18/09/2018
MÉTAPHORE DE L'ACCORDÉON
De temps à autre il convient de faire un peu de pédagogie... de la vraie. En effet nos chers medias et les pseudos économistes qui s’y expriment soit compliquent exagérément leur propos pour se donner raison, soit les simplifient outrageusement dans le même but.
Alors, asseyez-vous dans le poste de pilotage d'une l’économie, disons gauloise. (On parle ici du budget de l’État hors des entreprises privées. On parle des dépenses, sachant que les recettes résulteront essentiellement des impôts et taxes qui sont presque intouchables hormis dans la baisse).
En fait la métaphore de ce pilotage peut se résumer à un accordéon!
Première contrainte à connaitre, l’accordéon s’avère un peu (beaucoup!) bloqué dans son expansion d’une part par la faible croissance observée depuis plusieurs années, d’autre part par l’impératif des 3% de déficit édictés par Bruxelles. Avant, on pouvait donner de l’air à l’instrument grâce à l’amplitude de la croissance et grâce à l’emprunt à la banque centrale du pays. Mais cette facilité n’a plus cours. Pas plus que l'inflation qui créait de l'air virtuel.
Il existe bien un palliatif à cette limitation: vendre des morceaux du patrimoine (châteaux, autoroutes, aéroports,...). Certains s'y essaient.
Ceci étant, décrivons l'instrument et son usage.
D’un côté, main gauche, des touches type piano; de l’autre, main droite, des boutons. Nous dirons que les touches représentent les investissements et les boutons les fonctionnements.
Intéressons-nous d’abord aux investissements. Pourquoi plusieurs touches? Parce qu’il existe plusieurs investissement possibles:
- les investissement de remplacement qui comme leur nom l’indique servent à remplacer le capital technique (machines, locaux, infrastructures...) usé ou obsolète.
- les investissements de développement qui servent à accroitre la capacité de production à technologie quasiment semblable.
- les investissements d’innovation qui créent de nouvelles formes de production (robots, I.A., machines numériques,...)
- les investissements immatériels permettant d’améliorer la productivité des catégories précédentes (compétences des R.H., techniques de management, systèmes de rémunération, écologie,...)
Ces investissements se développent dans tous les secteurs de la sphère étatique: défense, énergie, éducation, santé,…
En second lieu existent les boutons actionnant le fonctionnement. Soit:
- les salaires des fonctionnaires et contractuels du secteur public (État, Collectivités, Hôpitaux)
- les consommables (détruits par le premier usage) utilisés par les processus de fabrication des produits et services rendus (papier des imprimés, essence des véhicules ou avions de service ou de fonction, encre des imprimantes, traiteurs des réceptions,…)
- les transferts permettant de verser des revenus non liés à la production (chômage, retraites, assistances diverses,...)
Bon vous avez l’instrument en main, et maintenant JOUEZ !
D’abord de quel côté allez vous pousser le soufflet? Privilégier les investissements ou les fonctionnements? Rappelez-vous que la latitude est faible à cause des fameux 3%!Disons que si vous êtes plutôt "socialiste" vous allez favoriser les boutons. A moins qu’à l’instar des derniers socios au pouvoir vous vous contre fassiez pour soit disant montrer votre aptitude à réguler! Si vous êtes plutôt libéral vous allez donner plus du côté touches.
Mais, comme il n’existe quasiment pas de "mou" il va falloir pomper les ressources sur l’autre côté: sur les investissements pour les socios, sur les fonctionnements pour les libéraux.
Dans ce dernier cas, vous allez (sans doute) trouver qu’il y a trop de fonctionnaires, trop de transferts, trop de pansement dans les hôpitaux, trop de cahiers dans les écoles,... et serrer la vis pour abonder vers l’investissement. A ce stade, vous dites que les dépenses de remplacement, ce n’est pas brillant, ni valorisant. On inaugure peu les réfections de morceaux de route ou le rafraichissement d'un commissariat de province. Vous pensez aussi que l’innovation c’est cher et ça met du temps à porter ses fruits. Tout comme les investissements immatériels qui ne se voient pas concrètement. Et puis, vous vous dites que le privé se chargera de ces actions! Résultat vous optez massivement pour le développement permettant de couper des rubans, de faire des articles dans les journaux et des passages dans les JT.
Dans le cas des socios, vous allez mettre une pincée aux salaires des fonctionnaires, embaucher quelques fonctionnaires et/ou quelques contractuels là où ils manquent cruellement. Vous allez améliorer certains transferts afin de lutter contre l’inégalité.... Et il ne restera pas grand chose pour l’investissement. Alors, comme vous aussi vous avez envie d’être réélus vous oublierez le remplacement, l’innovation et l’immatériel (vous restez un chouia marxistes!) pour tabler sur le développement.
Dans les deux cas on a fait l’impasse en grande partie sur le remplacement et la maintenance pour faire durer l’existant. Dans la vraie vie on vérifie la chose par l’état des routes, des bâtiments administratifs (l’Université Paris VIII ressemble plus à un squatt qu’à une faculté), les hôpitaux ruraux... Le pont de Gênes pourrait s’avérer également un avatar du manque d’entretien.
On a également sacrifié (même si le discours à masqué les faits) les investissements innovants par exemple les énergies nouvelles, le numérique ou les avancées écologiques.
Enfin, l’immatériel reste ce "machin" que l’on néglige depuis une trentaine d’années. La formation des jeunes, le " savoir-faire ", l’intelligence et tout ce qui en découle quant à la qualité du management, la compétence des ouvriers, la satisfaction des groupes sociaux, en un mot la contingence qui fertilise toutes les autres actions. La contingence qui crée cette ambiance favorable à l'épanouissement des hommes et des économies.
Dans la métaphore de l’accordéon, la contingence peut se représenter par votre capacité d'interprétation artistique, par la sonorité de la salle où vous jouez, la qualité et la fidélité des amplificateurs qui diffuseront votre musique, le cas échéant, les partenaires qui feront harmonie…
Enfin comme vous êtes une personne d'aujourd'hui vous allez user (et abuser) de la fameuse communication afin de masquer la précarité de ce que vous avez décidé ci-avant, en tentant de convaincre les auditeurs que vous êtes au niveau de Y. Horner, Aimable ou Piazzola. C'est la pratique du storytelling qui vise, via les médias de masse, à amener les gens à penser d’eux-mêmes, comme sous l’effet d’une décision volontaire et autonome, ce qu’on désire leur voir penser.
Lorsque vous ne pouvez (ou ne voulez) faire, il faut trouver des défausses crédibles. Dans l'ordre des moyens, le marché représente la défausse la plus couramment utilisée actuellement. "On ne peut pas car le marché ne le permettrait pas", "la concurrence!...". Ensuite, toutes les organisations supranationales (UE en premier), la franc-maçonnerie, les musulmans, les juifs, les communistes, les populistes, les médias, les syndicats, les migrants,… peuvent vous fournir selon les thèmes et les moments des boucs émissaires utiles. Des serviteurs zélés (chauves et cravatés) feront pour vous à la télé du greenwashing (écoblanchiment en français) expliquant tout l'intérêt de choses sans intérêt (80 Km/h par exemple). Vous même vous communiquerez selon deux modes contrastés. Le premier consiste en micro messages (twitts) destinés à agir par harcèlement afin de donner une version avant que les autres ne le fassent en allant jusqu'aux fake news… démentis ensuite. Le second, au contraire, réside dans de longs discours creux censés "donner du sens"… à une action qui n'en possède pas vraiment.
Votre seul et unique but sera le maintien en continu d'un degré d'inéquité acceptable par l'opinion tout en favorisant la part dudit opinion qui vous soutient. En prêchant (en vain) pour que ces derniers (les premiers de cordée) consentent à aider spontanément les pauvres derniers désencordés.
Oh, il y aurait sans doute une voie drastique pour retrouver l'équilibre: contracter l'ensemble de l'économie, pardon de l'instrument. Faire de l'accordéon un bandonéon! Une sorte d'accordéon grec! Mais qui veut cela sans y être forcément (au sens premier) obligé? Et ce sacrifice pour jouer quoi?
Voilà! Je vous assure que vous avez là les arcanes de la régulation d'un pays par le budget.
18:26 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Je ne vois pas ce que vous avez contre les chauves , cravatés ou non !!!
Écrit par : burro calvo | 20/09/2018
Il fallait que je trouve un élément distinctif pour la personne à qui je faisais allusion! Et que vous avez reconnue.
Je n'ai absolument rien contre le "calvo"!
Écrit par : Rebrousse | 21/09/2018
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