23/04/2020
ÉCLAIRAGE RÉTROSPECTIF
J'ai beaucoup de mal à m'exprimer en ces temps de pandémie!
En premier lieu par décence, ne voulant pas me mettre en exergue de façon opportune. Par modération aussi ne voulant pas exprimer toute mon aigreur historique.
Pourtant voilà bientôt cinquante ans que je tente d'exister dans la "tribu" des économistes hétérodoxes, sous le mépris des orthodoxes dispensateurs de la doxa libérale, voire néo-libérale. Déjà en 1973, dans une thèse qui possédait toutes les insuffisances liées à l'exercice, j'introduisais le concept de croissance contingente, soit un développement économique enchâssé dialectiquement dans la société environnante. Ensuite et de façon constante, appuyé sur la méthode systémique, je suis resté fidèle à cette vision Politique de l'économie, politique avec un grand P, c'est-à-dire qu'il est faux de faire de ladite économie une science endogène n'ayant d'autre régulation que le marché. Les choix économiques sont (doivent être) les produits de la décision politique car ils modèlent la matérialité du futur et donc, à ce titre, doivent se prendre à l'aune d'une projection assumée de ce futur. Assumée par qui, comment, en fonction de quel horizon?... si cela ne relève pas de la Politique nous livrons notre avenir au hasard ou à l'emprise de groupes d'une puissance supérieure notoire (fascisme) ou insidieuse (technologie, finance). A ce stade seul l'outil plan permet de faire partager les choix d'avenir et les chemins qui peuvent y conduire et de la qualité de cet outil dépend la conduite démocratique des affaires. La France possédait dans les années 1966-1970 un outil planificateur que le monde entier prenait pour la référence. Un plan qui s'intitulait "de développement économique et social" et qui se réputait "indicatif" pour faire pièce aux contempteurs l'assimilant au Gossplan. Hélas les libéraux (notamment Giscard) n'eurent de cesse que de le massacrer jusqu'à l'éradiquer.
Nous vivons, révélés par une pandémie mondiale brutale, les avatars de cette hérésie. Je ne dis pas que nous posséderions instantanément les ingrédients permettant de juguler cette crise, je dis qu'au moins, nous serions tous comptable de notre situation par le biais des choix que nous aurions sciemment faits et consignés dans le plan. En lieu et place nous avons progressivement laissé les marchés (de marchandises et de capitaux) se désenchâsser de la société pour vivre leur propre logique. Les Cassandre du Club de Rome furent raillées et largement occultées. L'exigence écologique qu'elles soulevaient en premier fut transformée en film de science fiction halluciné.
Cette folie libérale auto satisfaite ne pouvait tenir dans la durée. Si ne corona ne l'avait pas fait, le réchauffement climatique ou autre avatar "naturel" s'en serait chargé.
Ainsi, comme beaucoup de communs sociétaux, la santé a subi les fourches caudines de la broyeuse de l'économie faite de budgets et de coûts.
J'ai participé à des jurys de thèse, en économie de la santé, où il se disait doctement qu'il s'avérait non rentable d'opérer de tel cancer des personnes de tel âge, que tel médicament coûteux devait être réservé à tel type de patients,.. Cyniquement sous contrôle du marché-roi!
Voilà, je n'en dirai pas plus!
Je vous livre simplement un extrait du rapport de 2003 du Pr Raoult (consultable sur le web)* qui éclaire bien des choses:
"Notre préparation face à ces événements chaotiques (pandémies) est faible; ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que l’époque ne prête pas à la prévision d’événements catastrophistes (Cassandre est toujours ridicule !). Les besoins sociaux relayés par la presse sont des besoins immédiats ; ils répondent à des peurs spontanées qui sont rapidement chassées par d’autres peurs ou inquiétudes. Dans ces conditions, mettre en place un système qui permette d’éviter les conséquences dramatiques d’événements improbables et à long terme est extrêmement difficile. Il est même vraisemblable que cela soulèverait dans la presse des commentaires extrêmement négatifs dénonçant le catastrophisme, la paranoïa, voire le gaspillage. Pourtant, le coût des réactions en urgence est bien supérieur à celui de la prévention. ..
La même situation peut être observée au niveau des vaccinations. Le nombre d’opérateurs susceptibles de créer des vaccins est devenu actuellement extrêmement faible. Il est vraisemblable que nous allons bientôt arriver au paradoxe que la Science proposera des stratégies vaccinales thérapeutiques originales qui ne pourront pas être commercialisées faute d’opérateurs
L’Etat aura donc un rôle considérable à l’avenir car le marché est en train de se désengager de la bataille contre les maladies infectieuses"
Tout est dit!
Deux hypothèses pour l'après: soit les gens vont oublier rapidement et ILS vont colmater les brèches, placer quelques rustines, noyer le poisson et continuer comme ILS ont fait en 2008. Peut être en mettant un coup de greenwashing pour faire neuf. Soit la pression publique va exiger des changements profonds. En a-t-elle envie, en a-t-elle le pouvoir, en a-t-elle les leaders nécessaires?
Qui vivra verra!
*http://www2.cnrs.fr/sites/thema/fichier/bioterrorisme03.pdf?base=952&campaignId=22582&segmentId=22957&shootId=22121
11:01 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Bonjour ,
excellent article .
Mais faire du marché le régulateur ultime de toute décision économi-
que n'est-ce point déjà une POLITIQUE économique ?
Quant au rapport de 2003 du Pr Raoult les faits viennent malheureusement le
corroborer.
Et s'agissant de la polémique sur son traitement j'avoue ne pas comprendre ou trop comprendre :
pour l'instant il n'y A PAS de médicament . La chloroquine + l'antibiotique PRIS à TEMPS SEMBLENT améliorer l'état des malades, ne serait-ce qu'un pourcentage infime de patients. Est-il interdit de faire des essais randomisés ? Non à ma connaissance. Est-il interdit de faire des recherches pour trouver un médicament plus efficace ? Non. Est-il interdit de trouver un vaccin ?Non
Les malades guérissent spontanément à90 % . La chloro+ l'antibiotique pris suffisamment tôt porteraient ce pourcentage de guérison à 95%. Ce n'est pas significatif disent les détracteurs: qu'en pensent les 5%?
Oui mais les essais sont biaisés , oui sans doute : et en attendant le résultat des essais officiels que fait-on, on laisse mourir les gens ?
Espérer que la crise changera les comportements , sans doute y aura-t-il des conséquences , mais nous sommes trop drogués à la civilisation du supermarché et de la voiture pour changer spontanément , même si
l'informatisation , les algorithmes et les robots
vont révolutionner la société à moyen terme.
Portez vous bien
Écrit par : burrocalvo | 23/04/2020
J'ajoute après coup une précision ; Quand j'écris :"on laisse les gens mourir " il est évident pour moi que je ne vise pas les efforts hors du commun de tous les personnels hospitaliers et soignants qui sont sur la brèche avec un immense dévouement . Je voulais dire qu'il y avait une obligation de soigner et que si un traitement semblait donner des résultats ,pourquoi ne pas l'appliquer pour des raisons de rivalités , de chapelles , d'intérêts; Quitte à faire tout le nécessaire dans les formes réglementaires,en même temps , pendant et après..
Écrit par : burrocalvo | 23/04/2020
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