30/07/2018
LE SYNDROME DU KAKOU
Faire le kakou consiste à se prendre pour un chef, mépriser les autres de façon ostentatoire et surtout illégitime. Jusqu'au moment où le masque tombe souvent piteusement.
J'ai souvenir dans ma jeunesse biterroise d'avoir subi les moqueries harcelantes du kakou de l'école Mairan qui faisait peur à toute la cour de récré. Il avait comme de bien entendu un entourage d'admirateurs qui l'adulaient et qui épousaient ses actions. Comme je venais du fond de l'Aude et, en tant que tel, roulait les r puissamment, cela motivait les lazzis harcelants et insultants dudit kakou. J'en ai souffert longtemps jusqu'à n'en plus dormir. Jusqu'au moment où, après des jours de motivations, j'ai osé aller au sacrifice et "rentrer dans le lard" du tortionnaire. Et là, contre toute attente, je lui ai mis une raclée mémorable car le fameux kakou n'avait que de la façade. Un tigre de papier comme disait Mao.
Si je vous raconte cette anecdote personnelle c'est que je trouve que l'on apprend trop, dans tous les domaines à devenir ce type de roitelet flagorneur!! Et, d'un autre côté, beaucoup de gens ont tendance à accepter cette tyrannie indue.
Dans les grandes écoles et en particulier à l'ENA, on enseigne le rôle de kakou administratif ou politique. Dans les banlieues chaudes aussi, selon d'autres arcanes, on apprend à devenir kakou de bande. En entreprise encore, kakou manager, mais là, la durée ne tient qu'aux résultats qui accréditent ou non la morgue de l'impétrant premier de cordée. Dans l'armée, bien sûr, où on vous convainc que vous êtes le plus fort, celui qui a le plus raison*… En sport, en médecine, en science,…
Pour avoir travaillé dans ces écoles destinées à forger des cadres "de haut niveau" je peux vous témoigner que les élèves reçoivent des tonnes de "messages positifs" sur leur ego, ainsi que de nombreuses techniques de manipulation des autres. Encore une anecdote perso: ayant remplacé au pied levé un collègue dans une école de management réputée, en tant qu'économiste, il m'arrivait de temps à autre de devoir citer Marx. Alors, je recevais une huée de l'amphi comme s'il s'agissait d'une grossièreté, voire d'une insulte. Ayant tenté d'expliquer qu'il était utile de balayer tout le champ théorique, il me fut répliqué "Nous sommes les futures élites, nous n'avons pas besoin de ces sornettes!". Le pli était donné et toute tentative vouée à l'échec! Dont acte!
Vous vous demandez quel chemin je suis, et pour aboutir où? Ou alors vous avez vite compris que j'essaie de d'aborder la cas d'Alexandre B. par la bande.
L'Alexandre représente un kakou "ordinaire" boosté à la salle de musculation et aux Ray Ban. Avec un niveau intellectuel correct apte à comprendre les "enjeux situationnels risqués". La population de ce type doit approcher le million d'individus en Gaule.
Ledit kakou s'est pris d'admiration pour un "super kakou" (Emmanuel Macron) et s'est glissé dans son orbite. Qui se ressemble s'assemble et les deux ont fait la paire. Sauf que, le naturel revenant au galop, il fallut à A.B. exercer sa kakoutise hors des limites admises… ce qui a projeté le super et le banal dans la mouïse! Le super sur-jouant son jeu d'intouchable a méprisé l'affaire, méprisant en même temps les ayants droits, c'est à dire les électeurs et leurs représentants députés-sénateurs. Applaudi et soutenu sans rechigner par la cour qui s'est créée autour de lui. Allant même à employer la langue du kakou de base au coin d'un terrain vague: "Qu'ils viennent me chercher!" pour défier son opposition.
J'ai déjà parlé des narcissiques pervers** et Emmanuel en représente l'échantillon type. Son nombrilisme le porte à parader dans les enceintes allégoriques, ou auprès des puissants pour en extraire un "renforcement de façade", serrant puissamment les mains, tapant dans le dos,… des Trump, Poutine et autres papes. Et évidemment à mépriser toutes les sources de critiques: presse, justice, élus, syndicats,… Avec, pour couronner le tout, une puissance de déni exceptionnelle qui fait que c'est toujours l'"Autre-critique" qui a tort ou qui cherche à nuire. Il pratique le déni de la différence (nous devons penser, agir, réagir, comme lui, pas comme avant), déni de la consistance de l’opposition, déni de la loi même, lorsqu'elle le gêne.
Cette posture lui est autorisée par le système de la Vème République que De Gaulle a voulu plus que présidentiel – monarchique – sitôt que la majorité des députés et sénateurs se trouve majoritairement en sa faveur. Fonctionnement facilité permettant notamment de légiférer selon ses goûts (et intérêts) sans trop de mal, en mettant en avant sa légitimité élective. Quoiqu'élection ne veuille pas dire blanc seing! Du moins dans une démocratie réelle, où la controverse reste vivace et source de régulation modératrice. Sinon on risque des avatars du style hitlérien, stalinien, maoïste,…!
Voilà donc établie en France la république des kakous, dont la marche ne saurait être entravée par la discussion, le débat et surtout la critique (constructive).
L'affaire Benalla n'a d'autre intérêt que la révélation qu'un pouvoir érigé en raison dominante, cassant, brisant,… à marche forcée. Macron semble trouver fastidieux d’avoir à discuter avec des administrations très « vieux monde », pas assez startupisées. C'est mieux pour l'image d'un kakou-président de posséder un secret service à l’américaine, qui ferait appel à de nombreux sous-traitants privés et dont les membres seraient des kakous hyper soumis et muets comme des énuques de harems.
Mais, à l'instar des vrais kakous, E. Macron n'a pas le pouvoir qu'il veut bien se donner. On l'a vérifié dans son action internationale dans laquelle sa voix s'est délitée à grande vitesse tant vis à vis de Trump que de Poutine ou Merkel… voire les dirigeants populistes italo-balkaniens. Il n'est qu'un tigre de papier comme le décrit de façon cynique J. Attali dans un interview datant de 2016***: il y affirme que le président de la République n'a plus de pouvoir, beaucoup moins que les français ne le croient du fait des marchés, de la mondialisation, de l'Europe, de l'euro,…
E. Macron n'a plus que la piètre mission de favoriser (ou de freiner) ce torrent tumultueux qui mène le Monde. Son message (projet?) majeur s'inscrit dans la privatisation et la réduction du déficit justifiant des coupes budgétaires mesquines ou inappropriées, des ventes de biens publics tout a fait discutables, des transferts de pouvoir d'achat unilatéraux,… Comme si un équilibre budgétaire faisait un pays stable et florissant, en bonne santé et en bonne humeur!****
Au bout du bout Macron ne peut que se prévaloir de précipiter la France dans ce tourbillon en jetant par dessus bord un modèle français qui ne mériterait que d'être amendé avec lucidité dans les interstices laissés encore libres. Sacrifier au marché la santé, l'école, la sécurité, le rapport travail/loisir,… constitue une promesse d'avenir peu réjouissante à mon sens.
Le kakou de l'Élysée enfermé dans son cercle de laudateurs-godillots s'est coupé des intellectuels car il se prend (aussi) pour l'ultime philosophe de la modernité et ne sauraient écouter des discours qui n'épouseraient pas exactement les siens. Il se coupe progressivement des élus territoriaux qu'il méprise ostensiblement, des associations (syndicats, corporations,…) sitôt qu'elles revendiquent.
Les contre feux que constituaient les fous du roi (presse humoristique), les partis et un turn over fréquent (cf IVème République) ont disparu laissant le champ libre au détenteur présidentiel. Apparemment.
L'affaire Alexandre B. possède l'immense avantage de montrer la fragilité des kakous face à une opinion qui, brusquement, se coagule négativement… comme elle s'est, un jour, coagulé favorablement.
Il faut se rappeler de la cour de l'école Mairan!
* Le héros de Trèbes ne s'est-il pas un peu pris pour un kakou, comme l'analyse fine des faits semble l'indiquer aujourd'hui?
** Note du 29/04/2016 "PRAXIS TOXIQUE EN POLITIQUE". Sur le sujet voir le bouquin du marsillarguois Jean-Charles BOUCHOUX.Les pervers narcissiques Poche –2014
*** (https://www.youtube.com/watch?v=k40RpYZlvkQ)
**** Le lecteur pourra vérifier l'inanité de cette mythologie du déficit budgétaire, dont Macron-Lemaire nous abreuve dans l'article de l'iconoclaste: http://econoclaste.org.free.fr/econoclaste/?p=6197
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