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26/03/2020

DÉBANDADE FERTILE?

Yves Levy vient d'être nommé par E. Macron conseiller d'état extraordinaire c'est à dire qu'il va désormais bénéficier d'une immunité au même titre que les parlementaires. Il échappe ainsi au risque que lui faisaient courir les plaintes au pénal de divers groupes ou ayant-droit quant à ses prises de positions pour le moins contestables sur le traitement de la crise. Quant à l'ineffable Agnès Buzyn, son épouse, elle reprend aussi du service désormais comme conseillère en charge des affaires stratégiques et de la gestion de crise pour Unicancer, qui fédère les 18 centres de lutte contre le cancer français. Bonne chance le cancer!

Je crois, comme Régis de Castelnau*, que lors de la "libération" qui suivra cette guerre virale, des comptes seront exigés. Des dirigeants qui ont manipulé, erré, parfois menti causant indirectement des milliers de morts, devront expliquer les vraies raisons qui ont présidé à la débandade de gouvernance que nous observons. On assiste à la preuve par l'absurde que les compétences de gestionnaire de start up, voire les certitudes des modèles formalisés appris dans les (grandes) écoles ne tiennent pas face aux grosses crises générales. Ces pseudos corsaires de l'économie mondialisée ressemblent à des régatiers de mer étale qui, pour aller plus vite, ont supprimé des pièces, des sécurités, des morceaux de ceci ou de cela au motif qu'ils ne servaient pas vraiment mais alourdissaient la barque. Ils paradaient ainsi, souriants sur la proue, méprisant les plaisanciers lucides gérant leurs traditionnels rafiots. Sauf que lorsque l'océan se  déchaine, qu'il avoisine le tsunami, les belles embarcations tanguent, de délitent, en un mot ne tiennent pas la mer! Combien de marins, combien de capitaines partaient ivres d'un rêve héroïque et brutal: la croissance! Et prédisons qu'ils couleront par une société sans fond et une économie sans lune (Océano nox). Comme le Titanic, ils ont pris en pleine face un iceberg infinitésimal (le corona) mais virulant! 

Trêve de métaphore, le réveil s'annonce difficile! Et (peut être) source de deux révolutions.

La première observera un retour sur image! L'État retrouvera la place qu'il n'aurait jamais du quitter, celle du régulateur les biens communs et des services régaliens. Le marché vient de livrer de façon éclatante ses turpitudes tant génériques que découlant de la mondialisation. Sous nos yeux, la Chine tousse et le Monde s'arrête privé de tout ce que nous avons trop vite sacrifié au principe ricardien**. La gestion orientée par la concurrence sans frontières, c'est à dire par le prix, disqualifie, de rognures budgétaires en rognures budgétaires, des services indispensables comme, à l'évidence, la santé. On magnifie les stocks tendus, la sous traitance expatriée, la compression du coût du travail jusqu'à l'absurde. Même celui qui singeait Jupiter se reconvertit (du moins en discours!) espérant que les sans dents et les sans masques oublieront qu'il fut, hier, un maitre flibustier de l'État providence.

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La seconde révolution prendra un chemin différent, une voie plus raisonnable dont la valeur première sera, je le souhaite, la lucidité sociétale. Je ne parle pas d'écologie car, à mon avis, il y a là une dérive semblable à celle que nous a imposé le néolibéralisme. Pour revenir à mon allégorie marine, la généralisation de la barque catalane avançant à la partègue ne me parait pas plus réaliste que l'usage généralisé des multicoques à foil pour transporter lucidement des gens. S'il existe un problème écologique aujourd'hui cela provient du fait que la dimension sociétale n'a pas été intégrée systémiquement aux diverses décisions depuis (au moins) les années 80. Cette démarche exige de bien définir collectivement les "communs", c'est à dire à l'aide d'un modèle démocratique qui fonctionne autrement qu'en conduisant à une gouvernance clanique.

Cette voie est connue, des versions praticables existent. La violence des théoriciens du néo libéralisme et ces adorateurs les ont maintenues dans une marge confidentielle et souvent stigmatisée. Qui a défendu les auteurs, les professeurs, les penseurs proférant un autre discours que la compétition reine et la coûteuse inutilité des services publics? Qui a manifesté lorsqu'on effeuillait allègrement des biens publics? Ainsi, le salut de nos sociétés dont on est en train de vérifier qu'elles étaient mortelles comme disait Valery (Paul, pas Giscard!), peut (doit?) s'emparer rapidement de l'opportunité de la "libération".

Bonne chance!

 

*https://www.vududroit.com/2020/03/pandemie-le-jour-dapres-sera-celui-des-comptes-radical-et-sans-concession/
** D. Ricardo. La théorie des avantages comparatifs

26/02/2020

J'AI HONTE

Avons-nous perdu le sens de l’appréciation des faits sociaux? Les médias qui sont le miroir dialectique de l’opinion l’ont-ils à ce point bafoué qu’ils deviennent incapables de traiter avec lucidité l’impact réel desdits faits?

Ainsi voit-on la presse écrite et numérique française se répandre sur un fait divers presque sans conséquence et « oublier » un début de génocide.

Le fait sans importance consiste, pour un candidat aux municipales de la capitale, à se faire prendre en défaut par le biais d’une vidéo sexuelle à l’aune d’une démarche qui est banale pour les ados. Tous les « informateurs » parlent de grand danger pour la démocratie et en débattent à longueur d’antennes ou de journaux. Pas moins! Certes, l’intrusion médiatique dans l’intimité de chacun s’avère un problème gênant. Mais de là à évoquer la faillite démocratique, surtout par ceux qui bafouent l’expression de l’opinion via une répression pour le moins appuyée et se préparent à nier le vote contestataire normal dans le bi camérisme par l’usage d’un procédé foncièrement anti démocratique (le 49-3), il y a problème.

Grivaux chutant du piédestal arrogant sur lequel l’avait placé Macron, n’est-ce pas une péripétie banale? Certes le scénario parait accrocheur, mettant en scène le méchant anarchiste au visage buriné et à l’accent raspoutinien se présentant comme redresseur de torts, la vamp bourgeoise dévergondée mais qui endosse l’habit de naïveté, le troisième homme polymorphique qui brule sa caste… Il ne manque qu’un peu de vert écologique.

exode.jpgAlors qu’en même temps (l’expression est à la mode) des milliers de gens, hommes, femmes, vieillards, enfants, malades,… errent sous les bombes quelque part au nord de la Syrie fuyant vers un quelque part qui n’existe pas encore… Ou pourrissent dans des camps de réfugiés humainement indignes aux frontières de pays qui fut le leur. Dans l’indifférence de nos médias c’est grave, mais aussi de nos gouvernants c‘est plus inquiétant.

J’ai honte à la démocratie puisqu’il faut y faire référence! Une démocratie au nom de laquelle nous (la France, avec les US, la Russie et la Turquie) avons désintégré un pays qui fonctionnait avec ses turpitudes certes, mais avec un équilibre faisant que les gens ne mourraient pas sous les balles, les bombes, la faim, le froid, la maladie. Au nom de laquelle on a fait rêver des populations pour les laisser crever une fois qu’elles se sont trouvées prise au piège de la guerre.

Et ne me dites pas qu’il s’agit de jihadistes ceux qui entassent sur des camionettes hors d’âge des matelas, des cages d’oiseaux et tout un attirail de familles pauvres. Bien sûr qu’il en existe. Quel meilleur terreau que les populations déboussolées!

Ne me dites pas que nous le savions pas. Que nous ne savions pas que les Russes ne laisseraient jamais leur débouché pétrolier de Lattaquié. Que des Turcs ne voudraient jamais d’un territoire kurde à leur porte. Que l’Iran ne tenterait pas une action qui favoriserait son grand dessein. Que les intoxiqués de religions alternatives jetteraient de l’huile sur le feu. Qu’Israël….

J’ai honte de voir instrumentalisé un terme comme la démocratie à des fins de couvrir des faits divers petits bourgeois. Comment faire œuvre pédagogique par rapport à un jeunesse qui a déjà tendance à fuir la formation civique et historique en fourvoyant les valeurs républicaines au niveau du secret de la braguette!

Jaurès réveille-toi, ils sont devenus insanes!

10/01/2020

PENTE GLISSANTE

On assiste actuellement à des tentatives de maitrise de systèmes dynamiques complexes. C’est à dire des systèmes à multiples variables qui évoluent (assez) rapidement. La plupart des gens ont la tendance majoritaire de traiter cela par des modèles (schémas logiques) issus de la mathématique du continu (en gros on extrapole des tendances avec des hypothèses, jugées vraisemblables). Alors que l’on se situe dans d’autres univers (topologie).

Prenons pour commencer, dans l’actualité qui nous est proche, la réforme des retraites. Michel Rocard disait d’elle «Il y a de quoi faire tomber cinq ou six gouvernements dans les prochaines années». Imaginez que cette réforme touche, a minima, au social (lutte des classes), au genre (hommes, femmes), au générations (arbitrage jeunes, vieux), au travail (coût), au loisir (combien d’années de repos), à la santé (durée de vie, life quality), à la pénibilité, à l’économie (cotisation, impôt), aux finances (répartitions, capitalisation)…

Dans le cas de ces systèmes composés d’une multitude de variables floues quant à l’importance respective que chacun leur donne (selon que vous serez puissant ou misérable, ouvrier ou patron, femme ou homme, vieux ou jeune, malade ou en bonne santé, syndicat ou État,…) la négociation devient injouable, chacun usant d’arguments soit-disant objectifs mais totalement subjectifs en fait , car contingent à son statut.

Alors s’impose (sciemment ou non) le concept de « pente glissante », stratégie mise à jour par Douglas N. WALTON*. La métaphore fait penser à un individu qui ferait un pas sur ladite pente et ne pourrait plus se rattraper. La pente glissante sert donc d’avertissement contre toute formes de changements susceptibles de générer d’hypothétiques circonstances fâcheuses. Or, comme il est impossible de prévoir de manière exacte les conséquences futures d’une réforme complexe, chaque négociateur va se maintenir auprès de ce qu’il croit (à tort ou à raison) la meilleure solution, en refusant obstinément de s’engager même un peu dans la proposition de son opposant.

ret.jpgIl existe plusieurs types de pente glissante.

Le premier type, le sorite (sorites slippery slope), exploite le manque de précision d’un concept-clé du débat. Souvent considéré comme un simple paradoxe logique, le sorite utilise l’imprécision d’un concept afin d’en tirer profit. Ainsi la notion de pénibilité est floue, la notion seuil de pauvreté est relative,… où mettre le curseur? En plus, si l’un des joueurs (l’État ?) brouille volontairement les éléments du choix.

Le deuxième type de pente glissante s’appelle la pente glissante causale (causal slippery slope). Elle consiste à prédire une série d’événements distincts en formant une chaîne causale dans laquelle chaque étape est la cause de la précédente (si alors-alors-alors,…). Cet « effet domino »,  tente de montrer que la première étape engendre graduellement et nécessairement des effets négatifs dont il est très difficile de s’extirper. Il s’avère donc dangereux de prendre la première mesure puisqu’elle va « implacablement » entrainer ces désagréments.

Le troisième type de pente glissante, la pente glissante par précédent (precedent slippery slope), fonctionne en affirmant qu’un cas peut être cité plus tard de manière à servir d’appui pour l’autorisation d’une nouvelle règle, vis-à-vis d’un nouveau cas. Il s’agit généralement de décider si on pourra ultérieurement modifier la règle préexistante en s’appuyant sur un fait passé, ce qui peut amener à des abus.

Enfin le dernier type de pente glissante est la pente glissante complète (full slippery slope), un argument combinant les trois autres types de pentes glissantes. La pente glissante complète se présente alors comme un réseau argumentaire qui fait intervenir huit composantes interdépendantes : l’argument tiré de la gradation, l’argument tiré des conséquences, le raisonnement pratique, l’argument tiré de l’analogie, l’argument tiré de l’opinion populaire, l’argument tiré du fait précédent, l’argumentation causale ainsi que le sorite.

Le négociateur jouant le prétexte de la pente glissante doit montrer que, si le nouveau règlement est adopté, les conséquences à court terme sont claires, avérées et négatives. Il doit également jouer que les conséquences négatives à long terme s’avèrent plausibles, et toujours pénalisantes.

Les arguments stratégiques de la pente glissante exploitent cette peur des abus futurs de la manière suivante : ils affirment que, si la réforme demandée est acceptée, elle sera le premier maillon d’une chaîne menant progressivement à des conséquences catastrophiques. 

Ces stratégies sont donc très présentes dans les débats relatifs à des enjeux majeurs où il s’avère très compliqué de donner des certitudes chiffrées incontestables. Le cas du système de retraite en est l’illustration aveuglante, et les errements du gouvernement dans l’argumentaire contribuent à conforter les syndicats dans le blocage global comme volonté de ne pas s’engager sur la pente glissante. L’errement à donner un simulateur exact des pertes ou gains futurs engendrés par la réforme contribue amplement à refroidir les syndicats quant à leur adhésion.

Pour sauver leur face ils évoquent selon, l’argumentum ad ignorantiam (quand on ne sait pas on s’abstient), l’argumentum misecordiam (les pauvres pauvres vont encore s’appauvrir) voire l’argumentum ad populum (appel à un vote populaire, référendum).

Leurs opposants invoquent l’égalité. Ou l’équité. Ou, peut être une inégalité acceptable. Avec une aporie majeure de trouver un ppcd (plus petit commun dénominateur) à cet ensemble éminemment disparate quantitativement et qualitativement des situations/carrières. En l’occurence ils ont trouvé le point, une unité composite et évolutive qui ne saurait rassurer. Est-ce un compteur d’universalité? Est-ce une référence sanctuarisé? Est-ce un stratagème pour ajuster à la baisse (Fillon)?…Oui, mais, il faut (peut-être) pondérer par la pénibilité. Qu’es à co? Pénibilité physique (durée, bruit, nuit, charges, environnement,…), pénibilité intellectuelle (tension nerveuse, exigence, disponibilité,..). Déjà pour accepter ce critère il faut tomber d’accord sur son contenu, son évolution, sa pérennité.

Déjà on hésite beaucoup avant de faire un pas sur la pente savonneuse. Et on hésite d’autant plus que le système actuel qui nous gère s’avère bénéficiaire (avocats, Opéra de Paris,..). Quant u financement, l’argument du déficit ne possède pas un poids déterminant pour une majorité d’individus. On ne peut pas leur en vouloir quand on leur dit par ailleurs que la BCE déverse régulièrement des dizaines de milliards d’euros.

« Pour réussir une réforme aussi ambitieuse, il faut de la clarté sur sa finalité, sur ses paramètres, sur la gouvernance future du système, et, enfin, sur les conditions de la convergence des régimes existants. Cette clarté a manqué… »**

Plus généralement pour s’attaquer à une réforme d’importance sans que ne s’engage le dilemme de la pente glissante il serait nécessaire d’établir au préalable une confiance solide entre l’État réformateur et les publics concernés. Or, le climat en France ne reflète pas cette confiance, les trahisons au pire, les promesses fallacieuses au mieux, jalonnent les dernières décennies. L’abstention démocratique lors des derniers scrutins illustre ce déficit. Le diagnostic tient dans un paragraphe datant de… 2013: 

« la réforme de l’Etat supposerait de retrouver une vision, de renouer avec le respect des usages et des agents, et de formuler un diagnostic sur les inégalités nouvelles nées de la crise de notre modèle productif. Les inégalités territoriales de santé, les inégalités de développement humain, les inégalités territoriales d’enseignement secondaire, supérieur et de recherche, sont les nouvelles formes d’une question sociale que la République, pour être en cohérence avec ses principes, ne peut ignorer. Car nous sommes encore à la croisée des chemins : nos grandes villes tirent globalement parti des opportunités de la mondialisation, mais des fractions entières du territoire national voient leurs emplois productifs se retirer, et certains ne tiennent plus que par l’injection de revenus de transfert. Nos écoles, nos hôpitaux et notre parc de logement social, fragilisés par la droite, ont perdu de leur efficacité pour rééquilibrer le jeu social en faveur des classes moyennes et populaires. » ( Matthias Fekl. Réformer l’Etat, regagner la confiance des citoyens. Institut François Mitterand 8/10/2013 ).

Ainsi, la mise en œuvre de grandes réformes restera INÉLUCTABLEMENT contrariée par l’effet pente glissante suscité par la suspicion que l’État veuille nous précipiter dans des affres réelles ou fantasmées.

Le contre exemple s’appelle Trump! Lui, il possède déjà une majorité d’américains acquis quoi qu’il fit. Ensuite il ne joue pas avec la pente glissante puisqu’il tranche avant toute tergiversation potentielle. On tire et on parle après! On pourrait citer Poutine, Erdogan, Assad,… sans dire malgré tout qu’il s’agisse d’exemple à suivre! 

* Douglas Neil WALTON. Slippery Slope Arguments. Oxford University Press, coll. « Clarendon library of logic and philosophy », 1992, 
** Tribune Réforme des retraites: l’alerte des économistes proches de Macron. Le Monde. 9/12/2019

N.B. Cette note a été rédigée avant l’émission « Vous avez la parole », illustration parfaite de son propos.