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23/02/2011

LE SPORT DONT LE PRINCE EST UN ARBITRE

En ce qui me concerne, je trouve que ce que l’on appelle aujourd’hui rugby se gâte sérieusement. Pour les «vieux cons», c’est-à-dire tous ceux qui ne vibrent pas aux maillots chamarrés, aux mises en scène Peplum, qui ne s’extasient pas devant la litanie insipide des "petits tas" et des "autos tamponneuses»" il existe plusieurs raisons.
La raison majeure réside dans la complexité des règles de ce sport.
Une telle complexité rend tout d’abord la grande majorité des spectateurs incapable de décrypter la logique des fautes et donc de «lire» le match correctement. Téléspectateurs, ils deviennent otages des commentateurs qui, eux mêmes, s’appuient sur des consultants experts. Spectateurs ils abdiquent dans une attitude passive ou basculent dans un chauvinisme exacerbé. Déjà les règles du  «rugby d’avant» n’était pas très faciles à maîtriser ! Je me souviens de voisins parisiens lors de finales à Colombes ou au Parc qui se penchaient vers vous pour tenter l’élucider une décision arbitrale aussi ésotérique qu’une naturelle aidée pour un japonais.  Mais aujourd’hui c’est bien pire ! Il y a là, je crois, un certain mépris du public à qui on donne à voir (spectacle) sans mobiliser la moindre compétence de sa part. Une sorte de «Regarde et tais toi !», un peu frustrant, me semble-t-il, et qui pourrait faire dans l’avenir le lit du rugby à VII beaucoup plus simple, plus lisible, plus spectaculaire aussi. vieux-cons.jpg
En second lieu cette complexité exigerait des arbitres surdoués. Or, on s’en rencontre tous les week end, ces messieurs en noir, pardon en jaune, sont normalement dotés en neurones. Dès lors, ils sifflent en permanence sachant qu’à chaque action quasiment il y a matière à user du fioulet. Comment faire autrement sachant qu’ils subissent le regard de la foule certes, mais aussi des caméras pouvant repasser dix fois l’erreur, des collègues qui au bord de la touche ou à la vidéo suivent sa prestation, les « gros pardessus » qui ont généreusement arrosé les acteurs et qui exigent des résultats. Rajoutons, pour faire bonne mesure, une tendance cabotine de certains referees prompts à s’aimer à l’écran. Enfin, pour l’exhaustivité de la peinture, évoquons le poids de la hiérarchie arbitrale qui impose des «consignes de direction de match», un peu comme Sarkozy distribue des éléments de langage. Un temps se fut les mauls, puis les plaqués, puis les plaqueurs. Aujourd’hui la focalisation se fait sur la mêlée*. Chacune d’elles est ressassée trois ou quatre fois, en vain, jusqu’au coup franc (ou bras cassé c’est selon l’humeur), voire le bristol jaune. L’intérêt pour le spectateur s’avère nul de chez nul, d’autant plus que la tricherie désignée (ou sanctionnée) n’est ni évidente, ni flagrante. Sachant que dans quatre vingt dix pour cent des cas environ le ballon sort pour l’équipe qui l’a introduit, on perçois mal l’acharnement à obtenir une mêlée clean. On arrive à la perversion suprême qui conduit à travailler à l’entraînement non pas comment pousser mieux que l’adversaire mais comment gruger l’arbitre dans cet exercice. Que faire, direz-vous? Eh bien ne pas intervenir, sauf pour faute flagrante ! Je suis sûr qu’au troisième exemplaire d’écroulement non sifflé les piliers redeviendront « normaux » et que l’édifice ne s’écroulera plus. Quant au ridicule rituel des commandements «Flexion, Toucher, Top, … » scandé à selon un tempo qui peut servir à tromper la première ligne que l’on veut sanctionner, il mériterait simplement d’être rangé au magasin des idioties de théoriciens de salon prétextant l’éradication des risques d’accident. Demandez à un pilier honnête (les talonneurs c’est plus rusé!) si cela change quelque chose, par rapport au simple « Entrez » de l’époque !
Pendant ce temps, l’homme sandwich de la Poste, oublie allègrement les en avants « à hauteur », et, surtout, les hors jeux de ligne qui condamnent dans l’œuf toute attaque déployée… si tant est qu’elles aient encore cours dans l’esprit des entraineurs new look ! Sachant qu’en la matière un petit mètre s’avère dirimant pour donner une latitude suffisante à l’attaquant. Ce handicap répété à longueur de match condamne le spectacle bien plus que la mêlée bancale.
L’arbitre doit aussi, je l’avais oublié, pratiquer les langues étrangères ! Anglais indispensable, italien apprécié, espagnol recommandé eu égard à la forte colonie argentine. Pour s’adresser aux joueurs et coaches «United of colors» du top 14, mais aussi pour décrypter le nouveau glossaire du XV : maul, ruck, crouch, touch, pause, engage  … Et avec l’accent ne vous déplaise, car ces admonestations aux joueurs « passent dans le micro ». Parfois je me marre en imaginant nos Valentin, Adhémar ou Marceau Abeza et même «le Gallois» d’antan tenter le dialecte d’outre Manche, eux qui se sentaient plus à l’aise en occitan qu’en bon français, mile dious !!!!  
Si j’étais pédant je dirais que l’arbitrage est une institution dont la portée dépasse notablement le champ clos du stade qui masque le retentissement social. Il incarne l’acceptation de l’ordre établi, l’éradication de la violence et de la subversion selon des formes hypertrophiées et numérisées (ordinateurs, casques, micros,..). Avez-vous fait le rapprochement entre arbitrage vidéo et surveillance vidéo ? Entre la sanction (lourde) de la moindre réaction personnelle et les interdictions portant atteinte à la liberté individuelle ? Entre la mise en scène de l’arbitrage et celle des représentants de l’Ordre ? En effet, il est impossible à un arbitre de reconnaître son erreur et de revenir sur une décision «injuste» a posteriori après réflexion et visionnage de l’action. L’arbitre adopte donc l’attitude fondamentalement « bourgeoise » de la mauvaise foi**. Il se gonfle d’importance et de suffisance en pensant qu’il a forcément raison et, quand il s’aperçoit de ses fautes, il se cherche des excuses, tourne autour du pot ou s’enfonce volontairement dans la mauvaise foi (Bon, je ne résiste pas à vous rappeler que le père de MAM était un arbitre réputé !). A quand des jurys populaires de spectateurs pour décider des sanctions ? Ce n’est pas par hasard qu’il y a maintenant un syndicat de joueur, et un Medef, pardon une Ligue !
Mais je ne veux pas faire le « savantas » et je m’arrête car certains, du côté de Béziers, Carcassonne ou de Perpignan, commencent à s’irriter !

* dimanche dernier lors de Mont de Marsan -  Albi, je crois qu’aucune mêlée n’a été correctement exécutée du premier coup.
** L’attitude typique de la bourgeoisie et la mentalité capitaliste à travers les erreurs d’arbitrage. http://www.contre-informations.fr

NB: illustration de http://marcdelage.unblog.fr/2009/12/29/vieux-cons/

06/02/2011

LE TEMPS DES DÉBACLES

Nous sommes en train de vivre une transition fondamentale. Longtemps - aujourd’hui encore - l’attirance du stable, de l’immobile, de l’affermi, de l’ancré, du constant, du continu, du durable, de l’immobile, de l’inaltérable, de l’invariable, du permanent, du persistant, du sédentaire, du solide, du stationnaire, du statique,…. domine la pensée. Dans notre cerveau archaïque, la société traditionnelle immuable jusqu’à l’excès continue à représenter un archétype référentiel. Je ne critique pas car j’ai, moi même, tendance à regretter le temps arrêté des palabres sous les platanes de nos villages engourdis sous le soleil. Sauf que le monde change ! Selon Z. Baumann*, une «modernité liquide» succède à une «modernité solide  dans laquelle la gouvernance immanente Dieu ou la Main Invisible) ou humaine (Roi, Tsar, Dictateur, Président) était censée reproduire une société proche de la perfection telle que tout changement ne pouvait que la dégrader. Baumann établit un lien entre l'état liquide de nos sociétés, le malaise qui en résulte, et la globalisation, laquelle implique plus de liberté, et aussi une insécurité accrue dans de nombreux domaines. Tout s’accélère, tout bouge créant une difficulté majeure à se situer, à s’adapter, à s’assurer. Les outils sociaux que sont devenus l’avion, le téléphone mobile, Internet, le Web, Facebook, les réseaux en général,… modèlent un monde de nomades proche du temps réel, c’est à dire débarrassé de structures pérennes et de certitudes à moyen terme, communiquant en temps réel. Ce « court termisme » affecte l’ensemble des logiques et des pratiques en provoquant souvent des dégâts, non pas tant intrinsèquement, mais à cause de l’inadaptation des esprits et des usages à cette accélération généralisée. J.L. Servan-Schreiber dans son essai «Trop vite !»** stigmatise cette société dans laquelle l’urgence de l’action, de la décision, domine l’horizon des dirigeants comme des citoyens. Et, comme une lame de fond, cette logique liquide emporte tout ce qui résiste.moulin.jpg
Ainsi les zones géographiques qui se trouvaient en régime de gel ou de coagulation du fait de dictatures plus ou moins condamnables décrochent les unes après les autres emportées par la contradiction entre le fleuve et l’ile. La Tunisie, l’Egypte, déjà, le Yémen, le Soudan, la Birmanie, la Lybie,… demain, ont détaché les amarres de leur pays en détrônant les potentats qui les maintenaient dans une immobilité qui les servait. Au delà de la faim et du chômage, larguer les amarres des médias, de l’expression, de la liberté de commerce, faire en sorte que les privilèges incommensurables des élites cessent, éradiquer le racket institutionnalisé. Voguer ainsi sur le fleuve des démocraties modernes ...
… Même si le paysage est aussi confus que le passage Nord Ouest ! Le passage du Nord-Ouest fait communiquer l’océan Atlantique et le Pacifique, par les passages froids du Grand Nord Canadien. Il s’ouvre, se ferme, se tord à travers l’immense archipel arctique, le long d’un dédale follement compliqué de golfes et chenaux, de bassins et détroits, mêlant l’eau et la banquise en dégel, la terre et l’eau dans un dédale mouvant. Le voyage y est aléatoire, les chemins sont rares, instables et parfois barrés, selon la débâcle des glaces***. Mais l’espoir mobilise les opprimés.
Et nous, nations depuis plus longtemps embarquées dans ce fleuve moderne qui nous charrie sans dévoiler le bout du chemin, nous faisons les fines bouches. Sont-ils adultes démocratiquement ? Ne sont-ils pas la proie différée des «barbus», sortes de condors charognards observant la décomposition des nations ? Ont-ils des dirigeants de qualité (c’est à dire qui nous agréent à nous) ? Nous reproduisons les fausses précautions déjà émises pour l’Espagne post Franco, le Portugal post Salazar,… Péripétie de l’attrait du stable je vous le disais, fut-il inacceptable pour les autochtones, la pérennité connue et rassurante, comme dirait Alliot-Marie !
Car il y a un dilemme encore plus fondamental que les relations dialectiquement opposées entre besoin de liberté et besoin de sécurité. Quel comportement doit-on privilégier dans cette société mutante ? Se laisser entrainer au fil de l’eau, en pariant le mieux sans en avoir la moindre visibilité, selon le crédo libéral ? Faire semblant de pagayer utile sans la moindre efficacité (socio-démocrates) ? Parler de gouvernance alors que l’on n’a pas le moindre gouvernail (sarkozisme) ? Dire que l’on peut non seulement arrêter mais remonter le courant (FN) ?
En vérité il est nécessaire de refonder une idéologie mêlant le changement et la structuration des choses dans le respect de l’intérêt général. Il ne faut plus rêver de lacs ou d’étangs, d’îles singulières voire de barrages et de digues. C’est autant dérisoire que dépassé. Il est nécessaire de s’atteler dès l’école, à produire des citoyens décideurs capables de surfer utilement sur les vagues du changement, à mieux gérer harmonieusement l’instantané et le moyen terme. Dépasser le cartésianisme (même si on ne doit pas l’éradiquer) qui nous handicape dans cette nouvelle donne. C’est une tâche immense et complexe, mais urgente. Les cadres se forment plus lentement que ne se montent les murs (D. Desanti)
Car demain le tsunami en marche arrivera jusqu’à nous. En effet, à l’instar des modèles sociaux antérieurs, la société moderne liquide s’avère aussi une société de classes, organisée entre dominants et dominés. Les «dominants» forment une élite extraterritoriale, qui dispose des aptitudes (apprentissages et dons) et des moyens de s’adapter continuellement aux soubresauts de l’actualité. Les dominés sont tous les ceux qui ont toujours un temps de retard sur les dominants. Mais qui s’en aperçoivent ! Un jour, il ne sera plus temps de nier l’évidence, de dire aux masses qu’elles n’ont rien compris, de mentir soit disant utile, pour mieux se maintenir aux commandes d’un bateau ivre. On cherche donc une science du circonstanciel et du mouvant, là où tous nos concepts sont moulés dans la cire solide (Michel Serres). On cherche un nouvel Homme à la fois nomade et ancré, empreint de racines, futuriste en incluant le présent, omniculturel en spécialiste, omnicultuel en laïque.
C’est ça l’urgence, amis politiques !

*S. BAUMANN. La vie liquide. Ed. Le Rouergue Chambon, coll. « les Incorrects », 2006
**J.-L. SERVAN-SCHREIBER. Trop vite ! Pourquoi nous sommes les prisonniers du court terme. Albin Michel. 2010
***La débâcle : Chaque fin d'été austral (courant novembre-décembre), la banquise se retire sous l'effet du vent, des courants et des marées. Ce phénomène est spectaculaire puisque l'on peut observer de grandes plaques de glace se détacher de la banquise pour partir au large à la dérive.