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07/03/2007

SUBVERSIFS

Jean Baudrillard est mort le même jour qu’Yvan Delporte. L’un était célèbre internationalement (même si son décès n’a fait que trois lignes en quatrième page dans « l’excellentttt » Midi Libre. L’autre pas ou peu connu, hors du cercle des amateurs de BD, et Midi Libre n’a rien dit.
Pourtant par des chemins différents ils ont contribué à décrypter la société occidentale moderne.
Le premier a été un épigone de Marcuse, Veblen, notamment, fustigeant une économie du signe, une société de consommation devenant progressivement une société de consumation comme dirait Georges Bataille. Sociologue-économiste-politologue décrivant l’hyperréalisme de notre société (le monde dans lequel nous vivons a été remplacé par une copie du monde, nous y recherchons des stimuli simulés et rien de plus) Baudrillard fait partie de ces chercheurs foisonnants qui ne savent pas tirer un fil sans que « tout vienne ». Et comme dans tout foisonnement il y a du bon et du moins bon, ses écrits ont suscité passions et controverses. Retenons simplement cette opinion qui s’avère d’une actualité brûlante :« La culture occidentale ne se maintient que du désir du reste du monde d'y accéder. Quand apparaît le moindre signe de refus, le moindre retrait de désir, non seulement elle perd toute supériorité, mais elle perd toute séduction à ses propres yeux. Or, c'est précisément tout ce qu'elle a à offrir de «mieux», les voitures, les écoles, les centres commerciaux, qui sont incendiés et mis à sac. Les maternelles! Justement tout ce par quoi l’on aimerait les (les «racailles» ) intégrer, les materner!... «Nique ta mère», c'est au fond leur slogan. Et plus on tentera de les materner, plus ils niqueront leur mère. Nous ferions bien de revoir notre psychologie humanitaire. Rien n'empêchera nos politiciens et nos intellectuels éclairés de considérer ces événements comme des incidents de parcours sur la voie d'une réconciliation démocratique de toutes les cultures. Tout porte à considérer au contraire que ce sont les phases successives d'une révolte qui n'est pas près de prendre fin. »

Yvan Delporte,lui, fut rédacteur en chef de Spirou à la grande époque des magazines de BD et il contribua à la création des Schtroumpfs, Valhardi, … et est surtout celui qui accueillit dans ce journal de notre jeunesse, Gaston Lagaffe, l'anti-héros imaginé par André Franquin. C'est lui qui baptisa du prénom de Gaston ce garçon de bureau lymphatique et pacifique, apparu au détour du journal le 28 février 1957 et qui lutte passivement contre la société dénoncée par Baudrillard.
medium_spirou-512-couverture-1948.2.jpg Communiquant aux pages de Spirou une bonne humeur contagieuse, voire un sens de la dérision à la limite de la causticité (toujours dans le registre, « je ne dis pas mais vous comprenez ! », il a créé des rubriques, participé à un courrier très interactif, "blog" avant la lettre, dudit journal. En 1977, il a été le responsable de l'éphémère et subversif supplément de Spirou "Le Trombone Illustré", devenu culte. S’il fallait être intellectuel pour croiser Jean Beaudrillard, la plupart d’entre nous, les plus de cinquante, ont forcément rencontré l'œuvre de Delporte qui nous a instillé par voie homéopathique, quand nous étions jeunes et hyperréceptifs, le regard critique sur notre monde, via le second voire le troisième degré.
Voilà, je voulais vous dire qu’ils nous manqueront !

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