28/12/2014
VŒUX
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23/12/2014
CONTE DE NOËL : La mouette fienteuse
On l'appelait Papa Moher. Synthèse vivante des rois mages, il venait de loin dans son traineau trainé par deux Lamborghini, l'une blanche, l'autre rouge, la hotte débordante de myrrhe, d'encens et d'euros.
A Montpellier, établi marchand d'échafaudages, il s'acheta un club pour valoriser son image. En déballant le paquet, il s'aperçut qu'il s'agissait d'un club de rugby. Alors, les premiers Noëls, il s'offrit des jouets argentins qui ne coûtaient pas beaucoup d'argent et l'amusaient sérieusement, mélangés aux enfants du cru (Pic Saint Loup). Puis, un peu enivré par le succès, les monstres exotiques des mers australes et des îles au nuage blanc, devinrent pour lui une addiction. Comme cochers (j'ai dit cocher pas coacher!) de cet attelage il se dota de deux personnages - un sorcier et un bonimenteur - qui firent d'abord merveille, tutoyant les sommets de la réussite sans y être vraiment attendus. Hélas le sorcier fut emporté par un mal implacable. Seul le bonimenteur tenta tant bien que mal de concilier le sport, les medias, sa cassette et beaucoup d'autres intérêts.
Papa Moher, dont le citron avoisinait maintenant la pastèque, décida brutalement de mettre sa mouette logofiée (certains voient un aigle, mais on les dits obséquieux) en exergue. L'oiseau planant se mis à fienter un peu partout, maillots, panneaux,... Jusqu'à occulter le nom du mythique Du Manoir au fronton du stade! Pas plus, pas moins!
Alors, là-haut, dans la brasserie des nuages que tient Roger Couderc qui sent bon l'anis et où l'on croise pèle mêle, Ferrasse, Jean Prat, Fouroux, Jules Cadenas, Puig-Aubert, Trescazes, Jaureguy, Alfred Roques, Cassayet, le Postier, Canto,… soit un mélange détonant de gros pardessus et de princes des pelouses, le ton monta. "De qué, de qué! Qui a osé toucher au héros? A quo se pot pas!". Ils reprirent du foie gras et du cassoulet, n'ayant plus à se préoccuper du cholestérol, ajoutèrent une rasade de Terrassou cuvée "Pierres Plates" n'ayant plus à craindre les radars, et conclurent "Il faut mettre le hola, sinon ils vont s'attaquer au gosse (Aimé Giral), au frangin (Guy Boniface) et au Duc (Domenech). Déjà, on a laissé faire quand ils ont fait des calendriers coquins, quand ils ont joué en rose! Voyez ce que sont devenus les maillots qui ressemblent à des affiches de maison close! Alors on ne va pas laisser les stades s'appeler comme des échafaudages, ou des montures de lunettes, Millo dious! "
Quelqu'un, au fond, qu'on ne distinguait pas bien, se hasarda à suggérer que "Bon, Mayol et la virilité, c'est moyen et ça avait fini par du muguet…"* Le grondement qui monta fut tel que l'imprécateur se mua en ectoplasme et qu'on le menaça d'appeler quelques fils de Besagne bien saignants! Armand, agitant son battoir gauche, dit "Attenchion!" et tout rentra dans l'ordre.
Après débat (houleux mais correct), il fut décidé de faire en sorte que le club de Papa Moher perdit de nombreux matches à l'extérieur, comme à la maison. En fait, presque toutes les fois que la silhouette du volatile suspect s'étalerait sur les maillots de l'équipe! Décision équilibrée en définitive, certains trouvant la peine trop légère, tel un simple avertissement arbitral donné à un cravateur venant d'arracher la tronche d'un adversaire. D'autres plaidant pour une certaine mansuétude vis à vis d'apporteurs de capitaux à un sport qui demandait de plus en plus de carburant. L'argent n'a pas de morale c'est bien connu! D'autres fustigeant la responsabilité inconsistante des édiles clapassiens ayant permis cette forfaiture. Les plus pessimistes évoquant l'implacable mutation d'un monde ovale "conciliant" (Armand disait conchiliant) fric, médias, spectacle et invités sponsorisés. Un univers sans supporters mais plein de mangeurs de saumon fumé arrosé de champagne. …
Ainsi en est-il. Et de vendredis en samedis, sur Canal ou pas, le MHRC perd. Pas de chance dit-on dans les gazettes. A la télé, sans le savoir, les spécialistes auto-qualifiés analysent les causes de ces échecs. Longuement, laborieusement, le temps que les belles égéries, aujourd'hui indispensables au mundillo ovale et au sport en général, se glissent dans leurs fourreaux de cuir et se maquillent comme pour jouer Phèdre.
Joyeux Noël à tous ceux qui ont encore
l'odeur fade de l'huile camphrée comme madeleine de Proust!
* pour les non initiés, le stade Mayol, à Toulon, a été offert au rugby par Félix Mayol, chanteur du début du xxe siècle, notoirement gay et étant à l'origine des brins de muguet sur l'écusson du club.
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27/11/2014
LA FICTION DE L'ÉTAT FRANÇAIS. IL EST MINUIT DOCTEUR PLENEL!
Je vais vous choquer mais je pense que l'État français n'existe plus que comme un mythe entretenu. La situation présente est insoutenable*. Pas intolérable mais insoutenable. Le gouvernement qui représente ledit État, a été progressivement amputé de ses "variables d'action", c'est à dire des leviers qui permettent de réguler le pays. Jusqu'à perdre le contrôle des évènements. Comme disait Moustaki : Pendant que je chantais ma chère liberté - D'autres l'ont enchaînée, il est trop tard!
La première amputation (majeure!) fut celle de la maitrise de la monnaie. N'insistons pas, la chose parle d'elle même. La seconde perte concerne la loi. Quoique moins radicale, nous ne légiférons que subsidiairement sous la férule de Bruxelles. Nos lois demeurent soumises à l'épée de Damoclès de l'Europe, et peuvent être retoquées lorsque cette dernière "le veut bien". Dernier petit exemple celui des subventions aux éleveurs de taureaux de combat que les eurocrates ont "généreusement" accordées encore cette année. Troisième mutilation, la plus directement sensible, le two packs, un paquet législatif qui renforce les pouvoirs de la Commission Européenne en matière de contrôle sur les budgets nationaux. Concrètement, cela implique que les décisions budgétaires (qui scandent notre quotidien) votées au Parlement sont susceptibles d’être retoquées par l’Union Européenne, si elles ne lui conviennent pas. Elle peut décider des amendes, voire imposer des changements, unilatéralement. Ainsi nous avons vu ces jours derniers, le président de la République, Macron et Sapin aller à Canossa tenter d'expliquer les choix français. La corde au cou, tels des bourgeois de Calais du XXIème siècle. Et accepter de serrer un tour de la vis supplémentaire! Enfin, la dernière ablation a consisté à nous enlever le droit de financer nous-mêmes le déficit avec l'obligation d'emprunter sur les marchés financiers, aux taux que ces derniers choisissent de nous accorder. On vient de citer des choses afférentes au pouvoir législatif, au pouvoir exécutif, au pouvoir judiciaire, au pouvoir économique (monétaire). A partir du moment ou ces pouvoirs aliénés se trouvent concentrés dans une même instance décisionnaire, il devient très facile à l’exécutif bruxellois d’infléchir les votes parlementaires français (et aussi des autres pays concernés) voire de refuser d'appliquer les décisions "déviantes" (ce qui s’est passé dans le cas de l’accord entre la BCE et l’Irlande).
Voilà pour le dur, le hard, comme on dit aujourd'hui. Arrive ensuite le soft, le «doux pouvoir» (softpower). Les pertes précédentes exigeraient, avec le peu qui reste une capacité décisionnelle ferme et sélective pour faire face à la rengaine libérale qui domine chez nos partenaires "du Nord". Trop de fonctionnaires, trop d'entreprises publiques, trop de codes, trop de normes,… Tout cela est ringard, tout cela freine la croissance, tout cela coûte aux braves gens qui travaillent "pour de vrai" (expression sarkosienne)! Le message et ses éléments de langage s'avèrent très largement relayés par les médias de masse de chez nous et circonviennent les foules au point qu'elles s'y rallient, bon gré mal gré, annihilant ainsi les contre feux potentiels. Et ceux qui font office de dirigeants suivent (voire anticipent). Une sorte d'anémie citoyenne s'installe insidieusement.
Ce tableau se peint pour l'instant en couleurs pastel, avec un certain doigté (sauf pour les Grecs mais on les décrits comme des tricheurs fainéants!). Bientôt via la TTIP (accord commercial UE-USA), et l'AECG (accord commercial UE-Canada) le système sera verrouillé et les contre pouvoirs réduits au stade inaudible. The End!
Alors, honnêtement, objectivement, quelle est la substance du gouvernement français? Que lui reste-t-il sinon de tenter de justifier en façade qu'il fait bien le job (…de Bruxelles!). D'interdire les voix discordantes ou de les tourner en dérision. De jouer avec des réformes improbables comme la taille des régions ou le nombre de métropoles. De faire du yoyo sur des pseudos décisions visant ceux qui sont les plus inorganisés (les vieux, les jeunes, les malades,..) donc les moins dangereux. De racler sans vergogne les fonds de comptes en banque des peu aisés (livret A)… De décider d'autoroutes ou de TGV au profit des grands groupes bétonniers… l'ensemble sans la queue d'un programme cohérent, quelque chose qui ressemblerait à un plan pluriannuel.
A si, il lui reste la guerre! Comme personne en Europe n'est partant pour pacifier le Moyen-Orient et l'Afrique réunis, là s'ouvre une prérogative pour étaler notre latitude décisionnelle. Allons zenfants….
Sinon, comment s'occuper dans cette fiction étatique vidée de substance? La tragédie actuelle de la zone euro est l’esprit de résignation par lequel les partis de l’establishment du centre-gauche et du centre-droit font dériver l’Europe vers l’équivalent économique d’un hiver nucléaire. Pour le moment, les gouvernements européens continuent à jouer à "durer et faire semblant"**. En se chamaillant, en s'invectivant, en se trahissant,… au jour le jour comme une armée sans objectif. En préparant les prochaines élections, les prochaines primaires, les prochaines corruptions, les prochaines distribution de prix, les prochains scandales! Or, une fiction ne peut intéresser que si l'histoire racontée, non seulement tient debout, mais, en plus, intéresse, voire passionne. Hélas nos dirigeants n'arrivent même pas à construire un récit cohérent (storytelling) et attrayant qui pourrait recueillir des partisans, un scénario crédible qui excède le dixième de croissance, la minoration du chômage,…
Pourtant certains regimbent. Médiapart a monté une soirée contre la corruption politique ou toutes ces choses ont été passionnément débattues par de grands noms*** .Mais je crois qu'il est trop tard, Docteur Plenel! Profondément verrouillé le système libéral possède les pouvoirs - tous les pouvoirs - patiemment "rachetés" selon des OPA politiques, sociales, médiatiques, culturelles, sportives, technologiques,… Ceux, dont je suis, qui s'indignent de cette confiscation paradoxale du libre arbitre individuel et donc de l'avenir, ne peuvent que dénoncer, alerter, tels des fourmis affrontant des montagnes, frappés d'impuissance objective. Il m'arrive même parfois de me dire que j'ai tort, comme si le poison faisait son œuvre, comme un pessimisme coupable m'avait contaminé. Mais je désespère de voir le piège démocratique se refermer sur un peuple qui suit les joueurs de pipeau, les Pans opposés conduisant les foules panurgiennes aux mêmes précipices. Et de vérifier que les voies adjacentes sont toutes dotées de dispositifs annihilateurs ou de trappes enrayantes.
En fait, trois mondes coexistent dont les rythmes ne sont pas synchrones: la science, la politique, la religion. La dialectique entre ces mondes reste le talon d'Achille du capitalisme. La science et la technologie se sont régulièrement et brutalement affranchies des contraintes imposées. Les pandémies terrorisent encore plus que les armes, fussent-elles médiatiques. La religion s'émancipe de l'emprise politique dans un regain de séduction (notamment l'islam). Les récupérations effectuées restent hasardeuses. La sortie de l'impasse se situe peut être dans le brouillage ou la recomposition des frontières entre les trois mondes (réalité augmentée, virtualité, réseaux sociaux, charia,…) annihilant la prégnance de clichés qui paralysent actuellement la production de nouvelles émancipations, en frayant les voies d’un imaginaire alternatif. Meilleur? Pire? Qui vivra, verra!
* voir à ce sujet Y. Citton. Renverser l'insoutenable. Éditions du Seuil, 2012** voir dernier éditorial décapant de Wolfgang Münchau, rédacteur en chef adjoint du Financial Times " La gauche radicale a raison à propos de la dette de l’Europe". 25 novembre 2014*** à voir ou revoir sur: http://www.youtube.com/watch?v=LLXpXNy7agc16:43 | Lien permanent | Commentaires (5)