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28/05/2015

BIFURCATION SUR ORB

Le dernier quart du siècle précédent et le début de celui-ci ont façonné les esprits sur le mode de la continuité. Même s'il est apparu des crises, des modifications, le perçu des individus débouche sur une impression que rien ne change vraiment. Surtout en politique où le personnel, les partis, les idées revêtent une similitude reproductive voire une quasi convergence des thématiques. Même si les choses vont mal, même si parfois on a l'impression que l'on va dans le mur, même si l'on est conscient des turpitudes qui en résultent, peu de gens anticipent un quelconque revirement. Pourtant il arrive qu'une bifurcation ait lieu. Dans les systèmes dynamiques, une bifurcation intervient lorsqu'un petit changement d'un paramètre physique produit un changement majeur dans l'organisation du système. Dans le cas qui nous occupe, la tension du système s'avère telle que les acteurs (électeurs) provoquent une mutation majeure en sortant totalement des schémas convenus. Ils créent une rupture ou ils renversent la table selon une expression connue. La partition des classes devenant de plus en plus strictement binaire (riches-pauvres) fait que la base de celle qui surnage encore prend brusquement conscience de l'urgence à réagir en prévision du naufrage annoncé. Ceux qui par intérêts, manque de lucidité ou immobilisme restent encore dans le champ du statut quo deviennent minoritaires. L'effet Siriza en Grèce, Podemos en Espagne s'inscrivent dans la même (il)logique. Béziers aussi. C'est le charme de la démocratie de permettre ces stases imprévues!

La France entière à (re)découvert Béziers! Oh, pas favorablement sans doute, mais on à parlé de la sous préfecture de l'Hérault dans les gazettes, les radios et les télés. Suite a une municipale insolite, s'est révélée une ville minée par la paupérisation, la comospolie,… Et à juste titre, car il faut commencer par là.

Béziers fut une cité riche, dynamique, cultivée dans la première moitié du siècle précédent. Riche au point que la bourgeoisie y faisait construire des  sortes de petits palais appelés "folies". L'opéra (Saint Saëns, Poulenc), la tauromachie (Castelbon de Beauxhotes), les "belles lettres", le rugby (Jules Cadenat, Danos, Astre, Cantoni,..) étaient nourris par la manne du vin, certes, mais aussi des ateliers de Fouga, du dépôt de la SNCF, de la Littorale,…  Et puis, un déclin brutal s'est emparé de la ville qui jadis damait le pion à Montpellier. Déclin économique (fermeture des ateliers ci-dessus), marasme viticole, délocalisation dans la capitale régionale des directions tertiaires (EDF, GDF,..). Déclin du (aussi) à l'impéritie des municipalités successives (de communiste à UMP en passant par les radicaux et socialistes). Sans cohérence urbanistique, sans logique économique affirmée, sans projet réel, Béziers a suivi de façon accélérée le schéma "Shrinking Cities" (ville déclinante) ou de "Schrumpfende Städte" (rétrécissement)*. En même temps, une suburbanisation (déplacement massif des habitants vers les villages périphériques) s'est manifestée par le souhait des couches moyennes et supérieures d’échapper aux nuisances créées par l'usure urbaine, comme à la promiscuité sociale due a l’arrivée massive d’immigrants s’installant dans les centres villes vidés.  Et tout à suivi : perte d'emblèmes locaux comme le rugby qui dominait le championnat français, perte d'image, perte d'attractivité. Pour moi, la comparaison avec Philadelphie est criante (à l'échelle près). Je me souviens du centre de cette ville en 1967 où la plupart des magasins du quartier de la gare étaient fermés, les maisons condamnées par des planches clouées en travers. Par contre la banlieue y était cossue, suréquipée, attrayante à souhait. L'espace biterrois a subi la même mutation, Boujan, Vendres, Maraussan, Sérigan,… récupérant ces classes moyennes supérieures, le cœur de ville s'est trouvé envahi par des classes défavorisées et souvent cosmopolites accélérant ainsi sa dégradation. Il faut lire le petit bouquin de Didier Daeninckx, "Retour à Béziers"*, pour mesurer l'état de décrépitude atteint par la cité de Jean Moulin.

Dans cette déshérence généralisée, il ne faut pas s'étonner du succès de Robert Ménard. Ceux qui maintenant crient au loup dans leurs gazettes, ceux qui jettent un regard dédaigneux au "facho" du fond de leur fauteuil de cuir vieilli, tous ceux qui ne sont pas venu à Béziers depuis des lustres, les donneurs de leçons, qu'ont-ils vraiment fait pour "inverser la tendance"? Que n'ont-ils imaginé qu'une rupture se produirait forcément à un moment et qu'une bifurcation aurait lieu? Ceux qui vivaient ce naufrage (commerçants, habitants, usagers) ont basculé dans le raz le bol. Les gens ne votent pas pour quelqu’un parce qu’ils s’identifient à son idéologie, à sa culture ou à ses valeurs, mais parce qu’ils sont d’accord avec lui sur son diagnostic de la situation concrète. Les biterrois ont donc voté Ménard sans "contingence politique". Comme ils ont choisi Saurel à Montpellier.                             

Le jour d'après, tous les cassandres "normaux" ironisent sur les piètres actions et résultats du nouveau pouvoir. Mais il faudrait dire que quiconque "prend" une mairie se retrouve avec un degré de liberté budgétaire de deux ou trois pour cents maximum. Plutôt moins que plus. Frac.jpgLe nouvel édile doit donc se contenter d'"effets coup de poing". Sur la sécurité, sur la propreté, sur des détails qui ne coûtent pas cher. Il faudra dès lors établir un bilan en fin de mandat. Sans concession! Mais en attendant laissons la réédification suivre son cours afin que les bases d'une restructuration urbaine soient rétablies. Car le seul fait d'être élu ne constitue pas une preuve intangible de compétence, surtout dans les cas évoqués qui sont plutôt des votes de rejet que d'adhésion.

Cette note n'est pas un plaidoyer pro domo pour quiconque. Elle tente simplement de mettre en exergue la possibilité de bifurcations en politique dont les partis traditionnels, englués dans leurs luttes picrocholines et leurs copinages éhontés, font fi. Peut être à tort! "On peut remédier à la stupidité individuelle, mais la stupidité institutionnelle est beaucoup plus résistante au changement. A l’étape actuelle de la société humaine, elle met vraiment en danger notre survie"**. En réaction des vagues de reflux  peuvent se soulever avec une rapidité et une spontanéité désarmante.

 

* Sylvie Fol & Emmanuelle Cunningham-Sabot. « Déclin urbain » et Shrinking Cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine. Annales de géographie 2010/4 (n° 674)
** Retour à Béziers. Editions Verdier. 2014
*** extrait du discours de Noam Chomsky lors de la cérémonie de remise du Prix de la Lutte contre la Stupidité, mis en place par la revue Philosophy Now, au London’s Conway Hall, à Londres. 2015 Revue Philosophy Now (avril/mai 2015) https://philosophynow.org/issues/107/Noam_Chomsky_on_Institutional_Stupidity
 

Commentaires

Bonjour ,

Mr Menard a bénéficié de la "vague " Front National et l'explication valable pour Béziers pourrait s'appliquer à la France .
La seule impéritie des élites peut-elle expliquer le déclin ?
La rigidité du système politique empêche-t-elle toute évolution pour un renouveau?
Ou bien la mondialisation conduit- elle inexorablement à une redistribution des cartes économiques,
à des migrations planétaires , et à l'obsolescence des systèmes politiques actuels compte tenu que dans un même espace géographique nous avons des individus qui n'ont pas la même histoire , la même culture , les mêmes traditions , les mêmes religions . Comment faire une communauté nationale avec tous ces "handicaps "? D'autant qu'avec le changement climatique , les migrations vont augmenter ,
avec la robotisation le chômage va croître .
Jusqu'à présent la guerre était une solution pour trancher le "noeud gordien " . La stigmatisation d'individus sur la base de leurs différences de couleur , de religion ou de traditions participe à la montée de "température " conduisant au conflit. Pourquoi les hommes n'utilisent-ils pas leur intelligence à trouver des solutions pacifiques ? La violence est-elle constitutive de la nature humaine ? Pourtant demain nous aurons des Humanoïdes avec des pouvoirs augmentés par l'Intelligence artificielle , que deviendrons nous alors , nous pauvres humains " normaux " ?
A ce moment là , peut-être , la famille humaine sera réconciliée.

Écrit par : Burro Calvo | 30/05/2015

Expliquer , c'est comprendre et comprendre c'est justifier en partie.
Les réponses apportées par Mr Ménard aux problèmes de Béziers sont-elles acceptables en référence aux droits de l'Homme et à la dignité des individus? Ne conduisent-elles pas à monter une partie de la population contre une autre? En prenant toujours la posture du "Français de souche envahi dans son espace , dans ses façons de vivre par des hordes de Barbares qui ne respectent rien et qui veulent imposer leur religion et leur façon de vivre. Celà correspond -il vraîment à la réalité? Ne sont-elles que des "coups de Pub " pour satisfaire son électorat ? A-t-il les cartes en main pour changer la donne , pour modifier l'ordre économique et le rapport de forces qui conduit Béziers et d'autres villes de France à se "chomariser" ?
Il me semble que non et donc ses coups de menton ne sont que des coups d'épée dans l'eau , sauf que le climat de la ville deviendra pesant voire irrespirable , avec des quartiers de "petits blancs" crypto-fachos et des quartiers d'immigrés remontés contre les précédents.
Bonjour l'ambiance et l'ambiance de plus en plus pesante renforcera l'électorat de Mr Ménard à voter pour lui , qui n'aura pas intérêt à ce que les choses s'améliorent pour être réélu.Quelle issue à celà?

Écrit par : Burro Calvo | 02/06/2015

Burro Calvo aborde des questions pertinentes voire fondamentales. Je ne saurais y répondre de façon exhaustive. Je veux seulement tenter de sortir des opinions trop "bien pensantes" et, pour une fois, évoquer une real analysis. Lorsqu'un problèmes s'avère trop complexe, la tentation naturelle est de le simplifier. Parfois jusqu'à la caricature, en prenant cette caricature comme référence et, surtout, en appelant à ne pas contester. Les bifurcations dont je parle dans ma note proviennent de ce processus courant dans lequel la société se ment à elle même… jusqu'à l'absurde. Il faut relire Girard.
Certes les dictateurs de toutes envergures sont détestables. Je ne saurais prendre leur parti.
Toutefois il faut se dire que la maîtrise des systèmes complexes (plus ils se dégradent et plus ils deviennent complexes) exige souvent des régulateurs particuliers. On peut donc proférer des critiques acerbes, mais éviter de détruire - de l'extérieur - cette gouvernance critiquable…. sans avoir l'assurance d'un mieux à mettre à la place. Les exemples récents de l'Irak, de la Libye, de la Syrie, de Centre Afrique,… illustrent qu'un état de fait précaire mais viable a été remplacé par un cahot funeste pour des centaines (milliers) de personnes. N'eut-il pas mieux valu tenter d'amender l'existant, faire évoluer les choses? N'écoutons pas les pourfendeurs moralisateurs, philosophes ou politiques peignant des situations infernales pour se donner les raisons de supprimer les "régulateurs turpides" au nom d'une pureté idéologique qui s'existe pas. L'Irak, Iran, la Syrie étaient "vivables", je l'atteste, avant que nous n'éradiquions (ou nous déstabilisions) les "affreux dictateurs". Or, qui vit mieux aujourd'hui? Et s'il y en a, à quel prix? Posons nous la question de cette illusion de la raison.
Ce qui m'irrite aussi au plus haut point réside dans l'escalafon de la turpitude dont usent les censeurs aux chemises trop blanches. Quatar, Arabie Saoudite,…. côté "Bien", Cuba, Iran,… "Mal".
A une autre échelle R. Ménard fait partie de ces régulateurs turpides. Il affiche des positions peu reluisantes. Mais il fait le boulot pour lequel les biterrois l'ont élu, ne l'oublions pas. Si les moralisateurs (nationaux, régionaux, locaux) n'avaient pas laissé la situation de la sous préfecture de l'Hérault se dégrader à un tel point que tout devenait possible, sans doute que le "pire" aurait pu être évité. Aujourd'hui, plutôt que de stigmatiser le maire à tout bout de champ en l'acculant à des extrémités sans doute serait-il plus constructif d'essayer de travailler avec lui pour infléchir ses penchants, car la violence peut être réciproque. Son passage à la mairie aura, au pire, attiré l'attention, brisé un non-dit. Démontré, le cas échéant, "l'obsolescence des systèmes politiques actuels compte tenu que dans un même espace géographique nous avons des individus qui n'ont pas la même histoire , la même culture , les mêmes traditions , les mêmes religions".
"La culture humaine consiste essentiellement en un effort pour empêcher la violence de se déchaîner en séparant et en différenciant tous les aspects de la vie publique et privée qui, si on les abandonne à leur réciprocité naturelle, risquent de sombrer alors dans une violence irrémédiable".
René Girard. Celui par qui le scandale arrive. Desclée de Brouwer. 2001

Écrit par : Reboussié | 11/06/2015

La culture humaine consiste essentiellement en un effort pour empêcher la violence de se déchainer ........
N'est ce pas le contraire que fait le Maire de Béziers , au point d'attirer Radios et humoristes
du "camp" opposé dans une surenchère qui peut déboucher sur des règlements de comptes qui préfigurent une "guerre civile larvée locale "?


"R. Ménard fait partie de ces régulateurs turpides .... " . Le meilleur moyen de se défaire de son ennemi est de devenir son ami , certes , cela semble plus intelligent et plus efficace . Mais rien ne garantit que ce n'est pas vous qui adopterez les idées de votre ex-ennemi et puis quelles limites poser aux nécessités du combat? Toutes proportions gardées et toute interprétation abusive exclue , Hitler élu du Peuple Allemand et peut-être régulateur turpide , fallait-il s'entendre avec lui pour le faire évoluer ou bien le combattre ?

Écrit par : Burro Calvo | 12/06/2015

Je persiste , dans l'erreur peut-être , mais je cherche à comprendre .
En langage schématique , R. Ménard aurait été ELU pour corriger une situation à laquelle auraient
conduit des décennies de gestions "centristes " d 'ELUS immobilistes , clientélistes ,inefficaces
Il a été élu pour rétablir l'ORDRE après des décennies de LAISSER- ALLER .dans son entreprise
La Loi et l'ordre , l'Ordre Nouveau en quelque sorte.Et il faudrait l'aider plutôt que le stygmatiser , car le stygmatiser est contre-productif.
Je comprends bien votre explication de l'obsolescence d'un systême qui lorsqu'il ne répond plus aux attentes de ses membres prend des chemins de traverse imprévus ......ou des impasses.
Je pense que le sentiment de sécurité sera renforcé dans une partie de la population biterroise
( les électeurs de Mr Ménard ) , mais que la réalité de l'insécurité augmentera chez tous les laissés pour compte de la cité .
Mais l' emploi augmentera-t-il à Béziers , la pauvreté diminuera-t-elle ? Mr Ménard at-il les clefs pour faire venir les entreprises , créer des activités innovantes et porteuses d'emplois . Faut-il chasser tous les immigrés de la ville ? Faut-il que tous les Musulmans deviennent des "résistants laïques" pour s'adapter à la France , car la France tu l'aimes ou tu la quittes.... etc...etc..
Il me semble que la situation est plus complexe , plus globale et que les coups de menton et de "gueule de Mr Ménard ( et de Mr Valls ) n'y changeront rien. Demain MM Ménard et Valls ne seront plus en responsabilités , la situation aura changé ou pas.Faut-il combattre le tout-libéralisme globalisé qui détruit tous les filets de sécurité des travailleurs et "marchandise" tout ou faut-il le combattre au nom d'un Humanisme globalisé? Réalisme ou Utopie?
Cynisme ou Naïveté? Et combattre : comment ? et avec qui? avec quelles forces face à une "FINANCE" mondialisée et toute puissante?

Écrit par : Burro Calvo | 12/06/2015

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