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06/12/2018

LA FAUTE DE L’ABBÉ MACRON

Tel Serge Mouret, le héros du roman de Zola, Emmanuel Macron jeune candidat d’abord pur et mystique (du moins en apparence) se commet ensuite dans des fautes lourdes que lui causent ses penchants.
    Première faute, l’ignorance (volontaire ou non) de la logique de base des politiques fiscales: le public choice. Selon cette théorie économique il faut que le décideur choisisse entre quatre types de fiscalité:
- la fiscalité à coût diffus et à avantage diffus qui s’avère la plus traditionnelle consistant à prélever un impôts généralisé (coût) pour financer un avantage généralisé concret à l'ensemble de la population (elle répond au principe général de la non affectation des recettes budgétaires). Par exemple, tous les citoyens paient  l’impôt sur le revenu et reçoivent en retour un service gratuit (école, armée, justice,...) ou à coût moindre.
- celle à coût ciblé et à avantage ciblé. Elle  concerne un acte de transfert entre deux groupes l’un finançant, l’autre recevant, en général le transfert allant des riches vers les plus pauvres. Quoique, plus cyniquement, on puisse aussi ponctionner un groupe qui nous est électoralement opposé pour favoriser un groupe qui nous est fidèle.
- celle à coût diffus et à avantage ciblé. Dans ce cas l’imposition pèse sur l’ensemble des contribuables pour bénéficier à un petit groupe (premiers de cordée) que l'on veut privilégier pour une raison ou une autre (ruissellement potentiel).
- celle à coût et avantage diffus. Électoralement parlant, ce type de fiscalité n’apporte pas grand bénéfice surtout lorsque les boni résultants sont soit invisibles, soit à long terme (écologie).
Le gouvernement Macron-Philippe a choisi de mettre en œuvre du type 2 et 3 majoritairement mais en inversant la logique "naturelle", profitant aux classes aisées et en pénalisant les classes peu favorisées. D’où le qualificatif de Macron président des riches! Cette faute politique a frappé l’opinion d’autant plus qu’elle a été effectuée à marche forcée alors qu’il est toujours conseillé de pratiquer les actes et réformes fiscaux avec une lente parcimonie.
Auparavant, les gouvernants maniait l’astuce "c’est la faute de Bruxelles" pour justifier l’alourdissement de la fiscalité. Mais les ambitions du président concernant l’Europe obère cette défausse.
Le prétexte trouvé a été celui du tournant écologique pour faire passer la pilule du transfert des hausses de taxes, de la masse contributive vers les catégories macron-compatibles. En sachant que les gains potentiels (essentiellement qualité de l’air), s’ils existaient, ne seraient pas visibles avant longtemps, le pouvoir s’est tiré une balle dans le pied. La démission de N. Hulot a fini de discréditer ce prétexte (largement fallacieux). Les tripatouillages à la marge nombreux (APL, TH,…) et mal justifiés ont contribué au ras le bol fiscal.
     La seconde faute réside dans l’impression de mépris ou d’arrogance (c’est à peu près du même résultat) appliqué par le gouvernement à tous les interlocuteurs qui portent un jugement critique sur l’action dirigeante. Le président et le premier ministre sont coutumiers de leçon de conduite ou de morale envers des individus "fragiles" (jeunes, retraités, chômeurs,...). La posture d’énarque sachant, raillant le peuple ignorant, s’analyse comme une erreur majeure vis à vis de catégories de personnes qui se vivent déjà comme "mal traités". Des mal traités, trompés par des promesses non tenues, des contradictions, des postures "monarchiques". Les explications rationnelles données selon le discours science-po n’ont qu’une chance infime de convaincre les gilets jaunes. Ce n’est nullement une question de vérité ou pas mais de "branchement compatible", d’empathie. Tolstoï disait: “Chacun rêve de changer l’humanité, mais personne ne pense à se changer lui-même.” Alors la concertation front à front reste une utopie manifeste. D’où le besoin de trouver des instances médiatrices qui développent ces branchements compatibles aptes à déboucher sur des compromis. Encore faut-il les chercher!Pastis.jpeg

         Troisième faute, sans doute la plus dirimante, s’inscrit dans le manque de sens commun dégagé par la politique macronienne. Élu malgré un programme très flou, une fois investi, Macron n’a pas produit un référentiel partageable avec les masses. Or, dans nos sociétés devenues plus ou moins liquides les gouvernants ont la nécessité de donner du sens à leur action*. Cette absence de référentiel idéologique fort dont s’est prévalu le candidat apparait comme un vide pour administrer et, à ce titre, exiger des sacrifices. L’"étiquette" n’étant pas affichée chacun "habille" le président de la République d’une motivation plus ou moins facile: banquier, financier, libéral, néo libéral, progressiste,... "Macron est en réalité l’autre nom de l’uberisation de la société" (M. Onfray), "Macron serait plutôt un Jean Lecanuet qui aurait coiffé le képi du Général" (M. Gauchet), le représentant de la pensée unique (M. Pinçon-Charlot). Fréderic Lordon dit assez justement qu’"on pourrait y voir une parfaite illustration de la souveraineté devenue folle, c’est-à-dire en fait se comprenant elle-même dans la pureté de son concept, comme puissance absolue et absolument déliée, n’ayant à répondre de rien à personne, faisant valoir l’arbitraire de sa volonté comme acte politique par construction licite, le pur "je veux" d’un pouvoir complètement désorbité." **.
Emmanuel Macron lui-même s’enferme dans une verticalité qui certes s’impose pour les décisions régaliennes, mais qui n’a plus de vertu pour les autres décisions. Le "sensemaking", la production collective de sens, dont parle Weick*** ne peut se réduire à des artefacts de gestion, des principes comptables d’équilibre, de maitrise du déficit comme le pratique depuis son avènement le pouvoir macronien. L’idée de manager la France comme une start up ne peut tenir longtemps lorsque se profilent des défis comme l’environnement, l’Europe, les migrations, le terrorisme,... Le citoyen de base, comme dirait B. Grivaux, voudrait savoir (et le cas échéant partager) à quelle sauce son avenir va être accommodé. Le processus de construction collective de sens possède une double visée, pratique et sociale. Pratique, parce que l’individu qui s’engage dans une activité a besoin d’en savoir assez (sur lui, les autres et la situation). Et simultanément sociale, puisque que les projets et les actions des uns et des autres étant interdépendants, ils doivent faire sens ensemble afin de pouvoir  mener à bien le projet.
Sur ce point, en outre, la carence de sens collectif stigmatise un bloc bourgeois bobo cadre-parisien homogène qui focalise la haine des "gens" provinciaux identitaires (au sens de porteur d’une identité locale). Ceux qui chassent, fument, conduisent des diésels, mangent gras et trinquent au vin ou à la bière. On se trouve en rupture de sens entre des  logiques disjointes (comme cela se produit aussi pour le Brexit ou l’U.E..). Quand les gouvernants disent "Nous" beaucoup n’entendent pas "tous ensemble" mais plutôt "notre caste". En plus, le faible investissement idéologique des élus EM sur le terrain n’est pas de nature à rassurer le quidam.
   L’autre faute grossière dans la continuité, se trouve dans la mésestime des spécificités des territoires et de l’incarnation de ces territoires dans des élus locaux dédaignés. La verticalité jupitérienne a transformé ces derniers en contre-maîtres du pouvoir central, privés d’autonomie de gestion par des coupes budgétaires (directes ou indirectes), contraints à s’associer contre leur gré (agglomération) et à qui l’on fait souvent endosser la responsabilité des carences nationales. La mutualisation des emmerdements, comme l’ont dénoncé les maires lors du Congrès parisien! Or, le niveau des territoires représente ce qu’il reste de sens commun après la carence de sens général que nous venons de dénoncer. La trop fameuse oukase des 80 km/h constitue une bourde manifeste vis à vis du monde rural. La fermeture de maternité, d’hôpitaux, de tribunaux,… de tout ce qui fait qu’il peut encore exister des lieux de vie alternatifs aux métropoles déclasse des millions de personnes qui en perdent leur civisme. La suppression unilatérale des emplois aidés renvoie dans le néant des quartiers périphériques où les bandes s’entretuent, voire des centres villes désertés où les maisons s’écroulent.
      Dernière faute le caractère jansénistede son comportement. En se revêtant de l’habit raide de Jupiter, Macron propose au Français une référence contrite, austère, distanciée. Il s'avère le champion de la passion triste. En multipliant ses hommages mortuaires, et ces célébrations mémorielles il met la mort en exergue bien plus souvent que la vie. Convoquant l’histoire à ces fins tout en pataugeant dans des erreurs mémorielles (Pétain) il réussit à s’aliéner des pans entiers d’intellectuels. Engoncé dans des postures sur jouées il perd le crédit du jeune homme sympathique en devenir que beaucoup lui avaient accordé lors de sa campagne. Il se projette dans "l’autre monde" hors sol des gens qui ne rient qu’entre soi.
 
Ça fait beaucoup d’erreurs! Avec ces fautes le président de la République a réveillé l’opinion qui, fort d’un discrédit vis à vis des politiques s’enfonçait dans le "plus rien à foutre". Le gentil peuple qui se couchait, celui que François Fillon avait glorifié en "peuple qui tous les jours va au travail, qui croit à la famille, à l'ordre juste, qui respecte le drapeau tricolore, le peuple qui ne fait pas de bruit, qui a du bon sens", aujourd’hui, sanglé dans des gilets jaunes mue ce désamour en colère et sur réagit jusqu’à l’entêtement. Pour l’instant de façon assez inorganisée puisque les syndicats ne daignent pas accompagner cette jacquerie et sans violence manifeste.
Le droit des citoyens à être bien gouvernés impliquerait de restaurer ce lien de confiance entre le peuple (même si ce terme est galvaudé) et le pouvoir, en adaptant la gouvernance afin de concilier les priorités incontournables avec les attentes des citoyens quant à la pratique d’une démocratie correctement égalitaire. Pour cela les gouvernants doivent prioritairement s’écarter de l’image de rentiers prédateurs qui leur colle à la peau et que le sieur Ghosn n’a pas contribué à améliorer.
Pour finir, du philosophe André Comte-Sponville "Que vaut l’absoluité des principes, si c’est au détriment de la simple humanité, du bon sens, de la douceur et de la compassion ?".
 
 
 
* le sens ne nécessite pas d’être de grande noblesse mais d’être majoritairement partagé (cf D. Trump ou V. Poutine)
** texte publié le 23 juillet sur le blog du Monde Diplomatique
*** K.E. Weick. Sensemaking in organizations. Sage publications. 1995.

06/11/2018

BEETHOVEN OU ZUCCHERO ?

Allez, un dernier coup d’accordéon*!
L'accordéon italien n'a pas l'heur de plaire aux gens de Bruxelles. Il ne respecte pas semble-t-il les canons de l'écriture musicale consignée dans le pacte fondateur européen! Ce n’est pas de la bonne musique néo-libérale telle qu’elle existe dans le traité de Maastrich.
Les gens de Rome ont remis à la mode un instrument que les libéraux anglo saxons vouent aux gémonies: le budget (un peu) keynésien! Il s’agit d’un type d’accordéon dans lequel on peut souffler pour ajouter de l’air comme dans une cornemuse, afin d’avoir plus d’amplitude.
Et ces doctes dirigeants, horrifiés par tant de morgue, promettent aux joueurs ritals un traitement grec. M'enfin!
Mais les macaronis têtus comme un vieil âne sicilien et qui se disent légitimes par élection, ne veulent point changer de partition.Ma qué!
Ils ne veulent pas abandonner le rythme vif de la relance qu'ils ont utilisé dans leur proposition de bal. Ils refusent de persister dans une languissante austérité qu'ils perçoivent comme marche funèbre. Alors on leur colle le qualificatif de populistes au motif qu'ils veulent faire aussi danser les pauvres gens, ceux qui sont un peu chômeurs, précaires, ou tout simplement pas riches. Les vieux plus ou moins retraités qui voient leurs pensions fondre comme beurre sur place de Palerme. Ceux qui n'ont pas accès aux casinos clinquants des crédits, de la spéculation, ceux qui, en un mot, ne sont pas des privilégiés, des nantis comme les appelait Raymond Barre.
La logique d’écriture du PSC (Plan de Stabilité et de Croissance) qu’on tente d’imposer, pêche par manque de souplesse d’adaptation. Il ne tient pas compte des effets cycliques de l’activité (musicale) de chaque zone**. Il n'existe pas une seule vérité mais des identités différentes.
Néanmoins, afin de circonvenir les réticents latins, on leur dit que la Grèce se relève grâce à ces musiques austères.
Sauf que les censeurs bruxellois oublient de citer les ports, les aéroports, les autoroutes,... vendus à l'encan. Ils omettent de regarder les dégâts faits à la société d'en bas, une sidération qui conduit au bout du bout à un accroissement vertigineux des suicides***. Ils occultent le stratagème des banques qui profitent du jeu en favorisant un endettement source de faillite personnelle et de récupération des biens conformément aux subprimes américaines.
Pourtant l'accordéoniste italien ne veut pas révolutionner le monde! Il veut simplement allonger un peu le soufflet pour faire entrer un peu d'air dans l'instrument budgétaire, air utile pour améliorer le sort des suscités pauvres gens. En plus ils ont deux joueurs, un de droite pour le côté des boutons, un de gauche pour les touches de pianos! On a rarement vu cela dans les concerts historiques. Soit l'instrumentiste se situait à gauche, soit il relevait de la droite, soit il tentait un jeu centriste plus ou moins réparti. Et puis, vai a farti friggere, il n'est pas normal que des eurocrates se substituent aux électeurs pour dire ce qui est bien et mal pour la péninsule! Ils paraissaient moins fringants quand il fallait accueillir les migrants!..
 
La situation que nous venons de décrire se déroule sous le regard de spectateurs contrastés. Les gens du Nord (qui n'ont pas toujours dans le cœur...) supportent les censeurs européens en exigeant de la rigueur, de la schlague! Idem pour les gens de l’Est ayant toujours un peu méprisé ces cigales méditerranéennes qui s’accordent aux mandolines alors qu’ils allient tubas et fourmis. Au boulot fainéants!
Les anglais friands de cornemuses aigrelettes bouclent leur Brexit en espérant sous cape profiter de la désunion.
Les français qui, de tous temps ont moqués les macaronis, les babis, les ritals, les christos... dans les cours de récré et les cantines d'usines, jouent les observateurs sourcilleux sans trop se mouiller fort d’un courage macronesque illustré par l’attitude vis à vis des saoudiens.
 
Pourtant il s’agit d’un tournant majeur dans l’histoire européenne, tournant qui révèle l’ambigüité fondatrice de l’U.E.: Si le type de musique que doit produire l’accordéon budgétaire de chaque pays se décide à Bruxelles avec obligation stricte de s’y conformer, alors les joueurs nationaux incarnent des exécutants asservis. Ces derniers ne sont donc pas complètement hors propos en criant au déni démocratique pour leur public électeur.
D'un autre côté, si chacun joue sa musique sans se soucier d’un cadre consensuel on risque d’obtenir une cacophonie!
Cacophonie financière? cacophonie économique? cacophonie sociale? tout est dans le choix harmonique.
Cacophonie financière, cela dépend pour qui. Les banques et institutions financières n’ont rien à perdre et tout à gagner... sauf si l’Italie va jusqu’au clash de la sortie de l’U.E. et de l’Euro. Mais Bruxelles fera en sorte que cela n’arrive pas.
Cacophonie économique certes en cassant l’industrie italienne qui, pourtant, présente une santé et un dynamisme intéressant malgré un euro qui freine ses exportations. En obligeant à vendre des fleurons de cette industrie comme se fut le cas en Grèce.
Cacophonie sociale sûrement en imposant un scénario à la grecque spoliant les classes défavorisées, les chômeurs et les retraités. Pourtant l’accordéon incarne un instrument chéri de cette classe populaire qui tend à devenir introuvable. La coalition italienne illustre par son double extrémisme le résultat scorique de cette déstructuration progressive par l'alliance de ceux que l’on massacre de quelque camp qu'ils vinssent.!Acc3.jpg
Pendant que la fête de Wall Street s'achèveIV*,les medias évoquent un bras de fer entre Rome et Bruxelles. De l’issue de cette lutte sortira l'avenir de l’U.E.: soit l’Union reverra ses bases pour y insérer des ingrédients plus sociaux, une optique moins financière (bancaire) et plus industrielle, un impératif plus écologique. Hélas on a coutume de parler de l’autisme V* de cette union qui s’enferme dans ses certitudes, sourdes aux mouvements de fond qui devraient mobiliser sa lucidité mais qui perdure. Le regard figé sur les élites financières elle n’est pas loin de penser comme M. Thatcher "There is no society", la société ça n’existe pas. Oubliant une classe moyenne qui constitu(ait) le socle de cette société, elle donne cours à une marginalité périphérique hétérogène que l’on voile dans un terme valise de populiste. Alors elle s’exposera à un éclatement permanent, chaque fois que ses contradictions originelles s’enflammeront.
La grande symphonie européenne promise aux spectateurs électeurs, symphonie dans laquelle chacun devait trouver un mieux vivre réel (un bien commun) relève, on le sait maintenant, de la promesse qui n’engage que ceux... La mythique croissance - l'European way of life -  permettant de justifier tous les changements, toutes les ruptures, tous les sacrifices, rechigne durablement à revenir. Le scrutin printanier qui se dessine à l’horizon proche, risque de sanctionner cette attente déçue comme le trumpisme est sortie du malaise du Kansas, Ohio, Oklahoma ou de l’Alabama... tel Aladin de la lampe magique.
 
Dans la symphonie n°4 L’Italienne de Mendelssohn, le final, Saltarello, impétueux et diabolique, est une explosion de bonne humeur. Fait rarissime dans l'histoire de la symphonie : L'Italienne, bien qu'en mode majeur, se termine en mineur tout en relevant d'une dynamique vivace, presque joyeuse. Et l’accordéon exprime toute sa complexité.
 
 
* (voir notes précédentes: Métaphore de l'accordéon et Tango de muerte. On rappelle que l’accordéon symbolise le budget de l’État)
** En période de ralentissement d’activité, un PSC appliqué à la lettre provoque des conséquences préjudiciables à la croissance par une action procyclique négative. Plutôt que des ratios qui ne tiennent pas compte du cycle d’activité, il faudrait une règle économique qui impose le rééquilibrage budgétaire en période de croissance, et qui permette une action budgétaire contracyclique en période de récession ou de croissance molle. Le PSC applique des ratios identiques pour toutes les zones alors même que la notion de soutenabilité budgétaire varie d’un pays à l’autre. Il ne tient donc pas compte des différences de croissance et de taux d’intérêt pourtant essentiels pour déterminer la trajectoire appropriée d’évolution de la dette.
*** Ils ont grimpé de 35,7% sur les mois qui ont suivi les mesures d'austérité renforcées prises en juin 2011.
IV* Le NASDAQ perd jusqu'à 4,5%
V*Ivan Krastev. Le destin de l’Europe. Premier Parallèle. 2017

18/10/2018

TANGO DE MUERTE

Si nous poussons un peu notre allégorie pédagogique de l’accordéon*, intéressons-nous à la production musicale. Si la chose parait évidente concernant un instrument, cette dimension reste problématique pour l’économie nationale et internationale. Jouer de la musique se traduit alors par choisir un registre d’expression soit, en d’autres termes, la finalité de l’action.

Historiquement, au début (on rappelle que l’économie est apparue à la fin du 18ème siècle) le thème de référence s’appelle le welfare (en anglais), le bien être (en français). L’accordéon joue alors des séquences qui rendent les individus plus heureux en améliorant les besoins fondamentaux, les besoins de confort et de culture. La positivité du bilan s’avère alors incontestable. La santé progresse, la culture se généralise,... le bien commun s’étend qualitativement et quantitativement. Puis, dans une prise de conscience de certains (les luddites, ceux qui cassent les machines supposées supprimer des emplois) le qualitatif apparait moins incontestable et le partage du progrès (la répartition) plus inégal. Le processus se poursuit bon gré, mal gré, jusqu’au Club de Rome qui représente la première grande contestation formalisée (chiffrée) de la balance des profits et des pertes du modèle de croissance des pays avancés. Le Club de Rome publiait en 1972 son célèbre rapport (surnommé «Halte à la croissance», dit Rapport Meadows, du nom de son principal rédacteur) . Pour la première fois, un modèle systémique du Monde avait été mis sur les ordinateurs du fameux Massachusetts Institute of Technology (MIT) afin de simuler l’interaction des différentes variables retenues et dessiner ainsi "ce qui avait des chances s’arriver ceteris paribus".  Celui-ci donnait soixante ans au système économique mondial pour s'effondrer.

L’alerte appelant à jouer une autre musique, à faire en sorte que les nuisances mises en exergue (surpopulation, épuisement des ressources, pollution,...) trouvent des limites ou soient mieux maitrisées, ne fut pas entendue. De toutes parts les critiques contestèrent telle ou telle variable, telle ou telle hypothèse, tel ou tel paramètre pour dénoncer le pessimisme exagéré du modèle. Les chercheurs se remirent donc à l’ouvrage pour sortir en 1974 "Stratégie pour demain", 2e rapport du à  Mesarovic et Pestel tout aussi inquiétant. Mais comme il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, on se dépêcha d’enterrer les deux avertissements majeurs.

Toutefois la fin des trente glorieuses se dessinait. Un bruit parasitait la musique un peu comme un effet Larsen. Il s’agissait de l’inflation. Mais, comme il existait encore une certaine latitude, on agitait le soufflet alternativement d’un côté puis de l’autre. Le stop and go résultant fit gagner quelques années, mais les choses empiraient malgré les subterfuges monétaires et autres inventions technocratiques (non convertibilité du dollar, serpent, ecu, montants compensatoires,…)

La musique produite devint de plus en plus cacophonique jusqu’à la fameuse crise des subprimes (2008) et le transfert de la dette bancaire en dette souveraine. Comme toujours, pour masquer la dérive musicale, on inventa un leurre. L’écologie apparut comme une défausse, soit quelque chose dont on parle beaucoup sans faire grand’ chose. Les phrases enflammées prononcées du haut des estrades, des ministères dédiés (mais sans moyens), des conférences coûteuses mais sans suite (Kyoto,…).

A ce jour l’accordéon s’avère un outil budgétaire désuet, alors que les problèmes environnementaux négligés depuis le Club de Rome, s’inscrivent en risques majeurs. Pourtant le budget reste l’acte majeur des gouvernances, celui sur lequel on juge la gestion, globale (équilibre ou non), diversifiée ensuite (dotation des différentes actions). Le verdict de Bruxelles concernant le budget de l’Italie illustre ce propos. Mais est-ce à dire que l’U.E. représenterait un modèle budgétaire de référence?

En Europe on a constitué un orchestre d’accordéons hétéroclites mais sans chef d’orchestre et sans harmonisation, ce qui aboutit à des prestations parfois pires que si chacun jouait en solo. Existe seulement une "boite à sons", la BCE qui rajoute un fonds sur la musique jouée par chaque concertiste.


Voilà à peu près le montage qui nous gère. Qu’en penser?

Il semble à peu près certain qu’une grave crise financière éclatera bientôt afin de tenter de crever les bulles toxiques qui empoisonnent les relations internationales. Il est acquis que les USA joue une partition imposée par Trump "América first", que la GB ne sait plus vraiment dans quelle formation elle s’inscrit. Que les mouvements contestataires montent un peu partout dans nos campagnes et qu’il arrive bon gré mal gré des vagues de migrants qui posent des difficultés aux gouvernements en place. Le GEIC joue la même partition que le Club de Rome avec le même mépris en retour. 

Pourtant, le bal de l’économie libérale s’achève et il faut ramasser les bouses! Le réchauffement climatique, la pollution des océans et des rivières, le démantèlement des bombes potentielles que sont les vieilles centrales nucléaires, les migrations massives, la chimisation de l’alimentation, la biodiversité, la disparition massive des insectes et donc des oiseaux…. Il faut arrêter d’évoquer la responsabilité des autres comme nous le faisons depuis un demi siècle. Il faut jouer une musique puissante et efficace pour, enfin, traiter les problèmes majeurs sans feindre d’inviter des pipeaux avec l’uniforme de ministre de l’écologie et le budget d’une ville de province. L’écologie ne doit pas se situer à part, comme un joueur exécutant sa propre partition et dominé lors de chaque intervention par les cuivres puissants des lobbies (agriculture, agroalimentaire, nucléaire, chimie, automobile,…). Le traitement du problème doit se situer dans chaque décision, dans n’importe quel domaine comme il sied à un problème systémique.

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Car on sait ce que nous devons faire, ce que font paradoxalement les chinois qui ont compris le défi. L’empire du milieu a désormais pris conscience du tournant à accomplir et a déjà entamé sa transition. L’urgence de cette vision/action entame profondément le déroulement du monde actuel, de ses idées, de ses valeurs, de ses courages ou faiblesses. Tant des individus confinés dans leur individualité que les gouvernements trop impliqués dans le vieux réseaux immuables. A ce titre j’ai bien peur que la nécessité ne soit imposée. 

Soit par la force de dictatures sorties de nulle part mais traitant ainsi - et comme toujours - les problèmes de fond laissés en jachère, soit par un séisme majeur (explosion d’une centrale nucléaire avec réaction en chaîne). C’est l’avis de personnalités que je respecte et qui vont de l’expert Paul Jaurion au chevelu Aurélien Barrau. "Vous qui entrez ici perdez toute espérance" disait Dante dans sa comédie pour décrire les enfers.

Et si l’accordéon égrenait un tango de muerte?

* voir note précédente