compteurs visiteurs gratuits

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/05/2012

L'ÉTAU

Le départ de Sarko, voila une bonne chose de faite! Pour résumer disons que la façon de gouverner de cet homme m'irritait profondément dans le fond et dans la forme.
L'arrivée de l'Homme Normal ne me projette pas dans un enthousiasme délirant. Je demande à voir à l'œuvre, au delà des quelques symboles mi-réussis mi-ratés de ces quelques jours de présidence. Etant entendu qu'il découvre "l'ÉTAU".
J'appelle ainsi la matérialité des contraintes qui pèsent sur les gouvernements dans le monde actuel. Le quidam votant pense que tout ce qui se dit, tout ce qui est proposé, annoncé,… peut et devrait se réaliser (Le changement c'est maintenant). Fol espoir! Méconnaissance des réalités prégnantes. Il croit que François Hollande, fleuron normal de la social démocratie énarchisante, peut avec ses petits bras terrasser l'hydre financière, la globalisation des marchés, la résilience des structures bureaucratiques, tout en comblant une dette publique que l'on dit insupportable! Or, les puissances sont aujourd’hui prisonnières d’un système aveugle, qui fonctionne de lui-même, sans nécessité d’un esprit directeur, d’un complot central, dont profitent les uns et les autres et dont souffrent les autres et les uns. L'Étau!!

A l'intérieur, les relations entre groupes de pression se sont fortement dégradées. Le manque de confiance réciproque est tel, que la société entière est rétive au changement, quel qu'il soit. Les fonctionnaires se sont fait étriller et donc s'arqueboutent sur leurs derniers acquis, les petits patrons craignent qu'on les "saigne", les gros patrons redoutent qu'on leur pique les surproduits et les retraites chapeaux, les chômeurs indemnisés qu'on les oblige à faire des petits boulots, les médecins à ne pas se déconventionner, les commerçants ne veulent pas que l'on contrôle leurs marges, les banquiers ne souhaitent pas que…
A l'extérieur, l'Europe ultralibérale se heurte à une Europe étranglée. Les ayatollahs de l'équilibre tentent un bras de fer avec les sectaires du keynésianisme, les protectionnistes s'affrontent aux libre échangistes, enfin faut-il nier la montée identitaire et les mouvements d'extrême droite?…
A l'extérieur, versus Monde, faut-il être ou ne pas être avec les américains, avec les Israëliens ou avec les Palestiniens, avec les chiites ou avec les sunnites, voire les alaouites, oublier la françafrique ou la renforcer?…
Tel Gulliver enchainé au sol par de multiples rets, les dirigeants occidentaux en général et le Correzien en particulier n'ont d'autres choix que d'accepter de bouger dans les seules marges que l'étau leur autorise, sachant de plus que la latitude  se resserre insensiblement, ou de regimber radicalement.
Tout le discours social démocrate mou consiste à choisir le premier destin. Celui de la grenouille qui ne sait pas qu'elle est en train de bouillir*!
Les marges de jeu au mieux (c'est à dire si la gauche obtient la majorité à l'Assemblée Nationale) alors même que tous les exécutifs français lui seront acquis, pourraient pourtant s'avérer significatives. Ce serait l'occasion de se ranger à l'intérieur d'un plan quinquennal ambitieux et rigoureux, selon des options industrielles porteuses d'avenir, encadrant un investissement maîtrisé par un code sévère pour les prêteurs et les bénéficiaires. Ce serait l'occasion de récupérer du pouvoir monétaire interne (selon des systèmes innovants), d'exiger un pouvoir d'investissement européen (fonds structurels inemployés), de rediriger la fiscalité (des ménages, des entreprises, des collectivités), de remettre la laïcité en exergue,… bref d'arrêter de "naviguer sous le vent" du libéralisme en feignant de le combattre.
Certains, de mon bord, me diront que c'est la "feuille de route" du Corrézien, ou presque. Peut être, hormis le plan coordinateur et régulateur. Je ne sais si vous l'avez remarqué mais les concepts de coordination, régulation, contrôle ont été peu prononcés dans cette campagne. Un vrai plan conduirait à une mobilisation des forces vives, à un panorama des opportunités innovatrices, à un examen des modes de recherche, de production, de commercialisation et de distribution. Il impliquerait l'examen de modes de financement précis et affectés, la règle de l'unicité de caisse étant devenu le paravent des gabegies budgétaires.Eta.jpg

L'urgence première serait aussi de créer une Agence d'éradication des "machins" à savoir la myriade de commissions, sous commissions, observatoires, missions,… planques juteuses pour amis politiques. Certes quelques-unes sont utiles et il serait normal de les maintenir. Mais les autres disparaitraient selon le spoils système anglo-saxon avec l'obligation de ne pas en créer de nouvelles… pour les nouveaux copains. On y gagnerait beaucoup en dizaines de millions mais aussi en déontologie opposable aux électeurs. Si l'on en croit Le Canard enchaîné, la politisation de ces "fromages" descendrait donc jusqu'aux chefs de bureau, ce qui fait quand même du monde.
L'urgence seconde pourrait consister à réhabiliter les contrôles qui, quoiqu'on dise, sont vitaux pour l'économie de marché saine. Contrôle du travail, contrôle de la concurrence, de la qualité, contrôle des filières,… de façon massive, argumentée et sanctionnée soit à reconstruire les administrations que l'on a vidé de leur substance progressivement. Bentham déjà a su dégager la fonction unique et essentielle des pouvoirs de contrôle: discipliner en maintenant constamment réelle et tangible la menace de sanction. (Z. Bauman. Le coût humain de la mondialisation. Pluriel 2011)
Regimber consiste donc à durcir les règles (pas forcément les lois) d'exercice des professions quelles quel soient (commerçants, médecins, dentistes, enseignants, juges,..) publiques ou privées, et de vérifier l'application de ces règles. Durcir les garde-fous européens qui garantiraient un plancher social infranchissable. En effet, "Le masque – du moins ce qu’il en restait – est tombé : on connaît les réelles intentions des maîtres des « marchés ». Les peuples doivent subir bon gré mal gré les mesures d’austérité et de démantèlement de l’Etat social, leur expression compte pour du beurre et le politique doit s’effacer devant le financier"**. Que l'on ne s'y trompe pas, il y a une rigueur mortifère découlant de l'austérité néolibérale et une rigueur régénératrice des valeurs démocratiques. Le monde que j'appelle n'est point un univers carcéral, loin de moi cette idée, mais un espace équilibré de relations normales entre gens de bonne volonté réciproque. Car les économies périssent de leur laxisme (cf Grèce), les démocraties de leurs démissions, les républiques de leurs renoncements.
L’espoir réside dans l'action d'une gauche radicale et démocratique qui commence à s’étendre en Europe. Elle peut servir d’aiguillon pour vaincre la timidité d’une social-démocratie timorée. Le risque réside dans la tendance hégémonique de cette dernière, grisée par ses succès, sans analyser qu'ils sont plus suscités par le rejet sarkozien que l'adhésion enthousiaste. "Mais cette action, me semble-t-il, ne serait pas vaine si elle pouvait seulement contribuer à renouveler, au contact de ces problèmes actuels, le sens et la portée des questions que l'homme se pose depuis fort longtemps à propos de la fragile possibilité pour lui de prendre en main son destin collectif et d'affirmer par là une liberté incertaine et toujours menacée de se dégrader dans une figure nouvelle d'une indéfinissable nécessité historique". « L’arrière-fond philosophique du concept de plan  Maurice Lagueux Philosophiques, vol. 1, n° 1, 1974"


* parabole de CLERC, Olivier. La grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite... et autres leçons de vie, Éd. Marabout, 2008
**Entre parenthèses. Pierre Verhas. http://uranopole.over-blog.com 18 mai 2012

Les commentaires sont fermés.