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18/05/2011

MEA CULPA

Par égard à Jacques, Bernard, Henri, Michel, et les autres, je fais amende honorable quant à l’enrôlement de Fabien Galthié et Eric Béchu aux commandes du MHRC. Dans la note « Chères passes » datée 09/08/2010 je m’avouais choqué par les sommes avancées pour les « émoluments » de l’ancien capitaine du XV de France et je minimisais l’apport potentiel dans le cadre d’un rugby français (mondial ?) assez pauvre quant aux variantes de tactiques proposées.
Je me suis trompé sur ce point. F.G. et E.B. ont contribué à libérer les joueurs bleus et blancs en leur donnant l’opportunité de proposer des intentions de jeu ambitieuses et de les assumer tant à Yves Du Manoir qu’à l’extérieur. Fallait-il, certes, arriver à les traduire en victoires pour que la pression ne vienne pas obérer ces bonnes intentions, mais ce fut le cas et donc tant mieux pour le rugby Montpelliérain.
Sur le plan financier, le coût, que je jugeais exagéré, se mue a posteriori en investissement et, en qualité d’économiste, je ne peux que me réjouir de cette métamorphose. Avec les recettes, les abonnements, la coupe d’Europe, la pub et autres produits dérivés le retour sur investissement s’avèrera positif, j’en suis persuadé. La négociation avec les sponsors s’en trouvera nettement facilitée, ainsi que celle avec les pouvoirs publics régionaux, départementaux et locaux. L’accession en demi finale provoque une résistance à l’effet d’éviction qu’auraient pu exercer les « financeurs », largo sensu, en trouvant l’ovale relégué au second plan, en concurrence avec les succès du hand, du foot, du basket féminin,…
Sans oublier les retombées immatérielles induites. Un tel calcul d’utilité sociale s’inscrit dans une vision actuelle du sport spectacle sportif, pour rendre compte des fonctions remplies vis-à-vis de la société : éducation, citoyenneté, lien social*… Cette dimension sociale du spectacle sportif, reconnue maintenant par la plupart des acteurs politiques comme fondamentale relève de la catégorie des externalités positives. Les bénéfices non marchands concernent pour l’essentiel le lien social et la dynamique territoriale. Ces externalités peuvent largement contribuer à l’amélioration de l’image de marque du territoire d’accueil (voir l’utilisation de N. Karabatic par la mairie de Montpellier), renforçant ainsi son attractivité.
Dont acte !

Je profite d’être sur ce terrain (!) pour remettre une couche sur l’arbitrage (voir note  « Le sport dont le prince est un arbitre »). Tous les (télé)spectateurs qui ont suivi les matchs du week end resteront un peu abasourdi que l’on puisse accepter de telles bourdes en phase finale, là où il se joue comme dit ci-dessus, des gros enjeux (financiers et sociaux) ! Plus de cinq minutes d’atermoiements  vidéo… pour accorder un essai illisible, ce qui conduit à inverser l’intérêt du visionnage vidéo) ! Ici erreurs répétées de monsieur Maciello sur l’application exacte du règlement, là la mansuétude excessive (en faveur de ASBH), la rigueur déplacée (cartons jaunes injustifiés)… des referees. Paradoxe, on nous cite toujours des deux ou trois premiers rôles du sifflet… et ils ne sont pas disponibles pour ces rencontres déterminantes. Sébastien Chabal, a cru avoir la « densité médiatique » pour évoquer urbi et orbi ce problème crucial. Mal lui en a pris ! Cloué au pilori, privé de Coupe du Monde, renvoyé à ses pubs, brûlé sur le bûcher du rugbystiquement correct. L’impact player, qui pourtant n’est pas vraiment ma tasse de thé, avait pourtant acquis à mon avis (certainement grâce au rigoureux Berbizier) une légitimité qui jusque là était discutable. La pente dangereuse de la coupe du Monde du foot ne serait-elle pas en train de se dessiner ? Omerta avant, déconnage pendant, diatribe après !CHABAL+03.jpg
Une diatribe qu’il  faudra bien ouvrir un jour en ovalie ! Chez nous pas de bi nationalité ou de blancs/noirs. Mais un envahissement « d’estrangers » qui affaiblit chaque saison davantage la vigueur des autochtones… et donc de l’équipe de France. Piliers roumains, avants géorgiens, demis argentins, ailiers samoans, centres fidjiens… jusqu’en fédérale. Formation? Centre de formation ? Qué zaco ? «On a plus peur du plombier polonais que du pilier roumain !» remarque Jacques Laval lors du débat de Sarlat. (Voir Sud Ouest 31 mai 2010). Nous verrons bien les résultats cet automne.
A propos de cette CDM je ne résiste pas à vous donner le « barème ». Qualifiés ou non à l’issue de la phase de groupes, les bleus toucheront 45.740 euros. Ensuite, les primes s’échelonneront, de 60.000 euros la qualification aux quarts de finale, à 100.000 euros si l’équipe accède aux demi-finales. La troisième place sera récompensée de 120.000 euros ; une défaite en finale sera payée 140 000 euros. Enfin, un sacre mondial assurera une belle prime de 180.000 euros pour les rugbymen français.
Rugby de tiroir caisse, qu'elle est loin l'époque héroïque de Roger Couderc ! Les matchs se déroulaient le samedi après-midi, en direct. A la (courte) mi-temps, les joueurs restaient sur la pelouse à sucer des citrons... Tout cela avait un côté humain. Il n'y avait même pas de spots publicitaires pour polluer le plaisir. C'était le temps où ce sport se jouait à quinze et les joueurs ne ressemblaient pas à des body builders survitaminés. Pas d’odeur de fric, ni de créatine, mais seulement de Guronsan et d’huile camphrée.  Aujourd’hui  « On foule au pied des décennies de culture en faisant son marché aux bovins sans se soucier un seul instant que la vraie richesse de ce jeu ce sont ses valeurs éducatives »** . Pour citer Mourad Boudjellal le président du RCT qui sait de quoi il  parle, le sport professionnel peut rendre con !

* Jean-Jacques Gouguet. Jurisport 98. Mai 2010
** Yves Bozon. Président de OBS Bagneux. http://www.obs-cms-bagneux92.fr/
Dessin emprunté à http://ronin-abou.blogspot.com

04/05/2011

MAKEOVER UNIVERSITAIRE

 

On nous ressasse la médiocrité du classement des universités françaises « selon l’échelle de Shangaï ».  Cela hypothèquerait notre avenir industriel et économique. D’où les plans Campus et Idex lancés par l’État pour redresser la barre. Foutaises qui font saliver les ambitieux de pacotille et les présidents impécunieux ! Ce miroir aux alouettes doit être dénoncé. Derrière le voile clinquant des millions (plus évoqués que réels) se faufilent tous les ingrédients du mauvais coup, alors que les vieilles universités recalées au concours de miss, tentent de se farder outrageusement pour ressembler à de jeunes stars et accéder au prochain palmarès. Makeover extrem !
1255.jpgMauvais coup relatif à un bien public fondamental : la formation des cadres performants selon une vision systémique de la société de demain et non pas seulement sous l’angle de l’employabilité, c’est à dire de la « chair à canon » pour les grands groupes multinationaux. On ressert à l’envi le vieux poncif consistant à railler les formations socio, psycho, philosophico comme autant d’impasses professionnelles. Même les entités académiques se servent de ce faux truisme pour mépriser certains de leurs pairs, dans une compétition larvée mais férine. Méfiez-vous toujours des évidences trop évidentes car, comme en criminologie, l’assassin n’est presque jamais celui sur qui pèsent le plus de doutes !
L’Université souffre de trois maux : fractionnement des disciplines, césure pédagogie-recherche, errance citoyenne.

1 Fractionnement des disciplines. L’excellence en France transite par une grille impérative : les sections du CNU*.  Ainsi la connaissance (l’ensemble des connaissances à ce jour) est classée en 77 cases. Chaque case préside au recrutement, à l’avancement des enseignants chercheurs. Hors de cette grille point de salut ! Impossible de transiger en se positionnant à cheval sur deux sections ! Quant à trois c’est carrément de l’utopie pure !! De section on n’est pas très loin de secte… et les comportements s’avèrent de cette essence. Vision analytique pure et intégriste qui n’a qu’un lointain rapport avec la réalité, économique, industrielle et  sociale. Il paraît cohérent au commun des mortels de dire qu’un bon (excusez-moi, excellent !) ingénieur (ou cadre) mobilise des connaissances scientifiques, technologiques, économiques, managériales, juridiques, psychologiques et communicationnelles, voire médicales et sociologiques. Les scientifiques qui président à la gouvernance des universités sont profondément contaminés par cette grille et, souvent inconsciemment, en font la clé de l’excellence. Pour être honnête le ministère leur suggère un peu plus de transversalité, de systémique dans leur projet. Mais de façon schizophrénique, puisqu’il maintient la grille CNU pour toute la gestion des postes et des promotions. Le serpent se mord la queue !

2  La césure Recherche-pédagogie (les majuscules sont révélatrice !) crée un clivage historique dans l’Université. Peu de gens savent qu’un universitaire n’a jamais reçu une minute de formation pédagogique. Pas une seconde même ! Recruté sur des critères de recherche, évalué et promu sur une logique très majoritairement nourrie par la recherche, le professeur d’université (ou le maître de conférences) enseigne comme il sait ou comme il peut ! Les nouvelles technologies pédagogiques ? Quésaco ? Allez dans les salles de cours, les amphis, vous constaterez que l’on n’est pas très loin de Jules Ferry : un tableau vert, de la craie et un laïus plus ou moins monocorde. Les étudiants ? Bof, il faut qu’ils se débrouillent de façon autonome. La méthode ? Quelle méthode ? Ils n’ont qu’à bucher comme nous on a fait ! Point. L’excellence c’est les cinq ou six pour cent de la promo pour qui on va vraiment s’impliquer, qu’on va vraiment chouchouter pour qu’ils fassent un DEA, voire une thèse,… dans notre labo. Le reste, « qu’ils se démerd…  avec ce qu’on leur donne». Les entreprises ? Ce n’est pas notre problème, nous on est des scientifiques, pas des bidouilleurs ! Le résultat de cette dichotomie conduit à un mépris assumé de l’enseignement au profit de la recherche dite « pure ». Celle qui aspire à l’excellence et qui  rejette à l’arrière plan la mission de formation des cadres qui pourraient être, pour les universités équitables, la vocation prioritaire. Je dis bien pure, car la recherche dite « appliquée », celle qui contribue à des innovations concrètes, ce n’est bon que pour les filières technologiques fussent-elles écoles d’ingénieur. Ainsi le document : « Les ambitions de l’université Montpellier 2 pour l’initiative d’excellence du site » (septembre 2010) ne parle pas un seul instant de l’ENS de Chimie, ni de Polytech’Montpellier qui, en son sein, représentent deux formations d’ingénieur de réputation internationale. Il est dit dans ce document « L’ensemble du potentiel scientifique présent à Montpellier se distingue par sa capacité à aborder, de façon originale et très complète, l’étude des problèmes qui se posent à l’homme pour assurer un développement durable et pour s’adapter au changement global dans un environnement qu’il contribue largement à modifier ». Il n’est pas dit que Montpellier II, sur un millier d’enseignants chercheurs, ne compte AUCUN poste de prof d’économie, aucun poste de droit, aucun poste de sociologie! Le développement durable va nécessiter un extrem makeover !

3 L'’errance citoyenne enfin. Quelle doit être la vocation du bien public** « université » ? Peut-on à la fois tutoyer l’excellence internationale, respecter les arcanes de la déontologie sociétale, (bien) former la majorité des cadres de demain, les préparer à un turn over d’emploi important, les rendre maître des grands enjeux scientifiques, politiques et sociaux,  assurer un soutien au développement local,… le tout à un coût défiant toute concurrence, notamment chinoise ? Evidemment non !! Cela nécessiterait des enseignants, mais aussi des personnels techniques, administratifs, des locaux , des matériels, des matériaux, de la communication, de la logistique… Donc y a ka, il faut, le gouvernement doit, la gouvernance de l’université peut, choisir l’objectif majeur qui va être poursuivi dans les cinq ans. C’est la solution « descendante ». Inversement, si ladite gouvernance universitaire se dote d’un projet clair et sérieux, elle peut négocier avec les collectivités territoriales, les banques, l’État, son financement… à l’échelle qui lui paraît pertinente avec les moyens mobilisables. C’est la solution « bottom-up » que pratiquent les grandes universités, ou les universités à vocation régionale (tout aussi légitime). Cela demande une stratégie qui hiérarchise les finalités : recherche ou formation ? aspiration mondiale, européenne ou régionale ? inséré dans un cluster ou non ? financement public, mixte ou privé ?…
Vous avez sans doute compris que les choses sont complexes, émaillées d’enjeux de toutes natures, de celui du plus égoïste prof carriériste au plus ambitieux dessein industriel, en passant par des turpitudes politiciennes et des jalousies d’égos. Alors, de grâce, ne nous laissons pas abuser par des annonces mirobolantes d’un État sans destinée ou les diktats grandiloquents d’édiles en mal de vision structurante, pas plus que par les atermoiements d’ inexpertes présidences d’institutions.
L’avenir d’une nation repose à la fois sur la qualité des élites dirigeantes, la qualification de la main d’œuvre disponible et leur intelligence collective. A tous niveaux. Dès lors mieux vaut des universités à taille humaine bien finalisées sur des missions à retombée régionale, aptes à construire des acteurs économiques structurés, adaptés aux enjeux économiques et sociétaux, capables de les maintenir au niveau tout au long de leur vie, que des utopies de gigantisme scientifique qui resteront implacablement des nains comparées aux usines universitaires chinoises, américaines ou même australiennes. Drew Gilpin Faust, première présidente de l'université d'Harvard, dénonçait récemment les effets délétères des "exigences d'évaluation des enseignements et de l'obligation de former la main-d'œuvre destinée à une économie mondialisée", et défendait les enseignements et les connaissances "parce qu'ils définissent ce qui, à travers les siècles, a fait de nous des humains et non pas parce qu'ils peuvent améliorer notre compétitivité mondiale".


* Conseil National des Universités : instance nationale qui se prononce sur les mesures relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des enseignants-chercheurs de l'Université française. Il est composé de groupes, eux-mêmes divisés en sections; chaque section correspond à une discipline. A ce jour il y a 77 sections.
** Ne pas confondre bien public (tutélaire) et bien collectif.
A cette fin voir http://www.journaldumauss.net/spip.php?article690