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25/01/2013

TOUT N’EST PAS FOUTU !

Je ne suis pas fana du rugby actuel. Pas comme ancien combattant usant et mésusant du « A notre époque… ». Mais comme un gastronome se trouve décontenancé de la nouvelle cuisine, de ses saveurs étranges, de ses couleurs improbables, de ses finalités mercantiles. Je suis du temps des maillots rayés, des mornifles et des banquets pantagruéliques, des troisièmes mi-temps plus dures que les matchs ! Avec comme arrière goût de l’actualité, l’inquiétude des muscles qui gonflent comme des soufflets, des cervelles qui s’étiolent au rythme d’une monoculture envahissante,…

Eh bien, il faut que je vous dise, tout n’est pas foutu ! Samedi, dans le stade au nom hiératique d’Yves Du Manoir, quelque chose m’a rasséréné, quelque chose qui montre que le rugby n’a pas encore dégringolé dans « la zone » footballistique. Une équipe, certes bariolée quant au maillot et aux nations représentées, a rendu hommage « à l’ancienne ».

Le symbole référentiel de cet hommage s’appelle Eric Bechu, emporté par un mal implacable, au milieu de sa troisième année montpelliéraine en tant qu’entraineur. Je ne connaissais pas personnellement l’homme mais ce que j’en entends m’incite à l’imaginer roboratif et doux, paysan et cultivé, coléreux et affable, toulousain pour le rugby, ariègeois pour le cœur. Un ours en survet révélant un léger embonpoint, arpentant les touches, brassègeant pour exprimer ses sentiments, grommelant dans sa barbe de trois jours (pour l’influx !) son analyse de l’arbitrage. Un entraineur, quoi, pas un coach ! De ceux qui « vivent dedans », y pensent le jour et la nuit, qui inlassablement tentent de faire entrer dans les fronts un peu obtus des stratégies et des postures. De ceux pour qui le rugby c’est la guerre, mais au sens de la sublimation d’une violence contenue. Une violence (qualité de ce qui agit avec force dit le Littré) juste utile à la qualité d’un sport d’expression plutôt que le spectacle exagérément "clean" qui opte pour le refoulement de ladite violence (Dis, Sigmund pourquoi tu tousses ?) . De ceux que les petites dames blondes qui illustrent les mi-temps à la télé n’aiment pas trop questionner craignant le dérapage !

bechPeint.jpgCe symbole donc, les rugbymans du Clapas l’ont honoré, respecté, fécondé.

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Honoré, bien sûr, tenues blanches, draps, minute d’applaudissements, phrases souvenirs ci et là, larmes écrasées… Sans affectation, sans outrance, sans ostentation. Pas de tartufferie de mise en scène déplacée dans un stade.

Respecté surtout. Dans un match que tous les « experts » de studios disaient perdu, les bleus et blancs (qui en fait étaient bleu marine !) par la foi du jeu respectueux des fondamentaux (pousser, plaquer, porter le ballon au delà,…) sont sortis vainqueurs. Le rugby pratiqué dans sa vérité, dans son intimité d’affinités indicibles, le rugby formant un cercle de famille resserré autour d’un objet commun : l’honneur du champ de bataille. Les gens de la rade, ceux de Besagne comme dirait le prolixe Herrero (le chantre, pas le forward), débordés par ce supplément d’entrailles, médusés par la force qui renverse les colosses ultramarins, ont plié. Sans conteste possible.

Fécondé enfin. Oui fécondé, puisque l’espoir premier des entraineurs dont je fus, reste de transmettre les ficelles magiques de ce jeu complexe dont une grande part vient de l’intérieur. Mais avec le désir supplétif que le message soit  dépassé, transgressé, fécondé. Les sorciers de vestiaire possèdent cette capacité de semer les graines de la réussite collective, strictement collective.

Voilà, un samedi maussade de deuil qui masquait une trouée délectable de dramaturgie sportive. Telle une faena d’anthologie sous un ciel de fin du monde qui vous réconcilie avec la corrida.

Alors, les petits, pour parodier Roger Couderc, tout n’est pas foutu ! Le rugby n’est pas (encore ?) tombé dans l’enfer du foot. Même si vous abordez les mêmes casques autistiques, les coupes de cheveux loubardes, les tatouages obstensibles, les mêmes suffisances, même si vous jouez à l’inculture snobinarde et au jargon ésotérique des têtes creuses, même si vous possédez tous des «agents »  comptables de millions,…*, je vous supplie « de ne jamais faire en sorte que vos supporters aient honte de vous et d'eux-mêmes. De vous parce que vous seriez les hérauts de l'inculture. D'eux-mêmes parce qu'ils concluraient qu'ils ont, par leur négligence, encouragé et élevé étourdiment un déni de civilisation. ».

Merci, ombre d’Eric Bechu d’avoir contribué à rappeler les arcanes du sport roi. Ta mort se mue, quelque part, en sacrifice.

 

* Pour bien aller, évitez aussi les produits pharmaceutiques douteux, les entraineuses mineures, les comptoirs de paris en ligne, les grèves surprises, les gros mots médiatisés.

Commentaires

C 'est un plaisir de vous lire . Votre style est "goûteux " , il a de la moelle et de l'os aussi . Il est chaleureux et documenté .Vous devriez vous lancer dans l' écriture d' un bouquin sur ces sujets rugbystiques et régionaux .
C 'est toujours avec impatience que j' attends vos chroniques .

Écrit par : vidal jm | 29/01/2013

Un bouquin ?? Très bonne idée ! Ayant eu le privilège, il y a quelques années, d'en lire des prémices... je ne peux que t'encourager ! Sur tous les sujets qui nous unissent mais pas l'Economie !
Bise

Écrit par : valerie | 30/01/2013

Merci pour vos encouragements!
Bientôt peut être...

Écrit par : reboussié | 01/02/2013

Les commentaires sont fermés.