieusement spéculatifs … sans pénaliser ceux qui contribuent à irriguer l’activité économique. Aussi facile que faire de la dentelle pour un manchot, dans le noir, avec un gant de boxe !
Alors, pour rêver, listons les décisions qui COMMENCERAIENT à assainir les choses :
• Interdire la rémunération des banquiers basée sur les résultats à court terme
• Encadrer les bonis des traders
• Réformer les agences de notation et le système des hedge funds
• Créer d’un régulateur mondial
• Attribuer un label aux organismes bancaires et financiers dont les activités seraient évaluées comme respectables
• Créer un “Schengen des Organismes Financiers”
Bon, vous comprenez que les promesses des 20 n’engagent que ceux qui les écoutent. Ou bien que la maxime «quand les choses nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs» leur va comme un gant !

Pourtant, si rien de vraiment régulateur n’est fait, les enfants de nos enfants seront de nouveaux barbares. Je pèse mes mots. Car, derrière ce ballet fantasmagorique de milliards fantômes, de primes pharaoniques, énormes escroqueries entre initiés, de loups pleureurs et de hyènes cyniques, de Golden boys en archétypes nouveaux de la réussite, il y a des milliers de vies brisées, des tonnes de malheur à vif, d'immenses dommages collatéraux, un impitoyable tri sélectif des rejetés du banquet des experts. Le contraire de la civilisation telle que je la conçois, humaniste et partagée.

** l'illustration est un dessin de l'excellent Delucq à retrouver sur http://www.delucq.com/