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11/10/2009

CROWDSOURCING POSTAL

Il faut agiter le peuple avant de s'en servir, disait Talleyrand. Nicolas Sarkozy et ses hauts dignitaires ont pratiqué cette maxime à l'envi depuis leur arrivée au pouvoir. Certains se sont même émerveillés de cette capacité de manipuler la foule française.

Et puis là, brutalement, le long fleuve tranquille devient torrent et crée un mascaret qui se retourne contre les pseudos maîtres de l'opinion. Ceux qui s'intéressent, un tant soi peu aux nouveaux médias, ont vu apparaître (mais les protagonistes en étaient-ils vraiment conscients ?) dans la consultation «sauvage» lancée pour la Poste, le concept de CROWDSOURCING.

Le crowdsourcing est né d'une conception nouvelle de l'information qui repose sur l'idée que les «gens», la foule, peuvent avoir envie de participer, spontanément ou de façon sollicitée, à des «remues méninges» ouverts, via des plateformes de type web.02. Chacun se comporte comme un pigiste plus ou moins impliqué dans une construction collective d'un objet-sens (produit, concept, opinion, image, logo, service, ...). Dans crowdsourcing, il y a crowds c'est-à-dire foule, et sourcing c'est-à-dire l'extérieur de l'organisation initiatrice du projet.

Comme souvent ce concept a été introduit par le business pour générer des innovations «ouvertes», customiser des produits (Dofus, Dell, Nokia), trouver un argumentaire marketing, ... à moindre coût. Mais l'idée a évidemment germé que l'on pouvait se servir du crowdsourcing pour faire de la démocratie participative. Obama et ses spin doctors ont largement usé du procédé sans en prononcer le nom (une base de données de 10 millions de supporters s'étant manifestés de cette façon a été constituée à partir de Barackobama.com). Comme la démocratie participative c'est de la dynamite, à peu près tout le monde politique a été d'accord pour prohiber l'usage du crowdsourcing. Idem en France où les socialistes ont fustigé Ségolène pour s'en être trop prévalu.

Et là, un peu par hasard, un peu par naïveté, la «votation» pour la Poste lève le lièvre ! Un peu plus de deux millions de personnes se sont exprimées ! La foule, le peuple, ceux qui, d'habitude, ne sont là que pour écouter, donnent leur avis massivement, disent qu'ils sont concernés et qu'ils pensent comme ci et comme ça ! Horreur ! Lefebvre et cie s'empressent de nier tout intérêt à la chose, de dire (en gros) que les gens sont débiles en ayant répondu à une question trop claire (sous entendu : elle aurait du être un peu biaisée dans le «bon» sens !), que ces choses là sont trop sérieuse pour être soumise à l'encan de l'expression publique ... Le piège ! Le PS surpris lui-même de l'ampleur du mascaret va vite chercher une planche pour surfer sur une vague de cette taille ! Toute la gauche tente de se maintenir sur la crête !

Cette banale «votation» a mis à jour un élément révolutionnaire majeur pour la démocratie moderne.crowdsourcing6.jpg

Comme disent CAILLET et COMTESSE* «Cette forme sophistiquée de la participation, va devenir une pratique de plus en plus répandue. En effet il n'est plus question de participation par pure acceptation passive, par élection sélective, par initiative ou référendum populaire. Désormais, les gens ordinaires veulent participer pleinement à la gouvernance, un peu à l'image de ce que le monde de Wikipedia a initié». Je ne dis pas qu'une démocratie «numérique» est née, je dis que, via le web2 et les réseaux sociaux qu'il génère, l'expression citoyenne devient un contre-pouvoir puissant ... et difficile à museler ! Je vous ai déjà entretenu des ouvrages comme «Foules intelligentes. Une révolution qui commence», de RHEINGOLD**, ou «Le peuple des connecteurs», de CROUZET*** qui mettent ce futur en perspective. Tout indique qu'un usage des réseaux sociaux donne la capacité de faire un pont entre la sphère virtuelle et la sphère réelle, concrète. Un pont rapide, réactif, un flux difficilement endiguable, et susceptible de mobiliser des millions de «gens» se sentant concernés. Et, une fois devenus acteurs de ce flux d'opinions, il apparaîtra quasiment impossible que les participants soient occultés ou squizzés. Ce qui change fondamentalement, ce n'est pas l'idée que l'on voterait «par ordinateur», mais surtout l'idée que les citoyens deviennent réactifs sur la conduite des affaires qui les concernent en dévalorisant les fameux sondages d'opinion trop souvent orientés. Allende avait eu cette idée à l'époque et demandé à un ponte de la systémique, Stafford Beer, d'imaginer ce type de crowdsourcing permanent. Il n'a pas eu le temps d'en voir la maquette.

Il sera très intéressant d'observer la réponse du pouvoir sarkozien. Première hypothèse, il occulte le message. Le risque est double : se mettre deux millions de personnes à dos, et donner une image d'isolement vis-à-vis de l'opinion. Seconde hypothèse, il en déduit un message fort et répond (modification de la loi, referendum) et alors il ouvre la porte à cette démocratie «spontanée» qui l'effraie tant, après l'avoir sollicitée pour son intérêt. Voilà, mis en exergue (et le cas F. Mitterrand le confirme), le danger d'une démocratie du buzz poussée à l'extrême.

Et la vérification qu'à jouer trop avec les allumettes on se brûle !

 

* CAILLET B., COMTESSE X. L'invention des territoires directs par les gens ordinaires. Document PDF. Sociabilité et TIC. www.lehub-agence.com. Mai 2009.

** RHEINGOLD H., Foules intelligentes. Une révolution qui commence. M2 Editions. 2005.

*** CROUZET T., Le peuple des connecteurs. Bourin Editeur.2006.

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