compteurs visiteurs gratuits

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/05/2019

FIDUCIA

Hier je suis tombé sur mon ami Gus que mes lecteurs connaissent bien. Mon coreligionnaire ex pilier de mêlée m'interpelle:
 
- Gus: Salut! Ça fait une peille que je ne t'aie pas vu? Tu vas bien?
- Le R: Comme un vieux! J'ai les cardans qui grincent et ….
- Gus: Stop! On ne va pas s'étendre sur nos maux. Dis-moi, toi qui représente ma référence à penser, mon alfa et mon oméga de l'analyse politique…
- Le R.: Toi aussi arrête avec tes flatteries!
- Gus: Bon. Globalement on peut dire que ce n'est pas terrible et les européennes qui arrivent me paraissent bien mièvres! On ne parlera pas des gilets jaunes car je ne sais pas comment on va sortir de ce truc. Surtout si on continue à jeter du pain aux oiseaux chaque semaine! Comment se fait-il que Macron qui a déboulé comme un trois quart aile artisan d'une interception laissant les adversaires médusés, se soit ramassé en si peu de temps?
- Le R.: Tu sais on trouve là la différence entre le discours et l'action. L'Emmanuel il pensait que comme au théâtre il suffisait de bien parler pour séduire les spectateurs. Et aussi, venant des grandes écoles, il possédait une culture de management privée. Or, ni l'un ni l'autre ne valent en matière de gestion publique régalienne. Plus un zeste de mépris réel ou maladroit et la détestation remplace l'adoration.
- Quésaco la gestion publique régalienne?
- Le R.: il s'agit de la prise de décision qui devrait préserver les intérêts supérieurs de la France, ce qu'on appelle aussi les communs.
- Gus: donc de la majorité des français! Du peuple en quelque sorte!
- Ce n'est pas si simple! Car parfois l'intérêt supérieur, justement, varie de celui de la majorité. Pour des raisons, par exemple, d'horizon de choix. Le peuple que tu appelles, pense à court terme, alors que l'IS demande à assumer le long terme. L'un veut payer l'énergie le moins cher possible, mais il faut penser à l'avenir de la planète.
- Gus: Ah voilà l'écologie qui arrive!
- Le R.: Eh oui! Si la gestion publique régalienne avait eu le courage de s'inscrire dans une perspective écologique minimale dans les vingt dernières années, nous ne serions pas aujourd'hui aux frontières d'un cataclysme planétaire.
- Gus: Les gilets jaunes ont donc tort d'exiger ici et maintenant pour ne pas crever?
- Le R.: C'est bien le problème! Il faut trouver un équilibre viable entre des contraintes contradictoires: dépenses-impôts, coûts-bénéfices, intérieur-extérieur, autochtones- immigrés,… En permanence! Macron, pour sa part, a cru pouvoir décider sans tenir compte durablement de l'état de l'opinion. Et, comme il en a un peu trop fait d'un côté ("des riches") dans l'arbitrage, le retour de manivelle s'est avéré d'autant plus violent.
- Gus: Ce que tu décris ressemble à une conduite à vue!
- Le R.: Tu ne peux mieux dire! Allende, le président du Chili rappelle-toi, avait imaginé un réseau (ordinateurs) interconnecté aminés par des "vigies" décentralisées qui lui fourniraient en temps réel un état de tension de l'opinion afin de piloter plus finement ses décisions*. Sinon les dirigeants se trouvent en permanence sur le fil du jugement public.
- Gus: Et donc…
- Le R.: le seul élément qui vaille s'appelle confiance! Fiducia en latin! Les citoyens aspirent tous à vivre dans un monde qu'ils perçoivent comme à peu près certain et stable, soucieux de valeurs qu'ils partagent. Or, ils sont conscients de vivre dans un univers incertain (mondialisation, immigration, terrorisme,…). Pour résoudre cette discordance, en démocratie représentative, il est impératif qu'ils fassent confiance aux élus qui les dirigent.
- Gus: tu rigoles! La dessus, on en a vécu des vertes et des pas mûres! Les privatisations des autoroutes, l'affaire Cahuzac, Bettencourt, tous les trucs que sort Mediapart,.. ne plaident pas pour la confiance! Loin de là!
- Le R.: Voilà! Tu viens de donner la clé de la rupture démocratique qui se produit actuellement. Les Français ne faisant plus majoritairement confiance aux anciens dirigeants politiques issus de partis traditionnels, se sont retournés vers Macron qui leur paraissait "neuf" et digne de confiance. Sauf que l'affaire Benalla notamment, plus l'aéroport de Toulouse-Blagnac, Renault-Nissan,… sont venus détruire cette image favorable, replongeant l'opinion dans un doute quant à l'équité de la gestion publique régalienne macronienne. En outre, le passage à l'ennemi massif des élus qu'ils fussent socialistes, centristes, républicains… les trahisons récurrentes de leurs promesses électorales sont sans doute une des raisons essentielles de la crise de confiance actuelle.
- Gus: ce n'est pas un peu trop simple ton remède? La confiance et rien d'autre?
- Le R.: Tout commence par là! Regarde la monnaie: tu fais confiance à celle que tu as dans la poche, et donc tu acceptes des morceaux de papier. Mais si tu doutes de la parole du gestionnaire tu te précipites à la banque pour échanger ton papier contre quelque chose de plus sûr**, fusse une monnaie plus solide.
- Gus: J'y vois plus clair! C'est pour cela que les gens veulent une possibilité de contrôler plus strictement les élus. Comme le fameux RIC! Sinon ils votent… et les élus sont libres de trahir leur confiance sans trop de risques, la justice n'étant plus, elle non plus, vraiment digne de confiance. Et l'Europe, on fait confiance?
- Le R.: Pas davantage et peut être moins car l'opinion ne possède pas une connaissance ni une visibilité de ce "machin" dont on nous dit que des lobbies passent avant l'intérêt des nations (campagne contre le glyphosate,…). Avec aussi une bipolarisation "En Marche" – Rassemblement National qui floute les propositions intermédiaires. Avec des décisions parfaitement ésotériques qui tombent sur la tête des gens comme un orage de grêle…

Talon.jpg- Gus: jolie image!- Le R.: Car il faut dire que la confiance passe aussi par le canal des institutions. Les citoyens doivent donc avoir également confiance dans les ces organismes qui sont plus ou moins garant de l'intérêt général: l'institution justice, l'institution Assemblée Nationale, l'institution Europe, etc..
- Gus: et cette confiance, tu crois que l'on peut la retrouver?
- Le R.: Je suis assez pessimiste en l'état actuel des choses. Il existe trop de fractures entre l'élite et les couches dites moyennes. "Les élites aristocratiques traditionnelles avaient des devoirs et des responsabilités, et leur éducation les préparait à se montrer à leur hauteur", écrit un spécialiste des questions européennes. En comparaison, les nouvelles élites sont formées pour gouverner mais sont tout sauf prêtes au sacrifice, au partage, à la quête d'une certaine équité.
- Gus: C'est parfaitement vrai! Moi aussi je ressens cela pleinement.
- Le R.: D'autant plus qu'aujourd'hui les réseaux sociaux accroissent la révélation des faits plus ou moins importants (réfection de la galerie de l'Élysée, voyages dispendieux, erreurs juridiques, réduction "scandaleuse" de services publics,..), voire des fake news portant atteinte à l'image (rigoureuse) des dirigeants.
- Gus: Ce ne serait pas de là que nait ce qu'ils appellent le populisme?
- Le R.: Il est évident la montée de ces soit disant populismes correspond avant tout à une quête par ces citoyens de loyauté de la part des gens au pouvoir. En effet il faut faire une distinction entre élite et gens au pouvoir. Les deux ensembles ne se recouvrent que faiblement. Il n'y a qu'à voir le faible nombre de vrais intellectuels qui se commettent dans les gouvernements.
- Gus: Je ne comprends pas pourquoi alors ils veulent casser l'ENA.
- Le R.: Je pense qu'il s'agit d'un coup de comm! Comme si en cassant le moule on absolvait les dérives des énarques passés.
- Gus: Bon, tu commences à jargonner!
- Le R.: Excuse-moi! Ce que je pense revient à une évidence: on doit refonder tout l'enseignement des masses. Pas seulement le réformer de ministre en ministre! Il s'agit d'un énorme chantier dont je me demande si nous en avons l'envie et les moyens. Un peu comme le démantèlement des centrales nucléaires.
- Gus: Pourquoi?
- Le R.: Parce que cela exige un énorme courage de la part des décideurs.
- Gus: Courage et confiance! Voilà ce que je retiens de ton discours. Désormais, quand je voterai ces deux critères ne serviront de filtre!
- Le R.: Je te le conseille! Prends ton temps! Allez à plus Gus!
- Gus: A bientôt Réboussié!
 
* Le maitre d'œuvre en était Stafford Beer (Manchester Business School). Le projet visionnaire se nommait Cybersyn. Hélas le reversement d'Allende a interrompu son expérience.
** Se rappeler les grecs et le drachme.
 

Les commentaires sont fermés.