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18/10/2018

TANGO DE MUERTE

Si nous poussons un peu notre allégorie pédagogique de l’accordéon*, intéressons-nous à la production musicale. Si la chose parait évidente concernant un instrument, cette dimension reste problématique pour l’économie nationale et internationale. Jouer de la musique se traduit alors par choisir un registre d’expression soit, en d’autres termes, la finalité de l’action.

Historiquement, au début (on rappelle que l’économie est apparue à la fin du 18ème siècle) le thème de référence s’appelle le welfare (en anglais), le bien être (en français). L’accordéon joue alors des séquences qui rendent les individus plus heureux en améliorant les besoins fondamentaux, les besoins de confort et de culture. La positivité du bilan s’avère alors incontestable. La santé progresse, la culture se généralise,... le bien commun s’étend qualitativement et quantitativement. Puis, dans une prise de conscience de certains (les luddites, ceux qui cassent les machines supposées supprimer des emplois) le qualitatif apparait moins incontestable et le partage du progrès (la répartition) plus inégal. Le processus se poursuit bon gré, mal gré, jusqu’au Club de Rome qui représente la première grande contestation formalisée (chiffrée) de la balance des profits et des pertes du modèle de croissance des pays avancés. Le Club de Rome publiait en 1972 son célèbre rapport (surnommé «Halte à la croissance», dit Rapport Meadows, du nom de son principal rédacteur) . Pour la première fois, un modèle systémique du Monde avait été mis sur les ordinateurs du fameux Massachusetts Institute of Technology (MIT) afin de simuler l’interaction des différentes variables retenues et dessiner ainsi "ce qui avait des chances s’arriver ceteris paribus".  Celui-ci donnait soixante ans au système économique mondial pour s'effondrer.

L’alerte appelant à jouer une autre musique, à faire en sorte que les nuisances mises en exergue (surpopulation, épuisement des ressources, pollution,...) trouvent des limites ou soient mieux maitrisées, ne fut pas entendue. De toutes parts les critiques contestèrent telle ou telle variable, telle ou telle hypothèse, tel ou tel paramètre pour dénoncer le pessimisme exagéré du modèle. Les chercheurs se remirent donc à l’ouvrage pour sortir en 1974 "Stratégie pour demain", 2e rapport du à  Mesarovic et Pestel tout aussi inquiétant. Mais comme il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, on se dépêcha d’enterrer les deux avertissements majeurs.

Toutefois la fin des trente glorieuses se dessinait. Un bruit parasitait la musique un peu comme un effet Larsen. Il s’agissait de l’inflation. Mais, comme il existait encore une certaine latitude, on agitait le soufflet alternativement d’un côté puis de l’autre. Le stop and go résultant fit gagner quelques années, mais les choses empiraient malgré les subterfuges monétaires et autres inventions technocratiques (non convertibilité du dollar, serpent, ecu, montants compensatoires,…)

La musique produite devint de plus en plus cacophonique jusqu’à la fameuse crise des subprimes (2008) et le transfert de la dette bancaire en dette souveraine. Comme toujours, pour masquer la dérive musicale, on inventa un leurre. L’écologie apparut comme une défausse, soit quelque chose dont on parle beaucoup sans faire grand’ chose. Les phrases enflammées prononcées du haut des estrades, des ministères dédiés (mais sans moyens), des conférences coûteuses mais sans suite (Kyoto,…).

A ce jour l’accordéon s’avère un outil budgétaire désuet, alors que les problèmes environnementaux négligés depuis le Club de Rome, s’inscrivent en risques majeurs. Pourtant le budget reste l’acte majeur des gouvernances, celui sur lequel on juge la gestion, globale (équilibre ou non), diversifiée ensuite (dotation des différentes actions). Le verdict de Bruxelles concernant le budget de l’Italie illustre ce propos. Mais est-ce à dire que l’U.E. représenterait un modèle budgétaire de référence?

En Europe on a constitué un orchestre d’accordéons hétéroclites mais sans chef d’orchestre et sans harmonisation, ce qui aboutit à des prestations parfois pires que si chacun jouait en solo. Existe seulement une "boite à sons", la BCE qui rajoute un fonds sur la musique jouée par chaque concertiste.


Voilà à peu près le montage qui nous gère. Qu’en penser?

Il semble à peu près certain qu’une grave crise financière éclatera bientôt afin de tenter de crever les bulles toxiques qui empoisonnent les relations internationales. Il est acquis que les USA joue une partition imposée par Trump "América first", que la GB ne sait plus vraiment dans quelle formation elle s’inscrit. Que les mouvements contestataires montent un peu partout dans nos campagnes et qu’il arrive bon gré mal gré des vagues de migrants qui posent des difficultés aux gouvernements en place. Le GEIC joue la même partition que le Club de Rome avec le même mépris en retour. 

Pourtant, le bal de l’économie libérale s’achève et il faut ramasser les bouses! Le réchauffement climatique, la pollution des océans et des rivières, le démantèlement des bombes potentielles que sont les vieilles centrales nucléaires, les migrations massives, la chimisation de l’alimentation, la biodiversité, la disparition massive des insectes et donc des oiseaux…. Il faut arrêter d’évoquer la responsabilité des autres comme nous le faisons depuis un demi siècle. Il faut jouer une musique puissante et efficace pour, enfin, traiter les problèmes majeurs sans feindre d’inviter des pipeaux avec l’uniforme de ministre de l’écologie et le budget d’une ville de province. L’écologie ne doit pas se situer à part, comme un joueur exécutant sa propre partition et dominé lors de chaque intervention par les cuivres puissants des lobbies (agriculture, agroalimentaire, nucléaire, chimie, automobile,…). Le traitement du problème doit se situer dans chaque décision, dans n’importe quel domaine comme il sied à un problème systémique.

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Car on sait ce que nous devons faire, ce que font paradoxalement les chinois qui ont compris le défi. L’empire du milieu a désormais pris conscience du tournant à accomplir et a déjà entamé sa transition. L’urgence de cette vision/action entame profondément le déroulement du monde actuel, de ses idées, de ses valeurs, de ses courages ou faiblesses. Tant des individus confinés dans leur individualité que les gouvernements trop impliqués dans le vieux réseaux immuables. A ce titre j’ai bien peur que la nécessité ne soit imposée. 

Soit par la force de dictatures sorties de nulle part mais traitant ainsi - et comme toujours - les problèmes de fond laissés en jachère, soit par un séisme majeur (explosion d’une centrale nucléaire avec réaction en chaîne). C’est l’avis de personnalités que je respecte et qui vont de l’expert Paul Jaurion au chevelu Aurélien Barrau. "Vous qui entrez ici perdez toute espérance" disait Dante dans sa comédie pour décrire les enfers.

Et si l’accordéon égrenait un tango de muerte?

* voir note précédente

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