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21/04/2008

DARWINISME ÉCONOMIQUE ET GACHIS

« Aucune récompense ne nous pardonnera d'avoir gâché l'aube ». R. Char

En France, entre 2005 et 2007 selon l'INSEE, on constate une dégradation durable des termes de l'échange (c’est-à-dire le prix des exportations par rapport au prix des importations) de notre commerce extérieur. Les exportations «made in France» ont vu leurs prix augmenter deux fois moins vite chaque année que ceux de nos importations.
Cette évolution des prix relatifs, qui nous est défavorable, nous est « vendue » comme source de nos difficultés et de la tendance inflationniste renaissante.
La réalité s’avère bien plus subtile. L’économie est un système d’interdépendances … complexes. Je vais essayer de le montrer.
Le tableau suivant décrit les conséquences d’une hausse et d’une baisse des importations et des exportations. Si nous vendons nos exportations 427985815.jpg(par exemple le champagne) plus cher, l’effet-richesse de l’entreprise exportatrice peut être utilisé soit en hausse des profits, soit en hausse des salaires au premier niveau de la répartition des « fruits » de l’échange. On pourrait ajouter, comme usage, la baisse du prix de vente du champagne à l’intérieur du territoire, ou l’investissement en amélioration (de la qualité ou de la quantité). Seule la hausse des salaires (ou la baisse de prix) s’avère directement créatrice de pouvoir d’achat. Certes, les bénéficiaires de profits sont également des consommateurs potentiels, mais leur penchant tendanciel reste l’épargne (cf propension marginale à consommer de Keynes). Quant aux importations (par exemple le café), si on observe une baisse des prix, l’importateur peut la traduire soit en baisse de ses prix de vente, soit en hausse de ses marges. Marges qui se transformeront, soit en consommation, soit en épargne, soit en investissement (embauche de salariés ou extension des infrastructures).
Supposons que tout aille dans le « bon » sens du pouvoir de consommation (car il y a des intermédiaires qui peuvent se « goinfrer », voire l’État qui extorque des taxes style TIPP) encore faudra-t-il que ladite consommation se porte sur des produits d’origine interne et dont la production est extensible. Dans ce seul cas, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour peu que la demande se manifeste sur des produits à production saturée, et notre chaîne de conséquences débouchera sur de l’inflation. Pour peu que la hausse de consommation concerne des produits importés, nous observerons un affaiblissement de la balance extérieure …
À l’idéal, il faut donc que les prix des exportations augmentent, que le prix des importations baisse, que les effets-richesse induits soient traduits en consommation du fait de la baisse des prix et/ou de l’augmentation des revenus (salaires+profits consommés) de produits interne à offre élastique et/ou en investissement tendant à améliorer l’une de ces variables. Ouf !
Vous venez de découvrir le carré magique de Kaldor, liant, pour un pays (ou une entité économique) donné l’emploi, l’inflation, la balance extérieure et la croissance. Magique parce qu’inaccessible ! On sait (à peu près « tenir » trois sommets du carré, mais la quatrième se casse la figure.
1536335062.jpg
Historiquement, la France a été « aidée » dans la gestion de ce carré magique par plusieurs phénomènes :
- l’empire colonial nous a facilité le « pompage » de richesses peu chères : main d’œuvre, produits de base, énergie.
- la croissance mondiale nous a « tiré »
- la création monétaire dite « de la planche à billet » et
- le déficit budgétaire ont permis de colmater (peu ou prou) la brèche de la variable qui se cassait la figure.
Or, aujourd’hui ces « défausses » n’existent plus! Le dernier jocker s’est envolé avec les contraintes européennes.
Dès lors, la politique économique d’un état, en l’occurrence la France, consiste à avoir le courage d’assumer quelle(s) variable(s) on choisit de laisser filer … un peu plus puisque le déficit budgétaire doit être réduit.
Le gouvernement n’a pas d’avis (ou de courage), l’UMP (ce n’est pas exactement la même chose !) non plus. La gauche pas vraiment. Les socialistes (ce n’est pas exactement la même chose !) pas plus.
Alors on assiste au tir au pigeon : on tire sur les gibiers les plus faciles (ou jugés comme tels !). Les vieux, les familles nombreuses, les PME, les handicapés, les juges de campagne, les chirurgiens de sous-préfecture, les myopes, les astigmates, les jeunes lycéens, les « vieux » chômeurs, les malades ruraux, les abonnés au gaz, … C’est ce qu’on appelle faire feu de tout bois, ou le darwinisme conjoncturel.
A quoi bon désespérer les foules, désarticuler le secteur public s’il n’y a pas une vraie gouvernance de modernisation structurelle économique d’abord, une vraie finalité Politique ensuite (observez de P majuscule) ? Sarko le gâcheur, comme le surnomme mon ami Matouk (Rue 89 20/04/2008), déçoit tous ceux (je n’en suis pas) qui espéraient ce type de démarche courageuse. Pour ma part, il y a longtemps que je ne crois plus au courage politique. Je n’ entrevois pas les prémisses qui réenchanteraient un "goût de l'avenir".
Il faudrait « favoriser l'apparition des conditions organisationnelles de la production collective de l'intention d'inventer un projet politique et, deuxièmement, les conditions organisationnelles de la réussite de l'invention d'un tel projet politique, qui sera évidemment un projet collectif » (Pierre BOURDIEU "Pour un savoir engagé", un texte inédit. Le Monde Diplomatique, février 2002).

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