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04/05/2017

ÉLUCUBRATIONS ÉCONOMIQUES

(Vous savez que de temps à autre je rencontre Gus, mon ami ex pilier de rugby, avec qui je devise. Je vous rapporte la dernière conversation.)

 

Reb. Salut mon ami, comment tu vas, depuis le temps ? Tu hibernais ? 

Gus Non j'étais en Lozère, ce qui est a peu près pareil. Je vais pas mal, merci… mais il y a ces sacrées élections et je n'en dors plus. D'ailleurs tu vas me renseigner sur un ou deux trucs qui me turlupinent.

Reb. Avec plaisir si je peux t'être utile!

Gus Primo, cette invention de revenu de base, ou universel, je sais plus, du gars Benoît, ça tient la route ou non?

 Reb. Le revenu de base n'est pas une invention dernier cri. L'idée date du milieu du siècle dernier et est évoquée par les économistes aussi bien de droite que de gauche, ou plutôt aussi bien libéraux que dirigistes.

Gus Ah bon! Je croyais que c'était un truc neuf strictement de gauche!

Reb. Pas du tout! Le pape du libéralisme, Milton Friedman, le préconisait sous forme d'un impôt négatif. C'et un peu compliqué à expliquer sans papier ni stylo… Mais aussi des chrétiens sociaux comme Henri Guitton, ou des philosophes comme Michel Foucault l'ont préconisé..

Gus Mais enfin ça paraît un peu dingue de filer du fric comme ça, sans contre partie.

Reb. En fait il s'agit de préparer le moment où l'emploi se réduira au point qu'il ne pourra absorber que peu de main d'œuvre. Déjà le progrès technique "économise" des postes en augmentant la productivité du travail. Mais se rajoute l'ère du numérique et des robots qui remplaceront les travailleurs. Il faudra alors que l'on permette aux gens de vivre en faisant autre chose que du travail salarié.

Gus Ce n'est pas pour demain!!

Reb. Détrompe-toi, plusieurs paramètres sont en cours pour rendre cette prévision actuelle: la délocalisation qui envoie les emplois ailleurs…

Gus Comme virpoule* en Pologne!

Reb. Yes! Je vois que tu suis. La délocalisation, la robotisation de beaucoup de tâches humaines, les diagnostics et la prise de décision par des ordinateurs, la communication numérisée… et j'en passe comme l'impression 3D, la médecine à distance,… sont déjà opérationnelles.

Gus L'ordinateur ne sera jamais aussi fort que l'homme!

 Reb. Tu te trompes! Prends le médecin. Hier il venait chez toi, connaissait ta famille tes antécédents, ton métier,… Aujourd'hui, il te "traite" anonymement en un quart d'heure maxi, à coup de doses médicamenteuses approximatives, en enfilant les patients. La constitution de bases de données gigantesques (ce qu'on nomme big data) sur l'historique des maladies, sur les corrélations significatives, permettent la médecine prédictive qui en fonction de tes ascendants, de tes maladies précédentes, tes examens, tes symptômes,.. fournira un diagnostic et des ordonnances beaucoup plus fiables que ceux de ton docteur. Imagine!! De la banque à la santé, en passant par le commerce, l'éducation, les médias, l'administration, la sécurité ou encore les transports, le numérique réinvente les métiers, en crée de nouveaux et impose une réorganisation profonde du travail, de la protection sociale et de la création de valeur. Ces chamboulements se traduisent par un besoin de réformes politiques majeures**.

Gus (pensif) Certes… c'est un sacré guêpier!!

Reb. Alors, les gens qui toucheraient le revenu universel, pourraient choisir de faire autre chose à partir de ce pécule basique: du social, de l'entraide, du service, de l'art,… Cela empêcherait aussi la grande misère des SDF et autres exclus. Mais ce n'est pas tout. Cela simplifierait énormément le traitement administratif de l'aide sociale, les régimes différents, les taux différents, les ayant droit, les autres,… Sauf que toute la base du rapport salarial se fissure et ça, les patrons n'en veulent pas, ni, plus généralement, les conservateurs.

Gus Oui, mais ça couterait un bras… qu'ils disent les Fillon, Macron, Mélenchon, Lassallon,…!

Reb. Pas forcément beaucoup plus que l'ensemble des aides qui seraient ainsi supprimées. Il est évident qu'il faut aussi réformer la fiscalité et établir un calendrier progressif de mise en œuvre pour rendre l'affaire viable.

Gus Tu vois, moi je ne le voyais pas comme ça. Je croyais les médias qui criaient à l'encouragement à la fainéantise.

Reb. En plus que c'est assez compliqué à expliquer honnêtement, le revenu universel change beaucoup de choses dans ce que j'appelle la zone de confort médiatique. C'est à dire se que l'on suppose de la connaissance moyenne des téléspectateurs, soit, en économie, pas grand chose! Alors les médias, ils tirent à vue sur les changements profonds, quels qu'ils soient! 

Gus Tu l'as dit! Et alors, pour l'histoire de l'Euro de Marine, ils font pareil? 

Reb. Kif Kif! Il faut vendre un produit et on en fait la pub. On fait donc, par exemple, la pub de l'Euro. Comme la plupart des journalistes sont assez ignares en économie monétaire ils prêchent la croyance générale comme vérité première. Ce conditionnement veut que le Franc (ou toute autre nom que l'on donnerait à la monnaie "nationale" de la France) soit interdit par U.E.. Que seul l'Euro vaille pour les membres de la zone euro.

Gus Et ce n'est pas vrai??

Reb. Oui et non! Ce qu'impose le traité de Lisbonne se résume à dire que seul l'euro émis par la B.C.E. a cours légal dans la communauté. Il peut donc exister dans cette zone des "monnaies secondaires" qui servent à l'intérieur du pays, l'euro servant alors de monnaie "de premier rang" pour les transactions internationales… ou pour celles impliquant un créancier n'acceptant pas le Franc. Accroche-toi Gus: une monnaie n'a de valeur que par la confiance que les gens lui accorde. Sauf pour celles dont le pouvoir exécutif décide qu'elle a un "pouvoir libératoire obligé". En d'autres termes, si ce que dit Marine se faisait tu pourrais refuser d'être payé en franc mais tu ne pourrais pas si on te réglait en euros. Capito? 

Gus (concentré) Je crois avoir compris. On pourrait même faire d'autres monnaies locales à conditions que les gens les acceptent**.

Reb. Exact! Et le plus fort, Gus, c'est que c'est déjà le cas!

Gus (défensif) Oui, mais closco pelado (il appelle ainsi François Lenglet) te dirait qu'il s'agit de villes, de petites zones.

Reb. Et tu demanderais à ce ravi qu'il te parle du franc CFA! Le CFA qui a cours dans quinze pays - notamment africains - incarne une monnaie "secondaire" ayant cours dans ces pays, l'Euro étant monnaie à usage international, lui même monnaie secondaire par référence au dollar ayant seul, valeur universelle. Ainsi le franc CFA émis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest («XOF»), le franc CFA émis par la Banque des États de l’Afrique centrale (« XAF ») et le franc comorien émis par la Banque centrale des Comores (« KMF ») doivent être compensés en euro au-delà de leurs zones respectives. Tu pourrais aussi lui demander ce que représentait le Deutch Mark, si ce n'est une monnaie secondaire par rapport au dollar, et ça depuis les Accords de Washington en 1971…. 

Gus (ébahi) Tu m'en bouches un coin! Mais tu es en train de me dire que le programme du FN tient la route?

Reb. Tu connais mes opinions et ce n'est pas du tout cela que je dis. Il y a le discours, et les éléments du discours. Ces derniers devraient rester exacts sinon on verse dans la propagande. Ce que je dis insiste sur le conditionnement des gens par un discours martelé dans la zone de confort des médias majeurs et qui habille de miel ou de fiel selon, les éléments de programme des candidats. Ainsi le revenu universel d'Hamon a été voué aux gémonies….

Gus (taquin) Qui sont ces gens?

Reb. Déconne pas!... A été trainé dans la dérision parce qu'il gênait. Et la proposition de Marine de relancer le Franc ne mérite pas plus la critique méprisante dont elle fait l'objet. Je ne dis pas que c'est la panacée mais que c'est envisageable. Ce que je dis, par contre, c'est que nous sommes manipulés par un conditionnement mental qui s'avère le premier responsable du fait que nos esprits ne sont pas propices à recevoir (et émettre) de nouvelles idées de nouvelles façon de vivre le monde. Comme il s'avère plus facile de pérorer dans un domaine mal connu du fameux "peuple", l'économie devient le champ préféré de ces manipulations. Tous les programmes pourraient trouver une critique objective y compris dans ce champ. Mais, au lieu d'évaluer des mesures sociales, des mesures à valeur ajoutée humaniste ou culturelle, au lieu de soupeser sérieusement les engagements écologiques affectant notre environnement et notre santé (la vraie raison de la Politique), les medias préfèrent manœuvrer des concepts économiques. Rappelle-toi, il y a quelque temps on ne parlait à longueur d'antenne que d'agences de notation, des AAA, des AAB-,.. On effrayait l'opinion avec ces notes. Aujourd'hui, oubliées! Passées de mode!

Gus (acquiesçant) En effet, on n'en parle plus du tout!

Reb. Cet usage carambouillé…

Gus (admiratif) J'aime bien quand tu emploies des mots compliqués…

Reb. Cet usage, concerne les médias certes mais aussi les candidats qui ressortent quand cela les arrange des mécanismes vieux comme Hérode transformés en dernières nouveautés.

Gus (interrogatif) Par exemple?

Reb. Tiens, le multiplicateur d'investissement de Mélenchon. Ça date de Keynes, pour une économie de l'époque, c'est à dire assez fermée. Sauf qu'à l'écouter il donne l'impression d'un jack pot automatique où il suffit de mettre dix pour avoir quinze (ou vingt)!

Gus (mystique) La multiplication des pains, Jésus il nous a déjà fait le coup!

Reb. Tout ça revient à faire de l'économie une poudre de perlimpinpin que l'on jette aux yeux de l'opinion soit pour l'éblouir, soit pour l'aveugler. Il s'agit de l'ingrédient majeur de la manipulation de masse qui évite de parler de l'essentiel.

Gus Pourtant il existe des experts économistes qui attestent!

Reb. Attestent quoi? Des avis pas plus! En fait, la plupart de ceux qui disent attester ont pris parti et dès lors apportent de l'eau au moulin de leur préféré(e). On se trouve dans le même cas que lorsque des profs de médecine appointés par des labos valident des médicaments des mêmes labos. On appelle ça des "putains académiques".

Gus (amusé) Je kiffe quand tu montes en pression! Et, toi, que dirais-tu pour que l'économie aille mieux? Tu as un remède? Ne me sors pas un mécanisme hyper compliqué!

Reb. Je vais te surprendre, Gus! Il ne s'agit pas d'un xième remède miracle mais d'un truc tout bête: il suffirait que tous les acteurs économiques, je dis bien tous, se mettent à l'optimisme. On appelle cela des anticipations auto réalisatrices. René Passet**** disait "Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise décision en économie, mais des décisions dont tout le monde pense qu'elles vont réussir… et les autres". Je suis persuadé qu'une vague générale de positivisme en France ferait bondir la croissance de 3 ou 4 points, ceteri paribus, toutes choses égales par ailleurs si tu préfères.

Gus Je préfère! Ça paraît simpliste mais à y réfléchir ce n'est pas faux.

Bon, il faut que j'y aille. Avant, crois-tu que Marine a des chances?

Reb. Non! Cette présidentielle a été conçue pour se faire à un seul tour, M. le Pen jouant le rôle de diable-repoussoir. Depuis le début le seul enjeu consiste à trouver le futur gagnant. Ensuite, comme droite, gauche, centre, et autres religions vendent la peur du populisme… c'est pré-joué. Le libéralisme a pré-gagné!

Gus (fuyant) Je crois que j'ai pigé! P…. ça me fout la chair de poule. Salut, à plus.

 

* Gus veut dire Whirlpool
** (http://www.latribune.fr/economie/france/elites-politiques-et-numerique-le-grand-bug-556595.html)
*** Pour ceux qui sont intéressé voir P. Derudder & A.J. Holbecq. Une monnaie nationale complémentaire. Ed. Yves Michel. 2011. Pour les encore plus intéressés, cf Bernard Lietaer. Au cœur de la monnaie. Même éditions. 2011.

**** Professeur d'économie qui a été un précurseur dans l'économie systémique et l'écologie.

11/04/2017

DISSOCIATION COUPABLE

Les parjures symbolisent la contradiction fondamentale dans laquelle la démocratie se débat depuis Platon et Aristote.

Remarquons qu'il existe une gradation de l'acte déclencheur: promesse, prêter serment (jurer est un verbe  performatif), jurement rituel, jurement ordalique… Promettre est considéré (surtout en politique!) comme un engagement mineur ("les promesses n'engagent que ceux qui les croient"). En ce sens les politiciens font beaucoup (trop) de promesses. Plus lourd s'avère l'acte de faire serment car il évoque beaucoup une dimension judiciaire (prêter serment sur le code civil, sur la bible,…). On parlera de jurement lorsque on aura affaire à un engagement à sanction populaire, juridique, divine ou ordalique comme cela existe chez certains peuples notamment Mwiri au Gabon*. Cet acte relève soit du serment assertoire, soit du serment promissoire, pour reprendre une terminologie juridique qui distingue entre le serment qui porte sur un état de fait passé ou présent sur lequel le jureur s’engage à dire la vérité et celui qui porte sur une action future que le jureur s’engage à accomplir.

Par rapport à cet acte "d'honneur", la diversité des mensonges parait infinie.

Peut être est-ce ce qui explique qu’il n’existe pas, en droit positif, une infraction de mensonge unique, mais un faisceau de répressions d’attitudes mensongères. Des actions en justice (civiles ou pénales) sont envisageables en théorie et permettent soit d’engager la responsabilité (contractuelle ou délictuelle) des menteurs, soit de les condamner.

En pratique, l’hypothèse du mensonge perpétré par un homme politique interroge au plus haut degré l’équité (à chacun selon son dû) inhérente à la justice. En effet, les tentatives de justifications du mensonge en politique qui prennent des tours parfois surréalistes, heurtent d’instinct l’opinion publique.

Sauf qu'à à trop mépriser cette dernière, il ne faudrait pas que la condition politique (politicienne) ne deviennent, à cause du mensonge même, de ceux auxquels on attache une idée d’abjection ** (tous menteurs, tous pourris!).

Celui des politiciens(ennes)  qui se parjure à l'un des degrés précédent rompt l'un des arcanes majeurs de la démocratie représentative: la confiance accordée sur parole. Le fait-il par obligation, par intérêt, par malversation, ou par schizophrénie?

Laissons les deux premiers qui se comprennent facilement, l'un par le jeu de contraintes nouvelles apparues (la crise, l'Europe, les méchants,…), l'autre par goût des honneurs ou de l'argent. Laissons encore la malversation qui relève du droit et donc de la justice, mais qui ont souvent du mal à s'exercer eu égard à l'immunité dont jouissent certains élus. Reste l'affection du sens, la perturbation du jugement appelée schizophrénie.

François Fillon est-il schizophrène***? Sans doute pas, mais il souffre, semble-t-il, d'une dissociation de ses fonctions freudiennes. Cela expliquerait d'abord qu'il puisse avoir parfois fauté ex ante tout en redevenant ex post un "père la vertu" et regardant ces fautes comme mineures ou relevant d'un double. Il s'agit d'un déni de dissociation du moi*** assez fréquent. Sauf que dans son cas cela se produit devant quelques millions de gens attentifs au moindre écart.Dissoc.jpg

Au sein de l’individu, les parties primaires servent ses intérêts étroits, ceux de son ego jouisseur. Leur logique égoïste menée par ses pulsions et ses émotions vise en priorité à établir sa domination, à assurer sa sauvegarde, son plaisir le plus grand, sa satisfaction immédiate, sa jouissance sans souci des conséquences de ses excès.

A l’inverse, les parties évoluées du même individu sont guidées par des valeurs transcendant l’ego, valeurs inspirées par l’être relationnel qui est (aussi) en soi : justice, respect, équité, fraternité.

Autant les parties primaires sont sans vergogne, s’accommodant de tous les petits ou grands arrangements servant l'intérêt étroit, autant les parties évoluées ne sauraient, mentir, tricher, profiter,… sans que la raison vienne poser son holà.

L'individu "normal" parvient à gérer la dichotomie ci-dessus en réajustant constamment de façon que la sphère évoluée maîtrise la part primaire, dans les limites qu’imposent les valeurs de justice et de respect. Il faut parfois l’aide d’un tiers ou d’une autorité pour rappeler à l'ordre lorsque ce réajustement tend à s’égarer. On peut même évoquer la thèse de Nina Mazar, professeure à l’Université de Toronto affirmant que "La recherche en neurosciences et en psychologie a montré qu’il existe dans le cerveau humain de puissants mécanismes internes de récompense aux comportements vertueux".

Mais, dans le cas des "hommes de pouvoir", la dérive narcissique qui les affecte presque inéluctablement à partir d'un certain temps, anesthésie la fonction régulatrice et autorise des "dérapages". De Cahuzac à Sarkozy en passant par Le Roux, la liste serait longue des dérapeurs!

Parfois le sujet arrive à "couper en deux" une histoire personnelle par commodité. C’est Docteur Jekyll et Mister Hyde au quotidien, président Mitterand et François de la rue Mazarine.

Quant à Manuel Valls qui se parjure après la primaire, ajoutons encore s'il le fallait, le concept d'Onaa provenant de l'hébreu, développé par Henri Atlan (De la fraude. Le monde de l’Onaa Seuil. 2010) qui traite notamment du rapport que les individus entretiennent avec la vérité. Cette dernière s'avérant plus un "curseur autour" qu'une réalité immanente, l’Onaa représente une fraude à la limite du licite, différente en cela du vol, du dol et de la fausse monnaie. Il s’agit d’un domaine intermédiaire entre vérité absolue (de la réalité, de la parole) et la dissolution totale dans la fraude et le mensonge généralisé. Ces zones floues sont nombreuses et suscitent des tricheries, des mensonges par omission, des arrangements. Où commencent exactement les trucages? Leur protagoniste discerne-t-il entre ceux qui sont pardonnables et ceux qui ne le sont pas? Y voit-il le mal ou un simple dépassement des bornes strictes (passage à l'orange)? Valls se défend d'avoir trahi en revendiquant que son rattachement à Macron relève d'un "intérêt général" pour la nation. Pourquoi pas. Mais alors il fallait qu'il démissionne du PS qui était gardien, me semble-t-il, de l'engagement des candidats à la primaire.

Il se rajoute à ce problème le rôle des "croyants", ces fans du sujet qui l'idolâtrent au point de tout leur pardonner et de brandir la théorie du complot pour effacer le dérapage. Ils constituent un bouclier à la raison et légitiment le déni de la faute (la foule du Trocadero, les électeurs de Levallois). Tous ceux qui, éblouis, acceptent de le suivre croient à la malfaisance des médias, de la justice, des comploteurs, du Malin,… jusqu'à faire douter le "messie" qu'il a bien enfreint les limites (le "Et alors?" de F.F.).

Sauf que nous vivons une période de médiatisation concurrentielle dans laquelle tout est apparemment permis tant en prospection qu'en publication. Dès lors, soit la personne "dissociée" possède un vrai pouvoir de censure, soit elle coupe court en se retirant du jeu (attitude fréquente dans les démocraties anglo saxones ou les scandinaves), soit elle subit l'étalage cruel de ses contradictions coupables. La sanction des écarts va de la réprobation par la vox populi, jusqu'à la condamnation par la justice, en transitant (parfois) par la sanction électorale.

La seule morale (sans jeu de mots!) à retirer de l'histoire est que, comme personne ne peut assumer la perfection, le rôle de dirigeant politique s'avère personnellement et juridiquement risqué. Mais il s'agit de l'implacable contrepartie de l'ivresse du pouvoir et de la richesse de la rémunération. Nul ne peut, a posteriori pleurer des larmes de caïman!

 

* cf Julien Bonhomme: "Ce que jurer veut dire : les conditions rituelles de l’efficacité du discours" (2014)
** La sanction juridique du mensonge politique. Proposition de droit comparé dans le temps; Élise Frêlon. Institut pour la justice. Tribune libre n°8; Avril 2015
*** Pour Marine Le Pen le cas est à mon avis différent puisqu'elle joue sur un différentiel d'interprétation des faits. Elle ne les nie pas.
**** cf S. Portnoy Lanzenberg. Vous avez dit schizophrène… Le Monde des lecteurs. 09 avril 2013

23/03/2017

RUGBY AGRICOLE

Le rugby a longtemps été un marqueur fort de l'identité. Il racinait dans les bords de gaves pyrénéens, de vallées basques, de monts ariégeois, de marchés gascons, les vignes languedociennes, de rades toulonnaises, de montagnos regalados… Identité protégée par des règles de mutations drastiques qui décourageaient les nomades potentiels et surveillée par des "gros pardessus" friands de foie gras et de belote coinchée. Le rugby s'avérait davantage un outil de socialisation, de politique locale et de promotion afférente, que d'argent. Comme l'agriculture d'ailleurs au temps des paysans!

Comme l'agriculture, le monde de l'ovalie a muté, cédant aux pressions conjuguées de la modernité, de la mondialisation et de leurs logiques de compétition, de rentabilité, d'exogénéité,... La P.A.C. en pétrin de ce malaxage rural qui a transformé les paysages, les exploitations et les gens pour l'une. Le professionnalisme et ses avatars pour l'autre.

L'une et l'autre touchent aujourd'hui aux limites de cette évolution d'essence capitaliste. Les fermes à mille vaches, les emblavures de dizaines d'hectares, les OGM, les pesticides, les importations de haricots du Kenya,.. dessinent un mur de nuisances et de désespérances progressivement insupportable. Le rugby subit des cheminements semblables. Il suffit de substituer corticoïdes et dope à OGM, Samoa à Kenya,.. et on y est! L'agriculture et l'ovalie ne sont plus identitaires mais allochtones et, dès lors, se heurtent à un "point de retournement" comme on dit dans la théorie du chaos. Les "gens", encore imprégnés des mythes fondateurs, s'opposent au franchissement d'une certaine "frontière" marquant le début de l'inacceptable.

Le cash du rugby parisien a fait éclater l'abcès nait de ce point de retournement; Le cynisme des "patrons" ne daignant pas avertir les parties prenantes relève du plus pur mépris des "capitaines d'industries" vis à vis de "la force de travail". Les joueurs des êtres humains? Il s'agit avant tout de gladiateurs consacrés uniquement au plaisir du spectacle d'acheteurs de diffusions, de pub, d'abonnements, de places, de sponsors, de transferts. Des robots bodybuildés certes bien payés mais considérés comme des "machines à sous" pour entrepreneurs désirant se diversifier financièrement. "Cette mutation inéluctable met en porte-à-faux la singularité du rugby qui était de cultiver une exception culturelle indissociablement liée aux éléments de la vie locale, comme la chasse, la viticulture, la bonne chère, la tauromachie. Le rugby est un mode de vie plus qu'un sport basique et disciplinaire" nous dit J.B. Moles*. On retrouve donc le parallèle suivant: jeu > devenu sport > devenu entreprise de spectacle et paysannerie > devenue agriculture > devenue entreprise agro alimentaire. Nous avons, il y a quelques temps écrit sur ce "Hiatus des habitus". Le système du rugby professionnel français défait manifestement ses liens sociaux au profit de liens économiques. L'enjeu social ne pèse rien face à l'enjeu économique. Dans nos campagnes qui n'existent plus guère, balafrées par des routes et des commerces touristiques, seuls les "vieux" parlent encore des langues oubliées, gardent les bêtes comme si elles étaient un peu de la famille et se prêtent à des rites culturels ancestraux. Aux abords des stades devenus omnisports, seuls les "vieux" savent encore ce qu'étaient les troisièmes mi-temps, les vestiaires sanctuaires clos des homélies profanes d'avant mach, les "générales" allumées comme des mèches d'amadou. Ici comme là le plaisir devient travail, seul compte le gain, alors que s'éteignent les sentiments de solidarités qui faisaient l'essence de ce sport.

La péripétie du rugby parisien n'apparaît que comme une manifestation de la situation récurrente du rugby pro en général**.  Projeté brutalement dans un professionnalisme non préparé le monde ovale a cumulé et cumule encore un antagonisme puissant entre des logiques financières et des réminiscences de sociologie territorialisée. Ce grand écart, trouve toute son inconciabilité dans le discours des présidents évoquant "la recherche d'une situation financière viable", parlant de fusion, alors que, les encore contaminés acteurs de cette dernière, évoquent des arguments humains, historiques, amicaux, sentimentaux… D'un côté des chefs d'entreprises raisonnant bilan et trésorerie, de l'autre des amateurs d'un sport fusionnel. Des présidents soucieux d'appliquer des règles entrepreneuriales à un monde qui n'observe pas  tout à fait un comportement rationnel.

Aujourd'hui, la fonction d’utilité d'un club consiste à maximiser le nombre des victoires pour être gagnant, sous la contrainte budgétaire de ne pas faire (trop) de déficit. En effet, l’investissement en joueurs, en vue de gagner le(un) championnat, alourdit les coûts du club dès le début de la saison***; s’il n’est pas suivi de résultats suffisamment victorieux, les recettes au guichet (et autres) ne suffiront pas ex post à couvrir la masse salariale et les autres dépenses inscrites au budget du club. La mégalo de certains présidents se traduisant par des acquisitions de vedettes internationales coûteuses a rendu cette "cisaille" dépenses/recettes totalement prisonnière des résultats. Les perdants à mi saison voient leur équilibre financier virer à l'impossible et, sauf "à remettre au pot", dériver vers le dépôt de bilan. On ne dirait pas autre chose d'une exploitation agricole ayant investi fortement et se heurtant à des baisses imprévues du prix des produits. A ce stade (sans jeu de mots) tout le monde souffre: patrons, employés, usagers… et les assainissements font des dégâts de toute sorte.

Des solutions? Pas évidentes, même s'il existe autant d'avis que de supporters. Pas évidentes par le fait que ce sont les fondements qui font problème. La logique capitaliste libérale qui s'est saisie de ce sport et l'a rendu esclave d'une logique financière déterritorialisée, représente une infrastructure qui semble irréversible. D'une ligue fermée, localisée et régulée drastiquement quant aux mutations on se retrouve avec une dérégulation selon laquelle on peut muter quand on veut, d'où on veut, pour le temps que l'on veut. Dès lors, tant que le pilier georgien ou l'ailier  fidjien à l'instar du plombier polonais ou du laboureur slovaque couteront relativement moins que le joueur français avec une efficacité souvent supérieure (ceteri paribus) on importera massivement de la main d'œuvre. Tant que des présidents médiatisés se paieront, en même temps, des stars (même déclinantes!) dispendieuses pour satisfaire leur ego, on verra certains salaires s'envoler. Tant que l'on sera dans le déni des "adjuvants de forme" et des "préparateurs physiques" on trouvera des pharmacies de campagne au fond des sacs de sport… On pourrait allonger la liste des turpitudes générées par la dérégulation. Et, agneaux de Nouvelle Zélande, OGM et pesticides, le parallèle peut se continuer!

Combien de clubs vont tomber tous les ans avant que l’on réagisse et que l’on cherche des solutions ? Et non plus de l’argent… Combien de défaites ou de victoires à l'arraché l'équipe de France va-t-elle encore subir avant que l'on trouve la martingale qui permettra à des jeunes français d'accéder au rythme international?

Avec l'hypermédiatisation, est apparu un discours économiste à cheval sur la morale et l'exhortation à la concurrence, à la victoire coûte que coûte, à la performance, accompagnés d'une pitoyable transformation des joueurs en icônes publicitaires. Jeu incluant naguère toute l'humanité, le rugby est maintenant un jeu excluant la plupart des morphologies normales****. Derrière les images télévisées du spectacle total, le côté noir des choses ne doit être obéré. Dès l’âge de huit ans, les gamins font des pompes et ne jouent pas au ballon. Il ne faut pas s’étonner qu'ensuite, ils sachent juste poser dénudés dans des calendriers licencieux. Qu’ils parlent mieux "dans le poste" qu'ils ne tiennent en mêlée. Qu'ils avalent des trucs improbables pour compenser!.

Le rugbyman paysan, lorsque les joueurs se partageaient entre un travail et le sport, actionnait d'autres ressorts que le simple argent.*****.

Disons-le tout net, le grand mythe de la dérégulation et de la déspécialisation débouche sur une fuite en avant délétère. Cette débâcle annoncée requiert la réutilisation de frontières qui pourront être lucides et pertinentes grâce à l'expérience des dérives vécues ou entrevues. Frontières du nombre d'étrangers, des budgets, des mutations, du nombre de matchs, contrôles stricts de l'intégrité physique, de la réalité des centres de formation,… le chantier s'avère dense et hypothétique car se heurtant à des enjeux qui le dépassent. Pourtant, dans toute forme d'activité humaine, quand on est coincé entre deux réalités on doit tenter de rebrousser chemin jusqu'au point où on pense s'être fourvoyé. Cochon.jpg

Ceux qui nient tout cela en bloc devraient se préoccuper de la concurrence d'un rugby à sept, devenu sport olympique (ayant donc une audience Mondiale), aux règles plus simples, mobilisant des effectifs (et donc des masses salariales) nettement plus réduits, plus festif, offrant un spectacle plus varié et plus dynamique… Le rugby d'avant celui que célèbrent, Jean Lacouture, Michel Serres, René Char, Pierre Bourdieu, Pierre Sansot, Daniel Herrero et tant d'autres risque de devenir une "chanson de geste" rangée dans les livres d'histoire.

Comme disait jadis Roger Couderc: "Le cochon est dans le maïs"!

 

* La professionnalisation du rugby français. Pouvoir économique et lien social. Sport & Culture.Numéro 3. 1998. Sport et lien social)
** Les clubs parisiens ont déjà frôlé l'abime: cf "Rugby: quatre jours pour sauver le Stade français", 22 JUIN, 2011 humanite.fr
*** Wladimir Andreff. Régulation et institutions en économie du sport. Revue de la régulation. Juin 2007.
***Lettre de Robert Redeker à Guy Novès pour qu'il sauve le rugby français. Sur lefigaro.fr 08/01/2016
****L’œil du Pro – Laurent Baluc-Rittener: "Il faut sauver le soldat R…"; rugbyamateur.fr.