10/02/2008
L'EUROPE EST MAL PARTIE.
L’Afrique noire est mal partie ! René Dumont, dans cet écrit de 1962, pronostiquait ainsi le triste avenir du continent maudit. Ce texte référence m’avait empêché, à l’époque, de faire le cours de « Politiques de développement » dont j’étais chargé, selon les arcanes classiques de mes maîtres et que l’homme au pull rouge stigmatisait comme causes de ce malheur annoncé. L’exercice m’avait conduit à utiliser une approche systémique, alors peu connue, et à produire un enseignement dont je ne suis pas peu fier rétrospectivement.
Ce petit détour pour vous expliquer pourquoi, à mon avis, l’Europe est mal partie en réitérant l’erreur africaine d’économiser un préalable d’impératif fédérateur. En systémique, l’agir impose 1- la mobilisation d’un pouvoir capable de résister aux rapports de forces soulevés, 2- un consensus fort sur les missions transférées audit pouvoir, 3- un type de régulation ad’hoc pour pérenniser les acquis.
L’Afrique ne s’est pas donnée le pouvoir panafricain taillé à l’aune de l’affrontement avec les forces colonialistes (et néo coloniales), n’a pas mis en commun, de ce fait, les enjeux et les moyens opportuns. Et elle a sombré dans un retour aux pires turpitudes des luttes intestines entre plus pauvres que pauvres, entre ethnies, entre tribus . Une lente remontée de la Barbarie ressurgissant des entrailles des peuples déçus et que l’on a pu suivre aussi, avec effroi, à deux pas de chez nous, dans l’ex Yougoslavie ou le bloc de l’Est …
Le parallèle ne se trouve pas dans cette horreur humanitaire, heureusement pour nous, mais dans la procédure. Je vais en dire quelques mots.
Le débat, dont le récent Congrès a spolié les Français, ne porte pas sur le besoin d’Europe mais sur le comment. En effet il est plus qu’évident que nous devons nous doter d’un pouvoir excédant celui d’une nation qui s’avère désormais trop exiguë. Sauf à accepter d’être à terme totalement laminés par le rouleau compresseur des états-continents qui se profilent. Certes il faut s’interroger sur les modalités d’élection et de contrôle dudit pouvoir « de dissuasion ». Mais tout de suite après il faut l’investir de missions précises, consensuellement choisies par les membres du système, sans réticence aucune et sans double-jeu. C’est pour cela que le catalogue à la Prévert du texte constitutionnel giscardien ne pouvait convenir. On se fout de la couleur des panneaux indicateurs ! L’important c’est de dire TRES PRECISEMENT les deux ou trois grandes choses que l’on veut, non seulement préserver, mais promouvoir.
Vous allez croire que je manque d’ambition. Il n’en est rien ! Si nous sauvons déjà quelques éléments essentiels à note civilisation (c’est cela la politique de civilisation ) à un horizon de vingt ans ce sera un succès incommensurable ! Tant pis pour le plombier polonais si nous sauvons un mode de vie général. Sinon le plombier sera chinois et nous mangerons thaï sous la houlette d’un indien ! LE débat essentiel réside dans le choix de ce « cahier des charges » simple et impératif à assigner à l’Europe. Plus ce choix est drastique, plus il exige débat et impose le sacrifice.
Or, que vivons-nous ? Un ballet politico-diplomatique autour de textes verbeux et abscons, mélangeant religion, droit et économie dans un brouet se voulant le plus insipide possible. Une Europe vue par les européens comme un guichet de subventions et un potentiel juteux de postes d’élus et de fonctionnaires, à qui l’on fera appel au besoin, mais que l’on flouera sitôt que possible. Une empêcheuse de tourner en rond dans des corporations ou des corporatismes qui datent d’une autre époque, dans des règlements que nous nous sommes taillés sur mesure pour extorquer un peu plus ou un peu mieux. Une Europe que l’on accuse de tous les maux dans une défausse habile de nos mauvais résultats ou de notre incapacité à avoir une politique d’industrialisation vertébrée … On comprend l’électeur de base de n’être pas prêt à faire des sacrifices importants pour cette foire d’empoigne à laquelle il ne comprend pas grand-chose.
On ne lui a pas dit que c’était là le dernier bouclier contre la Barbarie ! Qu’avant de penser à préserver le Basque ou le Breton, le cassoulet et la bouillabaisse, le resto et le taxi … qui ne sont pas vraiment menacés, il fallait réfléchir et sauver les piliers même de notre civilisation. Pourquoi faudrait-il que la notion de « développement », même sous sa forme adoucie et vaselinée de « durable », contienne uniquement ce noyau aveugle techno-économique pour qui tout progrès humain découle strictement des croissances matérielles.
Ce n’est pas par hasard que des noms comme Attali, Maurin, Sen, Stigliz, … se trouvent projetés en avant de l’actualité (même s’ils ne sont pas toujours utilisés dans leur rôle de penseurs, même s’ils ne sont pas toujours bien compris). Ils représentent une approche systémique de la société que l’on a trop longtemps baillonnée avec un verrou culturel et un verrou économique.
Libérons une débat systémique sur la Civilisation !
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29/01/2008
PANNE D'ÉTHIQUE ET DÉVIANCES FINANCIÈRES
Normalement, les marchés sont destinés à vendre de l’utilité (1).
Quoi de plus positif que l’utilité ! Et ils sont investis du pouvoir de sanction lorsque l’offre s’avère inopportune. Ainsi, si vous proposez un produit ou service nul, laid, qui ne sert à rien, … vous ne trouvez aucun preneur, hormis des originaux qui trouvent là une « utilité perverse ». Un produit c’est, selon Kotler, une utilité, un risque et un symbole. Ainsi, lorsque vous achetez une télé, vous recherchez l’utilité de pouvoir capter toutes les chaînes disponibles, vous risquez la panne avec plus ou moins de fréquence, vous choisissez un écran plasma « parce que ça en jette ! ». Plus les trois critères sont avérés plus vous êtes prêt à payer cher, et inversement. Ici intervient l’éthique qui mesure la franchise du vendeur quant à ces trois points.Elle peut être maximum (transparence) ou minimum (cacher les turpitudes au maximum).
Première déviance, un jour, l’on a mis le doigt dans le mensonge commercial selon un cynisme rationnel capable d’expliquer tout et son inverse et de le faire croire, via la publicité. Feu l’éthique une première fois.
Seconde déviance, des malins ont décidé de vendre « du négatif », c’est-à-dire des choses qui étaient contre-utiles : ordures, pollution, obésité, poisons, … ! Comme cela n’était pas « demandable » ni demandé on l’a « encapsulé » dans des offres d’apparence neutre, voire attrayante afin de mieux faire passer la pilule. On a dès lors vendu du plus et du moins mélangé avec souvent plus de moins que de plus !
Troisième déviance, elle concerne la demande, les acheteurs. Le marché « normal » s’adresse à la demande solvable, à savoir « la demande qui s’appuie sur un pouvoir d’achet réel » (Keynes). Pour élargir la chalandise on a assoupli le critère en parlant de « pouvoir d’achat réel différé » c’est-à-dire fondé sur un emprunt raisonnablement remboursable dans un délai court. Puis la clause d’éthique (ou de bon sens) saute encore et l’on prête à qui veut, même à qui ne veut pas (aux US on a envoyé des cartes bleues pré-chargées par la poste !) et, surtout, à ceux qui ne pourront jamais rembourser. On génère du faux pouvoir d’achat, de la « fausse monnaie ».
Ici se rejoignent les trois turpitudes, lorsqu’on vend massivement « de la merde à des insolvables » (excusez le langage, mais c’est bien ça) ! Car le prêteur peut en principe récupérer le bien pour se rembourser. Sauf qu’entre temps, le marché s’est aperçu de la mauvaise qualité dudit bien … qui devient invendable (retour à la case départ).
Et voilà expliquée la crise des subprimes.
Mais ce n’est pas tout ! Comme les faux monnayeurs et les prêteurs indélicats ne se suicident plus (comme en 29), qu’ils ne démissionnent même pas, ils essaient de trouver une défausse.
Ils s’adressent à des institutions financières qui leur rachètent (à moindre coût) leur risque … qu’elles ne connaissent pas vraiment mais qu’elles « évaluent ». N’étant pas très sûrs d’elles malgré leur façade de jargons anglicistes, elles vont se « couvrir », en d’autres termes, « refourguer » le risque à une autre institution qui en payant moins espère faire un bon coup. Mais leur KK n’étant pas très vendable, ils vont en incorporer des morceaux dans des « boulettes complexes » dits produits dérivés. Ces boulettes servent à générer de la complexité et à appâter ainsi les chasseurs d’opportunités, dits traders. Certains de ces derniers, se croyant plus malins que la moyenne, les acquièrent et, effectivement s’ils sont vraiment bons (ou chanceux) gagnent plein de (vrai) fric sans rien faire ! Mais ils peuvent aussi se faire peur au gré de telle ou telle mauvaise nouvelle. Ils vont alors fabriquer des accras épicés pour masquer le goût du risque, autrement dit des « produits exotiques ».
Et ainsi de suite, sachant que des professionnels dûment mandatés par des banques, des fonds de pension (paisibles ou hedges), se servent de ces divers « titres » pour agrémenter leur portefeuille de placements en vue de bien plaire aux actionnaires.
Au total c’est ce qu’on appelle des montages à risque systémique, en d’autres termes susceptibles d’effet domino.
Toutefois, comme ce milieu de coquins est aussi celui des copains tout le monde se tient un peu par la barbichette … et jugule ainsi les effets déflagrateurs à leur début, la plupart du temps, malgré certaines crises limitées. En bons joueurs addictes, les gagnants remettent au pot et les perdants cherchent à « se refaire ».
Jusqu’à ce qu’il arrive un grain de sable ou un trubillon qui déborde l’omerta maffieuse des traders.
(1) Cette présentation, volontairement, schématisée, reste simplificatrice d’un univers volontairement touffu, complexe et opaque. Mais elle est strictement réaliste et tente de donner des billes à un public que la presse (écrite et télé) n’a pas vraiment éclairé quant aux mécanismes sous jacents de l’affaire Sté Générale.
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21/01/2008
NOUS SOMMES TOUS DES ÉVALUATEURS.
L’idée d’évaluer les ministres, avatar managérial des jurys citoyens ségolénesques, ne saurait esquiver l’évaluation du chef de tous, Nicolas lui-même.
Sans mollir, nous proposons un « scoring » noté du président.
Pour cela trois critères d’appréciation : le tripode du pouvoir efficace depuis l’aube des démocraties: panem, circes, spes, en clair pouvoir d’achat, distraction, espérance.
En inversant l’ordre, disons que sur le discours d’espérance, la réflexion mérite du 10/20. Certes le magasin est bien choisi, car l’enseigne Edgar Morin représente à la fois la modernité, l’humanisme et la rupture. Plus un alliage d’universalisme et de parisianisme qui sied bien à un sociologue praticien et conférencier, alternant Porto Alegre et les salons rive-gauche. Avec un peu de piment made in communisme, certes de jeunesse, mais dont le goût est bien fondu, tel un tanin de Saint Estèphe. Donc un fonds de commerce haut de gamme. Hélas, on a l’impression que le produit acquis est un achat hâtif d’article en solde. La politique de civilisation made in Sarko s’avère dépareillée (il faut avoir assimilé la systémique, les principes dialogique, récursif organisationnel et hologrammatique, … pour en goûter l’intérêt), de taille un peu trop grande (n’est pas Allende qui veut), avec quelques boutons en manque (cf Pierre Haski . Edito diffusé jeudi 10 janvier sur Europe1). Mais, bon, eu égard au vide sidéral des propositions alternatives des autres leaders politiques actuels, accordons la moyenne pour encourager la tentative ! Quant aux travaux appliqués sur ce thème, nous serons plus sévère. Sans parler d’une pratique qui, en fait, ne puise aucune once d’inspiration au morinisme ci-dessus, sans même évoquer les tendances liberticides de certaines lois en cours qui ne sauraient cadrer avec un quelconque registre humaniste, rien n’accrédite des lendemains qui chantent. Les mots-concepts sonnent creux, ne trouvent pas essor dans la bouche de celui qui s’est construit un look de faiseur plus que de penseur. De la même façon que l’écrin contextualise de bijou, le personnage contextualise le mot. Sarkozy se marie mieux avec racaille, qu’avec civilisation. Lucides, les coachs ont convoqué à la hâte deux subterfuges: le développement durable et Dieu. Nous avons déjà dénoncé l’oxymore du premier bonneteau (cf Grenelle de l’environnement). Nous stigmatisons la « laïcité positive » tartinée par le président. Ce second leurre, Dieu, la religion catho, vise à flatter les rosières et les bien pensants, voire les allumés de la messe latinisée, « L’ordre les valeurs, qui se perd et c’est dommage, pas vrai m’ame Michu ? ». C’est d’autant plus pitoyable que l’icône choisie de cette religiosité ravaudée s’incarne dans J. M. Bigard prieur précoce. Donc 7/20, avec la mansuétude du jury ! Car une vraie politique de civilisation, cela commence par du structuré, du solide, du consistant. Du débattu, de l’interactif, du partagé. Pas un gribouille d’idées qui sonne creux, en écho dérisoire, dans un forum vide de sens.
Côté jeu et cirque, par contre, c’est très bien ! De l’original (angine blanche, barbecue, divorce, Carla, Kadafi, …), renouvelé avec une virtuosité de prestidigitateur. Le Hitchcok de l’actualité c’est lui, mesdames et messieurs ! Bateleur, keke, séducteur, censeur, conteur, et même chansonnier parfois habillant les malheureux spectateurs un tout petit peu réactif (pas vrai Joffrin ?) 18/20. Attention tout de même aux prochains trimestres. La qualité dudit spectacle est fondée sur la rapidité de zapping. L’agenda 2008, imaginé dans la note précédente, donne une idée de la quasi impossibilité de tenir en haleine le spectateur de façon continue et renouvelée. Cela peut lasser, ennuyer, irriter même le bon public lecteur de Gala, Voici, Match ! Les masses risquent de reprendre goût aux valeurs plus stables et plus traditionnelles qui siéent mieux à la fonction présidentielle. Il ne faut jamais désespérer …
Enfin, en ce qui concerne ce qui fait bouillir la marmite, le fric, le blé, plus doctement le pouvoir d’achat, la note que j’attribue s’avère une sanction : 5/20 ! Cette note est d’autant plus salée que le candidat s’était vanté de ses capacités à faire un tabac en ce domaine. Résultats : une copie inconsistante, débutant par une introduction inopportune de distribution de cadeaux à des nantis, ponctuée ensuite d’injonctions à des tiers (distributeurs), de conseils dérisoires, d’aveux d’impuissance (les caisses sont vides), de fausses hausses de revenu (plus d’HS !), de mesures en trompe l’œil … Or, m’ame Michu s’aperçoit bien, elle, que les légumes de sa soupe, les prix de ceci ou cela flambent, en même temps que le revenu du ménage s’effrite continuellement. Rien de vraiment efficace non plus pour un proche avenir qui s’annonce gris-noir en fonction du « ciseau » d’une poussée inflationniste annoncée et de difficultés bancaires masquées. A quoi il faut ajouter une ambiance récessionniste liée à la faiblesse de la croissance américaine. Seul argument avancé : « C’est la mondialisation, M’ame Michu ! On n’y peut rien ! ». Un peu court jeune homme, d’autant que les américains en cause, moins idéologues qu’économistes, se tournent vers des mesures keynésiennes pour se sauver … alors que les penseurs de Bercy considèrent ces outils conjoncturels comme diaboliques. Et que, les élections municipales se profilant, il est urgent de ne rien bousculer.
Cette évaluation sera renouvelée périodiquement. En bon censeur, je souhaite que le score s’améliore sensiblement. Ne serait-ce que parce que les retombées nous concernent en premier lieu. Si les choses se gâtaient vraiment, monsieur N.S., boosté par son passage à l’Elysée, se vendrait cher à un cabinet de conseil international, je ne me fais aucun souci là dessus ! Il n’en serait pas de même pour la grande majorité des Français, aussi bien ceux qui ont toujours pensé que cet homme était dangereux (j’en fais partie), que ceux qui ont cru – le temps d’une élection - en un personnage novateur et providentiel apte à impulser les réformes exigées et exigeantes. Ah, que nous n’ayons -enfin- trouvé celui ou celle capable d’assumer cette mission avec suffisamment d’ataraxie !
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