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04/09/2012

LA TOURNÉE DES PATRONS

Il me souvient que lors d'une thèse sur le Yemen (peut être, ne n'en jurerais pas), j'avais appris que le système politique pratiqué était une démocratie clanique. Comme le pays en question était structuré autour de clans puissants, il avait été décidé constitutionnellement que chaque clan accèderait successivement au pouvoir pour deux (ou trois) ans. J'avais trouvé ce système à la fois extrêmement cynique et lucide. Tout clan "profitait" ainsi du pouvoir, mais seulement dans le temps imparti et "pas trop" afin de ne pas mettre le principe en péril. Les bonnes âmes françaises républicaines gardiennes du tabernacle sacré de 1789 auraient hurlé au sacrilège!
Sauf que…
Aujourd'hui les socialistes, privés du pouvoir depuis l'échec de Jospin se goinfrent comme s'étaient goinfrés les sarkozistes ces derniers cinq ans. Députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers généraux, conseillers municipaux, conseillers d'agglo (tous élus, j'en conviens), plus Conseil Économique et Social, plus commissions, plus cabinets, plus présidences de SEM, plus missions, plus commandes,… si ça ce n'est pas "yéménite" je suis inuit!
Ainsi Jouyet, Raffarin, Jospin, Lescure,…. pour ne citer que les plus connus, obtiennent des nominations juteuses. Et Pulvar, S. Agacinski, Bachelot! Dans cette région, pourtant à l'index des instances parisiennes, ils sont allé "ressusciter" Christine La zerge pour présider je ne sais quoi! Et maintenant Rebsamen qui se drape dans sa toge de sénateur pour déroger à la promesse de non cumul! J'hallucine comme dirait mon petit fils!piston.jpg
La démocratie exige des qualités nombreuses et rigoureuses. Hélas les "puissants" mutent: avant l'accession au pouvoir ils exigent, jurent, promettent,… pour muter dès l'élection gagnée et se vautrer dans le pire copinage. L'abus de position dominante ça pourrait s'appeler! Si Montesquieu reécrivait l'Esprit des lois, il serait sans doute amené à inclure deux autres pouvoirs à séparer: le pouvoir des médias et le pouvoir de nomination. Laissons de côté le premier, souvent illustré, pour aborder le second plus secret donc plus pernicieux. Le microcosme politique s'autopromeut sans vergogne, au risque d'une dérive oligarchique. Il préempte les fonctions et emplois rémunérateurs, confisquant massivement les rentes de situation.Vincent Nouzille dans "La République du copinage", a enquêté sur ces élites qui accaparent le pouvoir (Fayard 2011). Ce copinage se prolonge par le clientélisme (qui consiste, pour le détenteur d'une autorité, à accorder des avantages indus) et le pantouflage (migration d'un fonctionnaire du secteur public vers le secteur privé dans le même champ d'activité). La nébuleuse des connivences devient vite une bulle pléthorique et très coûteuse*.

Peut-on l'empêcher? Difficilement. François Hollande a proposé durant la campagne d'examiner les nominations majeures au Parlement. A mon avis il s'agit d'une fausse bonne idée. D’abord parce que les parlementaires ne sont pas forcément en dehors de l’élite française, la plupart faisant partie de l’establishment et des réseaux qui s'y meuvent. Mais surtout le fait de présenter les nominations au Parlement ouvre une porte dangereuse à la stricte politisation des candidatures (Maurice Bernard. L'Etat-Exemplaire : le pari impossible de la moralisation de nos élites. Atlantico. 29 avril 2012). La seule procédure qui serait un moindre mal consisterait, comme à Harvard  ou Cambridge, d' aborder le problème par la recherche de la meilleure personnalité, du meilleur candidat à l’échelle européenne en fonction de l’objectif de compétence et de profil défini. Ensuite un comité de sélection composé de personnalités indépendantes n’ayant pas d’attaches intéressées classerait les candidats.

Il s'avère nécessaire d'imaginer un système PRAGMATIQUE assurant un fonctionnement acceptable de la position politique dominante. La IVème République possèdait l'instabilité comme limitation, la Vème  République n'a prévu  aucun contre-feu, hormis la cohabitation. Et que l'on ne nous parle pas d'éthique! qui serait inhrente à la gauche! Cette éthique institutionnelle est celle qui devrait présider au fonctionnement de tous les systèmes sociaux, économique, politique, culturel, familial et sans laquelle aucun ne pourrait opérer. Mais on ne peut l’isoler de l’éthique  courante de la vie réelle. Déjà Socrate et à sa suite Adam Smith, puis Levinas relevaient qu’il existait une éthique des bandes de voleurs. Il y a aussi celle de la mafia, sans parler de l’éthique interne du capitalisme (contre la corruption ou le manque de concurrence)**. Cette éthique du politique à laquelle nous aspirons demande, à la fois, des idées neuves et de touiller dans le côté obscur des individus. Etre moderne et bricoler dans l'incurable comme dirait Cioran!

Mais, attendons que la commission Jospin chargée du problème de la moralisation de la vie politique, d'abord aborde le sujet et, le cas échéant, nous livre ses conclusions originales. Espérons ardemment qu'elles soient convaincantes car l'opinion - et surtout celle qui s'affronte au déficit d'emploi et de rémunération - ne fera plus longtemps grâce à cette démocratie abusant du pouvoir de copinage.

* nous n'avons pas abordé le conflit d'intérêt qui est "hors la loi"

** F. HOUTART. Relier l’immédiatement possible à l’utopie. POLITIQUE, revue de débats, N°50.


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