11/01/2013
LE JEU COMPLEXE DES ENCLOSURES
La tendance globalisante de la mondialisation actuelle induit, partout, une dynamique des enclosures. Pour faire clair, une enclosure c’est ce qui permet de faire passer quelque chose du statut collectif d’usage (ouvert) à un statut appropriatif (fermé, privé) en l’enserrant dans des frontières. Le but de cette frontière marquant une appropriation reste pour l’ayant droit d’en profiter ou d’en vendre l’usage, ce qui revient à peu près au même. Ce clivage crée, en conséquence deux classes d’acteurs : les possédants et les non possédants, trois classes économiques : les capitalistes rentiers (qui exploitent l’enclosure), les capitalistes «aventuriers» (qui tentent de se créer une nouvelle enclosure différentielle) (Weber) et les consommateurs (qui doivent acheter le droit d’usage) et deux catégories socio économiques : les résidents et les footlose*. Pour ce dernier clivage il concerne ceux qui pour diverses raisons sont ancrés territorialement par rapport à ceux qui peuvent aller partout sans difficulté (les depardioux).
Cela implique une forme de domination, de contrainte sur l’activité économique qui se propage dans le tissu sociétal puisque l’économie est «enchâssées» dans les institutions et des rapports sociaux. En Angleterre où ce concept fut inventé, les prairies collectives permettaient à tous de faire paître les moutons. Vinrent les enclosures qui permirent soit de monnayer le droit de pâture soit de permettre à ses seuls ovins de s’y restaurer. L’exemple actuel le plus frappant peut se trouver dans le financement de l’action publique qui est passé de collectif (via le trésor public) à privé (via les banques). Toute la stratégie de pouvoir (économique, financier, politique, idéologique, culturel,..) consiste donc à revendiquer une enclosure spécifique et de s’y constituer une rente durable. Evidemment on ne cherche à mettre des barrières qu’autour d’un espace de richesses (via la dotation, la situation, le potentiel,…). Evidemment ces tentatives se concurrencent et créent, en se heurtant, des conflits. Les uns tentent une enclosure européenne, les autres, une enclosure française, espagnole,… Les uns revendiquent une enclosure espagnole, les autres recherchent une enclosure catalane plus apte à exploiter « leur » rente. Les américains créent des enclosures stratégiques, les russes des enclosures protégeant leurs débouchés énergétiques,**… La géopolitique peut (et doit) se lire selon cette grille. En conséquence de ces enclosures, les acteurs soit subissent les contraintes de l’ancrage territorial, soit ils optimisent leur «identité résidentielle». Ainsi un fonctionnaire est tenu de résider de façon permanente dans un cercle d’une vingtaine de kilomètres maximum autour de son lieu d’affectation. Un depardiou, lui, peut se «poser» à peu près où il le désire, voire sur une plateforme off shore !
Le mécanisme sous jacent à ce ballet, s’appelle bien sûr profit (encore une fois financier, domination, conversion,…) et/ou régulation. Un enclosure, quelle quelle soit, se représente par un système. Ledit système revêt un niveau de complexité (variété) qui rend sa maîtrise (régulation) plus ou moins hasardeuse et qui fixe dialectiquement le niveau d’enclosure efficace (en terme de repérage et en terme de filtrage). Le libéralisme donne une réponse «facile» en proclamant que les choses arrivent toujours à s’autoréguler, mais on sait bien qu’il n’en est rien ! Les crises successives qui émaillent l’histoire récente l’attestent à l’envi. Les États et institutions (entreprises, fédérations, organisations, mafias,…) maîtres des enclosures systémiques cherchent donc dans l’extension ou la réduction, le bon niveau, apte à rendre la régulation efficace pour une espérance de profit donnée. C’est la logique soit de l’impérialisme (expansion), soit du régionalisme (réduction). Il s’en suit des controverses sans fin quant à ce degré car il ne représente qu’un objectif « suffisant » et non maximal selon le principe d’Herbert Simon. Vaut-il mieux fractionner la droite en deux, ou la conserver en un seul bloc ? Vaut-il mieux fractionner les espaces fiscaux pour prélever les rentes de situation ou, au contraire, homogénéiser dans un grand espace pour maximiser l’effet d’échelle ?
Le monde est donc confronté à ces conflits d’enclosures opposant sans cesse ceux des États (et dirigeants afférents) qui aspirent à de plus larges entités (privilégiant plus le profit que la régulation) et ceux qui voudraient revenir à des systèmes plus étroits donc plus maîtrisables. Il faudrait que les premiers dotent leurs mandants soit de capacités cognitives plus évoluées pour mieux se mouvoir dans cet univers hypercomplexe, soit d’une capacité d’allégeance telle qu’ils confient sans sourciller le pilotage à des «experts» plus ou moins auto désignés. Les seconds doivent assumer la gestion d’une rente plus limitée en quantité et en durée. Une fois posée, la réalité devient un jeu d’optimisation pour les acteurs footlose, une contrainte pour les résidents ancrés.
Le paradoxe réside dans l’espoir entretenu par tous de cumuler les deux avantages sans les inconvénients. Les mondialistes font l’impasse sur la régulabilité de leur système-monde et voudraient que les acteurs se conforment à des moutons de Panurge dociles. Dès lors, les déséquilibres monétaires grandissants, les taux de chômage inquiétants, les différentiels de fiscalité, les aléas écologiques implacables, sont considérés comme des ingrédients nécessaires à la croissance…. de leur profit. Côté social, la standardisation des valeurs, la banalisation des idées, l’unification culturelle deviennent autant de conséquences (forcément admises) de l’extension de la rente. Les nationalistes, eux, occultent les limitations économiques dirimantes et donc les sacrifices qu’il faut assumer comme prix de la meilleure maîtrise de leur système. Ils doivent également accepter l’idée d’une épée de Damoclès constituée par l’ambition hégémonique des systèmes concurrents ou simplement avoisinants***.
Tout cela ne souffre pas de contradiction. Pour y survivre lucidement il s’avère nécessaire de prôner une culture systémique solide apte à saisir les enjeux, les variables d’action, les variables essentielles,… toutes choses que la méthode cartésienne nous a tu et continue à taire à nos générations en formation.
* être libre comme l'air* La politique obéit aussi à cette logique : Borloo crée l’enclosure UDI pour tenter d’exploiter la rente centriste.*** par exemple, les sociétés traditionnelles africaines n’ont pas résisté à l’impérialisme des systèmes modernes européens.
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31/12/2012
MEILLEURS VŒUX, MALGRÉ TOUT !
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12/12/2012
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'EST
Ce western qui se déroule dans les plaines de la Moselle, autour du fort de Florange, met en scène des personnages classiques. Pour décor, une ville sinistre, grise et pluvieuse. Le héros, fringant jeune premier aux yeux bleu pervenche, déboule un beau matin et harangue les foules en brandissant son colt nickelé Nationalisation. Il possède une réputation enviable de Lucky Luke, acquise lors de la conquête de la marinière de Plougastel. Il fait un tabac et les mineurs, travailleurs et boutiquiers se sentent régénérés face à la menace des indiens Mittal, implacables éradiqueurs d’emplois, scalpeurs de fourneaux, fiéffés menteurs, portés sur plus le profit que le bien public. Des sortes d’Apaches des temps modernes alliés à la tribu des Arcelor dotée des mêmes travers. Mais le sherif Ayrault, austère et lisse comme une crosse de Winchester, labas dans les salons dorés de la capitale, désavoue le cavalier blanc et le rappelle à la garnison. L’homme à l’étoile incarne parfaitement la Raison d’État, froide façon d’habiller les craintes des édiles, hantés par le spectre électoral et les affres de la critique des grands propriétaires aiguillonnés par la dame Parisot. Little Big Man, cow boy d’opérette normal et ayant aversion de bruit et fureur, agit dans l’ombre pour faire cesser cette insurrection. Le charismatique Edouard Martin, porte parole des gens de Florange, tient meeting dans les saloons pour dénoncer la félonie des autorités en rappelant les mensonges passés, les promesses non tenues et les voyages de noce opportunistes. Il est parfait dans un rôle difficile, voué à l’échec. Mais on sent qu’il croit à son texte et il donne du vécu à l’interprétation en miroir du pseudo Lucky Luke un peu trop propre et ne sentant pas bien la poussière ouvrière. Il incarne le courage adossé à l’abime du chômage, l’espérance du désespoir comme disent les condamnés. Le réalisateur ne pouvait oublier le chinois, charognard aux aguets, attentif aux retombées qu’il peut retirer de ces évènements mortifères. Sur son épaule l’oiseau au bec crochu, griffes énormes et œil torve, prêt à fondre sur les proies espérées. Repreneur oui, mais de cadavres industriels bradés à des fins peu avouables.
Le film intègre une seconde histoire, collatérale, destinée à souligner le caractère dérisoire de la lutte des militants. ll donne à voir des épisodes de la guerre de secession entre Lee Copé et Grant Féllon. Images surréalistes de combats fratricides sans égard pour la piétaille qui laisse ses espoirs et ses plumes dans cette lutte pour le pouvoir. Les généraux, campés en lieutenants serviles, contribuent à l’aspect à la fois décalé et dérisoire de cette guerre de chefs.
La fin du western est ouverte, «I’m poor lonesome cowboy… ». On peut imaginer une issue idyllique dans laquelle tous les protagonistes sont francs. Les hauts fourneaux se réchauffent, les travailleurs reprennent le chemin de la coulée d’acier, les dirigeants (privés ou publics, ou privés-publics) trouvent enfin des idées d’innovations comblant le marché. Ou bien, favorable, selon l’idée que l’État assure une sortie de crise apte à intéresser un repreneur moins Rappetout que l’indien à un prix non cassé. Ou bien, honorable, avec des licenciements réduits et des reconversions dignes pour les personnes touchées.
Mais les pessimistes (ou les lucides peut être) imagineront une déconfiture générale, le chevalier blanc, le shérif et little big man floués sur toute la ligne avec calamnity Marine tirant les marrons du brasier.
Les westerns ne sont plus ce qu’ils ont été !!
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