19/12/2008
MYTHES ET CONNECTEURS
La plupart des gens pensent que nous traversons un soubresaut fort mais temporaire du capitalisme. Quelques ajustements, une bonne purge des structures vieillissantes, quelques mesures écologiques et quelques révisions institutionnelles nous ramènerons à la normalité. Voire! Et si nous étions dans une phase de transition historique?
Depuis longtemps, dans notre société, deux mythes s'affrontent: celui du pélican et celui d'Ugolin.
A. de Musset a illustré le premier à travers l'oiseau marin revenu bredouille de sa quête de nourriture, «Partageant à ses fils ses entrailles de père». Il symbolise ainsi le sacrifice suprême consistant à se donner en pâture à sa progéniture pour la sauver. C'est le pôle de la contrainte, du respect d'une vertu collective.
A l'inverse, Dante décrit Ugolin della Gherardesca dévorant ses enfants pour leur conserver un père. C'est le pôle de l'individuel exacerbé.
D'un côté le sacrifice dicté par le respect de valeurs intégrées, de l'autre, la sélection naturelle du plus légitime (puissant) mangeant les moins armés.
Le sacrifice est l'acte cultuel par excellence, qui permet en toute circonstance d'assurer les bons rapports entre une communauté humaine, famille ou cité, et ses dieux. Les grandes religions monothéistes se fondent sur un mythe sacrificiel. Mais ce dernier impose un partage communautaire des valeurs qui fait passer la chose de la barbarie à l'exemplaire. Ainsi, une économie qui se fonderait sur une éthique consensuelle (socialiste ou autre) pourrait imposer des sacrifices consentis aux individus adhérant à ladite idéologie. Il n'existe qu'un écueil, celui de la légitimité, c'est-à-dire de la représentativité de l'instance qui impose les sacrifices. À l'usage, subsiste encore, quant à la viabilité,la tenue des promesses équilibrant les sacrifices. Le «retour sur investissement» en quelque sorte!
A l'autre bout, la barbarie n'est pas moins présente, mais elle s'humanise par la stricte nécessité: c'est dur, mais c'est ainsi parce que toute autre solution est moindre sur l'échelle de Pareto. C'est un darwinisme dont l'éthique prône la sélection des forts au détriment des plus faibles.
Evidemment, lorsque deux pôles extrêmes se confrontent, une aspiration médiane apparaît. On la nommera «mythe du grand horloger» comme recherche d'une raison régulatrice adaptée. Une «agence» (ou gouvernance) serait investie de la raison et du pouvoir de corriger les déviances jugées insupportables. Il s'agit ni plus ni moins d'une autre barbarie, par l'intelligence cette fois, qui pose l'existence de «pilotes» au-dessus des «peuples» pour les guider. Une oligarchie de l'esprit, en quelque sorte.
Aucune de ces réponses n'est viable,nous l'avons expérimenté.
L'économie de sacrifice a existé sous les diverses formes incarnées: économie traditionnelle, économie planifiée, économie autogérée. En fait, on ne peut pas dire qu'elles ne marchent pas, mais qu'elles pêchent quant à leur efficacité comparée. Les contraintes imposées résistent mal sitôt qu'elles s'affrontent ou se confrontent à des économies (apparemment) plus «riches». Ainsi les économies traditionnelles scandées par les rites sociaux et naturels ont duré des siècles jusqu'à ce qu'elles soient mises en parallèle avec les économies capitalistes plus dispensatrices de «facilités» de toute sorte. Idem pour les systèmes planifiés.
Les économies libérales de marché, si elles ont survécu à leurs diverses crises, restent insatisfaisantes et pâtissent de l'épée de Damoclès de la prophétie marxiste que nul n'a encore démantelée. Nous vivons en ce moment l'une des convulsions planétaires de ce type d'organisation dont le darwinisme social s'accroît avec la globalisation.
Quant à la «troisième voie» elle se heurte a une complexité et à une hétérogénéité des sociétés modernes. Il n'y a pas, à ce jour, de gouvernance mondiale officielle et, y en aurait-il une, pourrait-elle posséder la variété (capacité) nécessaire pour réguler l'ensemble des problèmes planétaires? C'est peu évident, et les avatars connus (FMI, Banque Mondiale) ne fournissent pas de bons exemples! En tant qu'intello, j'y ai moi-même cru un moment. Mais le mythe prométhéen ne s'avère qu'un mirage utile aux puissants pour berner les gogos (Madoff)
Alors, me direz-vous, on démissionne? On renonce? Peut-être pas!
Howard Rheingold enseigne à l'université de Stanford les principes de l'intelligence collective. Dans son livre Smart Mobs (Foules intelligentes, M2 Editions, 2002) il prend le contre-pied de l'idée classique qui veut que les foules soient toujours stupides et irrationnelles. Grâce aux technologies interactives (courriels, SMS, blogs, wiki, chats, etc.) actuelles, les groupes humains peuvent s'auto-organiser, s'informer mutuellement et réagir instantanément à un événement. Comme un vol d'étourneaux. En quelques minutes, de bouche à oreille -ou plutôt de texto à texto-, un message peut circuler rapidement vers des milliers d'individus. Il devient alors possible de mobiliser une manifestation surprise (ce fut le cas lors de la réunion de l'OMC à Seattle) ou procéder à un «buzz» d'opinion (on dit que ce fut fatal à Aznar après ses atermoiements lors de l'attentat ferroviaire de Madrid) …
On peut voir là, la fin probable des «investits omnipotents» au profit d'un universel sans totalité. Sur le plan technique, il s’agit d’un réseau dépourvu de centre dont les usagers utilisent le même protocole de communication (TCP/IP par exemple) qui leurs permet de mettre en relation leurs dispositifs et donc leurs personnes. Sur le plan idéologique, cet universel sans totalité a la vocation première d’exprimer la diversité de l’humain, de permettre que «chaque noeud du réseau puisse devenir producteur ou émetteur d’informations nouvelles». Ainsi chaque individu peut mobiliser la puissance du groupe sans y être inféodé. Il peut à nouveau exercer son rôle de citoyen sans s'engoncer dans des organisations qui rapidement le dépassent, donc l'aliènent. Ainsi peuvent se construire de nouvelles façons de faire fonctionner le Monde, de découvrir un nouveau regard sur les choses*.
Ne rêvons pas, il y a du chemin à faire et il y aura toujours des petits privilégiés! Les connecteurs (Thierry Crouzet, allez voir: http://blog.tcrouzet.com/) auront un rayonnement supérieur aux non connectés. Mais sans que la discrimination soit profonde et le fossé infranchissable. Alors, lecteurs, bloggers, pensons (agissons?) déjà ainsi: réseaux, intelligence et pouvoir distribué,entraide,partage, alerte, ...
C'est peut-être la seule BONNE NOUVELLE de ce Noël de crise!
* http://thetransitioner.com/Media/080417_Le_futur_de_l%27argent_-_conf%C3%A9rence_%C3%A0_l%27Entrep%C3%B4t) allez voir, c'est très intéressant.
14:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/12/2008
MUTATIS MUTANDIS!
A la demande générale ... notamment d'un fidèle melgorien, j'ai sacrifié la présentation spartiate et "épiscopale" pour ce coin d'air pur pyrénéen. Les catalans y verront le Canigou (Mountagnos regalados que tu estiù ...), les audois reconnaitront le Saint Barthélémy (Aquelos mountagnos de tant nautos soun ..., les héraultais la chaîne qui se dessine à l'horizon, ... et tous les autres imagineront.
Mais comme ces demandes me sont parvenues par l'homme qui a vu l'homme qui a vu le frère de Canelle, et que j'en ai assez de discourir face au désert des Tartares (même si les stat de connexion me prouvent qu'il y a pas mal de monde dans le désert!), je vous ai mis un petit gadget sympa, un PARLOIR, pour me dire tout ce que vous avez envie de proférer. Il suffit d'appuyer sur le bouton rouge! Pour les plus timides, il reste l'écriture ... profitez-en avant que Darcos explique que ce médium est un archaïsme et qu'il convient de supprimer les postes de prof de français et de les remplacer par des moniteurs de MP3.

12:27 | Lien permanent | Commentaires (2)
08/12/2008
SOYONS FOUS !
On nous prend pour des débiles ! Alors, en conformité, imaginons l’inimaginable, pensons l’impensable !
Supposons, que Naomi Klein est raison, totalement raison http://alarecherchedejeanjaures.20minutes-blogs.fr/trackb....
Selon l’écrivain journaliste canadienne : «Il n’y a pas de hasard dans le monde ultralibéral. A la Nouvelle-Orléans, à la suite des inondations d’août 2005, beaucoup d’habitants noirs et pauvres ont été chassés de la ville, et la plupart des écoles publiques ont été remplacées par des charter schools (établissements financés par les fonds publics et gérés par le privés). La torture et les assassinats au Chili de Pinochet (1973-1990) et pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983) ont été un moyen de briser les résistances au marché. L’instabilité de la Pologne et de la Russie après l’effondrement du communisme a permis aux gouvernements de ces pays d’imposer une thérapie de choc économique à une population réfractaire. Et puis il y a la «stratégie de Washington pour l’Irak» : Traumatiser et terroriser le pays tout entier, détruire délibérément ses infrastructures, laisser mettre à sac sa culture et son histoire, puis réparer les dégâts en inondant le pays d’appareils ménagers bas de gamme et de produits alimentaires de mauvaise qualité importés. Le capitalisme extrême affectionne les pages blanches, trouvant souvent un débouché après une crise ou un «choc».
Alors, disons qu’il n’y a pas de hasard et que la crise actuelle a été voulue. Ceci explique comment « les responsables » irresponsables des marchés financiers et des grandes banques ont laissé courir. Ils s’en sont ainsi mis plein les poches, à milliards, à se gaver jusqu’aux dents sur le dos des gogos qui croyaient la bonne fée du marché et les notes mirifiques des sociétés de notation. Ils auraient bien continué un peu manière d’éponger le pauvre ou le middle class, mais ce débile de Kerviel à soulevé un coin du voile. Un peu trop tôt pour que Obama soit battu (1). Alors là, plan B ! On crie au loup, on hurle au risque majeur, on déploie « la stratégie de choc». Les chefs d’État, bonnes âmes, disent, comme toujours lorsqu’on veut manipuler, «Cette fois, c’est différent !» (Kenneth Rogoff). Cela justifie que les états volent au secours des pauvres banquiers, assureurs et autres perdants comptablement parlant. « Cette fois, ce n’est pas 1929, nous on est intelligents, les États vont cracher ! » Et l’on enfourne des milliards de dollars-euros dans le gouffre. Sans contre-partie, sauf ce puritain de Gordon qui prend des actions en garantie. Cela permet aux gnomes de Washington (2) de se resservir une seconde fois car l’argent n’a pas d’odeur et n’a pas de traçabilité c’est bien connu ! Il s’agit, ni plus ni moins, d’un blanchiment d’argent « sale » (junk bonds) contre de la liquidité fraîche. Comme les banquiers complices n’obéissent pas aux injonctions bidons des vingt Sarkoboys, ces derniers réentonnent le couplet de la crise (Hou !Hou !) et disent qu’ il faut rajouter une rincette ! Comment, les caisses vides ? On va en trouver des milliards pour nos amis ! Comment, il n’y avait rien pour les salaires ? Mais vous ne voulez pas qu’on paie des fonctionnaires, en plus ! C’est ça la mondialisation, tas de nazes!
La stratégie de crise possède un second volet : la purge économique. On sait dans les milieux autorisés que le capitalisme ne fonctionne que grâce à l’éradication cyclique d’une partie de son « corps » (structures non rentables), à grands coups de ce qu’il faut appeler la hache invisible après la main invisible. Voilà donc arrivé le temps des licenciements de masse, du délestage des horaires, de la flexibilité concurrentielle, du démantellement du droit du travail, de la contraction des salaires. Et ne criez pas ! C’est ça ou la crise profonde (Hou !Hou !). Parallèlement la relance (regardez bonnes gens combien nous sommes soucieux de votre avenir) n’est qu’un tour de passe passe magique. Remarquez qu’on ne donne jamais au pauvres (ou si peu !) directement. On ne relance pas au niveau du pouvoir d’achat, c’est archaïque madame Michu ! Les gnomes de Washington préfèrent l’investissement et se servent d’intermédiaires. Cela sert à détourner les flux via les « trappes » dont personne ne parle. L’État favorise l’emprunt qui fournit de la fraîche pour respéculer car l’économie de casino va repartir bientôt. L’État finance les grands ensembles de logements et les autoroutes … qui tombent dans l’escarcelle de Bouygues, Eiffage, Vinci, … et autres groupes. D’autant plus qu’au passage, le code des marchés est allégé, et pas dans le sens d’un meilleur contrôle ! Quand le bâtiment va, tout va, c’est clair, Marcel ! Sauf qu’il serait sans doute opportun de préférer les secteurs innovants, la nanotechnologie les réseaux, … la formation d’ingénieurs aussi, pour tenter d’acquérir une avance mondiale. Peut être un peu d’écologie pour prévenir les effets de la crise de l’énergie.Mais, dans tous ces secteurs, il n’y a pas d’intermédiaires « amis », et l’intérêt public on s’en fout complètement ! Qui a dit « un plan de relance du profit de quelques multinationales » ? Vous ne voudriez pas non plus que se soit au profit des retraités qui ne travaillent plus (feinéants !), des débiles d’agriculteurs qui ne veulent pas des OGM, ou de ces drogués de jeunes qui manifestent pour embêter les braves touristes japonais ? Le capitalisme actuel est une déformation de la société de concours en économie de casino. Le pouvoir de décision est le droit d'utiliser prioritairement au seul profit des détenteurs de capital, l’ensemble des moyens disponibles (dont les armes et les médias) pour accroître leurs gains, leur pouvoir et leur emprise sur les masses. Et ceux qui n’admettent pas cela sont des imbéciles ! Na ! Mais … Le socialisme est attaché à une société ouverte, et au privilège reçu, à la rente de situation, il oppose la preuve par l'acte et le mérite, notion qui dépasse le concept de concurrence, trop marqué par son usage économique et ses dérives. Avec pour corollaire l'exigence forte de solidarité et de répartition car les dons et les capacités de réussite sont inégalement répartis. Vous rigolez ? Regardez Ségolène et Martine se mettre des roustes !
Et oui, même si cet essai se voulait un peu fou, plus fou encore est de croire que les forces politiques s’intéressent à nous, pauvres paumés de la middle class.
(1) Quoique certains avancent que Mc Cain se serait tiré une balle dans le pied en annonçant qu'il demanderait des sanctions lourdes contre les responsables américains de la crise, une fois élu.
(2) j’évite de dire les gnomes de Zurich selon les termes convenus, car ces derniers ont, eux, bien joué le coup ! Les ventes à découvert dites à nu, sans couverture (naked, quand un investisseur vend un titre qu’il n’a même pas emprunté préalablement), sont interdites sur le marché SWX de Zurich. En Suisse, les établissements financiers ont l’obligation (morale) de ne pas investir dans des produits financiers complexes (dits dérivés) dans l’immobilier car ils présentent trop de dangers potentiels (la crise immobilière des années 90, leur a servi de leçon).
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