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27/06/2007

L'ALLUMEUR DE LUCIOLES

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Qu’ai-je été
d’autre
Qu’un allumeur
de lucioles
Dans l’esprit
de passants
À peine effleurés ?

Cette idée m’est venue dans la nuit qui a suivi mon départ, pendant ce no man’s land de sommeil éveillé pas encore rincé par le réalisme de l’aube. J’étais un allumeur de lucioles !

Allumeur de lucioles, un drôle de destin direz-vous ! Ne le dites pas à mes proches qui me croient maître de conférences !
Pourtant, à la réflexion, elle me ravit cette posture un peu surréaliste évoquant le Petit Prince. Qu’ai-je fait d’autre, en effet, que de pratiquer cette cuisine des âmes destinée à ancrer une saveur dans un coin d’esprit, saveur-flash blottie dans le confort d’un passé adolescent pour se réanimer en réminiscence proustienne. Pour pouvoir vivre dans le souvenir d’un cadre de l’ONU, chez le manager surchargé de Tokyo qui soudain s’arrête, au détour d’une phrase, d’un mot, pour évoquer la source. Lueur vacillante, évanescente, oubliée parfois mais inscrite dans une mystérieuse chaîne de socialisation. Magie de l’aventure de l’Homme fabriquée de petites parcelles, d’une mosaïque improbable d’où naît la lumière. Humanisme des contributions qui tracent les repères comme des torches jalonnant le chemin de Damas. Mon œuvre ancillaire se résume au nombre de petits lampions éclairant mon nom tout le tour de la planète.
Mais cette cuisine des âmes est complexe. Je vais tenter de vous en conter les arcanes.
D’abord, éviter les recettes écrites, rigoureuses comme des ordonnances d’apothicaires et aussi inopérantes qu’elles quant à l’alchimie des choses humaines. Pensez-vous que l’on puisse apprendre dans un manuel à faire glisser un Miura ou un Victorino Martin le long d’une véronique, seul dans le cercle mythique d’une arène sévillane ? Pensez-vous que l’on décrive dans un mode d’emploi l’algorithme de la feinte de passe leurrant les derniers adversaires ? Ces choses-là, môssieur, tangentent l’art, parfois le miracle, … En toute simplicité.
Ne pas s’en tenir à un intitulé, à une étiquette. Bien malin celui qui peut dire de quoi sera fait l’avenir de celui qui écoute. On part informaticien et l’on se retrouve vigneron de la Clape, restaurateur dans le Dauphiné, marchand d’énergie ou de travaux publics, musicien arabo-andalou, banquier ou académicien de rusologie, … voire prof pour boucler la boucle et reprendre la posture d’éclaireur !
Dans toute cuisine il y a des ingrédients. Prendre tout ce qui vous fait plaisir et que vous sentez bien. De l’essentiel, bien sûr, qui va servir de prétexte, mais surtout de l’anecdote aromatique, de l’exemple amendé, du piquant, du truculent, du picaresque ! On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre et les enseignés avec du « fade ». Mentez peu, mais bien, comme l’on use d’une épice violente. Mentez comme César, pour éduquer Marius !
Pour les instruments, aujourd’hui la modernité nous propose des ustensiles performants pour procéder à l’élaboration. Ne se servir que d’adjuvants, pas de prothèse. Les premiers confèrent une valeur ajoutée, un supplément d’âme. Ils illustrent, facilitent, donnent à émerger. Les secondes font à votre place, ou plutôt disent pouvoir faire. Il faudrait pour cela que les robots puissent déceler l’éclair d’un regard, la moue d’une lèvre, le message muet de l’appel au secours.
Enseignez, pardon cuisinez, façon Pygmalion. Les gens aiment bien se retrouver un peu en vous. Les roses aiment bien que vous ayez quelques piquants. Les paysans que vous ne méprisiez pas trop le fumier. Il faut causer de Limoges aux limougeauds, de paellas aux valencians, de vodka aux polonais. Soyez de partout, avec le cœur, sans condescendance pour les pauvres, sans ostentation avec les nantis. Soyez de votre avis, mais sachez débattre. Empathie ne veut pas dire soumission. Au contraire. Soyez laïques c‘est plus simple, tolérant vis-à-vis des tolérants, ferme vis-à-vis des intégristes. Et si les gens ne comprennent pas le terme d’athée, dites que vous êtes cathare, ça vous donnera un statut enviable de minorité opprimée.
Laissez mijoter, parfois longtemps. Si longtemps que l’on dit oublié. Le sens réclame une lente percolation pour remonter des nimbes de cours apparemment perdus. Ce sens potentiel doit se heurter aux réalités inattendues pour trouver son acte révélateur.
Mais il n’y a pas que le contenu, il y a la mise en scène. Saltimbanque il faut être, saltimbanque vous serez! Baladins de la science, funambules de l’exposé, clowns blancs de théories abruptes, tout est bon pour créer l’ambiance. Vous devrez parler d’Alep comme de votre jardin, de l’Afrique avec des remugles fétides d’Oubangui, du Christ comme un apôtre. Vous devez convaincre que vous avez vu de vos yeux l’insubmersibilité des enfants sorkhos, que vous avez vécu l’enivrante liberté des nuits de mai soixante-huit, que vous avez usé des WC du M.I.T.. Entre illusionniste et mentor, l’humour pour dernière arme, il s’avère impératif de changer le repas en festin.
Ne pas oublier le vin ! Le vin c’est la vibration qu’il faut susciter, cette mise en fréquence harmonieuse de la communication. Ce que le talonneur sent et ressent dans la communion de la mêlée. Je me suis toujours souvenu de mon professeur de forge disant qu’il fallait trouver la bonne vibration entre marteau, pièce, enclume, et couleur de l’acier, « comme on le percevrait d’une cuisse de nymphe émue ». Ce stade investit l’extase ! Sentir que l’on communique ! Que la majorité du dit se retrouve en reçu, avec toutes les nuances, tous les non-dits avancés, telles des valences libres, et aussitôt saisies.

Merci à tous de briller dans la vie et d'illuminer de temps en temps la petite luciole autrefois allumée.

20/06/2007

POURQUOI PAS MOI?

Je ne comprend pas ! Je suis ancien joueur de rugby, entraîneur ensuite, un accent rocailleux comme Laporte. J’ai été noir plusieurs fois lors des troisièmes mi-temps comme Yade. Gauche modérée à l’instar de Kouchner, économiste tel (soi-disant) Bresson. Comme beaucoup de monde j’ai eu quelques contacts avec la justice, sans dégâts. Je possède un sens de l’humour apprécié en société comme Santini. Ni pute, ni soumis, mon oncle est mort à la guerre, à Damas qui plus est, comme un vulgaire harki. Je suis originaire de l’Aude ce qui aurait pu représenter une minorité peu visible vue de Paris, et pratique l’occitan ce qui s’avère original.
Mais je ne suis pas jaune. Ou Homo. Pas encore handicapé.
C’est donc ça ! Donc, il ne m’a pas appelé.

J’aurais eu un réel plaisir à lui dire non!!

16/06/2007

PIERRE JALLATTE ET RENÉ GIRARD

J’ai connu Pierre Jallatte à l’IPA (Institut de Préparation aux Affaires ancienne appellation des IAE) de Montpellier. Ami du Professeur René Maury qui en était le directeur, il s’avérait le plus généreux donateur (ancienne appellation de sponsor) puisqu’il versait une dotation annuelle de 10.000 francs à l’école (éditorial de R. Maury dans la rapport de voyage d’études « Perspectives américaines » juillet 1966).
Cet homme austère comme tout bon protestant cévenol, avait trouvé auprès des universitaires l'arcane de son action : l’innovation. Maury lui avait appris Schumpeter, Saumade Emery et Trist, Robert Papin R. Marris… Lui, percolateur pragmatique de ces idées, il avait transformé un atelier de St Hyppolite du Fort en leader européen de la chaussure de sécurité. Il avait anticipé les revers de la chaussure « classique » qui fut l’une des industries les plus répandues dans la région entre et après la guerre. Ainsi les frères Riu à Limoux (Myrys), César Blasquez à Couiza, Urbain Siau à Espéraza, Antoine Canat, François Noy à Chalabre, Pierre Gamundi et René Bosc à Béziers, … (entre autres) ont été les moteurs d’un secteur particulièrement actif. Mais, la guerre des coûts aidant, les types de fabrication s’automatisant, ces « usines » périclitèrent une à une, parfois aidées dans leur déconfiture par des aigrefins peu scrupuleux (cf Canat ou Myrys).
Hormis le coup de chapeau à P. Jallatte c’est cette question que je voudrais évoquer. Que la concurrence fasse rage, que de nouveaux types de managements s’installent, que les marchés s’internationalisent, j’en convient aisément. Il serait difficile de nier l’évidence ! Mais ce qui me gêne profondément réside dans cette race de hyènes charognardes qui viennent participer à la curée. Ces pseudo-experts-repreneurs, froids comme du marbre, qui viennent sucer les dernières potentialités des entreprises « en difficulté » selon l’euphémisme approprié, et ainsi précipiter leur disparition. Ce sont des virtuoses du discours gestionnaire, managérial, financier, dont ils usent comme alibis imparables, impavides bourreaux d’entreprises qui vivent encore et qui pourraient, je vous le garantis pour la majorité, continuer à fonctionner à condition d’y consacrer les compétences et les volontés. Les élus locaux (voire nationaux selon les enjeux électoraux) se laissent souvent berner par ces baratineurs de haut-vol : « Si vous voulez sauver quelques emplois, quelques temps, il faut que vous mettiez la main à la poche ». « Et sans garantie, bien sûr, le droit ne permettant pas d’entorse à la liberté des entreprises ». Ainsi nos impôts locaux viennent améliorer le cash flow de ces groupes financiers sans scrupule. Mais que faire ? J’entends ma cousine de droite susurrer que l’on ne peut aller contre l’histoire, qu’un emploi perdu dix de retrouvés … Moi je crois que les régions, qui ont la compétence économique, devraient s’investir dans une vaste opération de conservatoire industriel, comme elles l’ont fait (ou auraient dû le faire) en matière foncière. Il serait prévu un droit de préemption industrielle donnant priorité de rachat à la collectivité sur l’ensemble de son territoire. De deux chose l’une : si l’unité en difficulté est vraiment foutue, la région en prendra acte, ni plus, ni moins. Sans cracher au bassinet. Mais si ladite unité possède encore de « la sève » (des marques, des brevets, des actifs mobiliers et humains, … ) elle pourrait être relancée par la collectivité (ou par des adjudicataires dûment choisis) et, surtout, éviter que ces richesses soient siphonnées par les holdings extérieurs.
Ceci reste une piste, mais qui pourrait permettre de rendre les marques « AOC » régionalement. Ainsi si Arena veut se délocaliser en Chine elle le pourra sans problème, … mais sous la marque Chin Man, Arena étant attachée au Languedoc-Roussillon. Jallatte ne pourrait dès lors servir de phare commercial à des godasses fabriquées en Tunisie !
Voilà monsieur Pierre qui avez lu René Girard et qui vous êtes donné en victime émissaire, offrant un miroir à ceux qui sèment le vent de l’Apocalypse, et une branche d’olivier à ceux qui agitent le mythe renouvelé de La Bête du Gévaudan, tout reste à dire et surtout, à faire.
Voilà, monsieur Jallatte, en souvenir de ce que vous avez fait pour les Cévennes et pour l’IPA, en souvenir de tous ces entrepreneurs audois, catalans, lozériens, gardois, héraultais, qui ont perdu leur entreprise filiale (au sens étymologique), je pose sur votre cercueil sacrificiel cette modeste contribution innovatrice. Ainsi soit-il !