compteurs visiteurs gratuits

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/07/2015

L’ÉTÉ DES DUPES°

 

La Grèce ! Athènes unique objet de notre ressentiment… pourrions nous plagier Corneille. Un torrent médiatique agité par les « bien pensants » de l’économie selon Tirole, nous a submergé pour stigmatiser ces hellènes irresponsables qui vont voler l’argent des pauvres français. Fiorentino, Dessertines, Langlet, Quatremer, Verdier-Molinié.. ont fait des heures supplémentaires pour occuper les plateaux de télé et répandre l’ignominie de SYRIZA.

Aucun de ces cassandres n’a eu de compassion pour le petit peuple grec, trop occupés à sauver la finance ! Trop centrés sur le « devoir » de mâter ce pays de cigales qui pénalise la merveilleuse communauté européenne. Cette curée médiatique « facile » vis à vis du prolétariat grec révèle une cohérence dans les partis pris de l’éditocratie française qui, encore et toujours, se range du côté des institutions européennes et joue le rôle de chien de garde de l’eurocratie contre les empêcheurs d’austérité. Aucun n’a relevé que nous n’avons pas vraiment versé d’argent aux Grecs, mais sauvé les banques commerciales, en particulier allemandes et françaises, en rachetant les dettes grecques détenues par elles, soit 300 milliards d’euros, désormais transférés aux contribuables. Aucun n’a rappelé la crise chypriote de mars 2013 préfiguration de la crise actuelle. Peu ont évoqué l’effacement des dettes pratiqué après les guerres 14-18 et 40 au profit notamment des allemands. Peu ont relevé que la crise qui sévit dans la presqu’île hellénique est plus profonde que la grande dépression américaine de 1929 quant aux conséquences sociales*. Très peu ont dit que cette dette est totalement insoutenable et en grande partie illégale, illégitime et odieuse (P. Saurin). Aucun n’a évoqué le mécanisme LTRO, la plateforme Target2, voire Target2S, le rôle ambiguë de la BNS (Banque Nationale Suisse), le marché repo interbancaire,… toutes choses qui constituent la machinerie financière de l’affaire. Dans cette marée déferlante seul un film insignifiant passé discrètement sur Arte et intitulé « La chancelière a perdu la mémoire » avait le savoureux mérite de caricaturer la perversité de ce monde des compromissions. Cette fiction satirique de Markus Imboden oscillant entre philosophie politique et farce morale montrait en quelle estime était tenu « le peuple » par les dirigeants teutons. La fin illustre de façon éblouissante l’échec des bonnes intentions sitôt que la chancelière retrouve ses moyens. Achtung! On ne rigole plus !!

Dans cette agitation, le rêve de révolution pacifique soulevé par le joker sorti par le spécialiste de la théorie des jeux non collaboratifs, Yánis Varoufákis**, s’est évanoui dans le « réalisme » d’Aléxis Tsípras. Via le référendum et les 61% obtenus par le oxi, l’affaire était recentrée sur le P-O-L-I-T-I-Q-U-E***, les dirigeants européens devant désormais s’exprimer sur ce registre, ce à quoi ils répugnent d’habitude. Leur habitus intime reste que « lorsque le peuple n’est pas d’accord avec une politique, il faut changer de peuple ». La stratégie amorcée par Varoufàkis misait sur la défection (sortie de la zone Euro) seul risque vraiment craint par l’Allemagne. Exit Varoufàkis, ledit réalisme de Tsípras consistant à appliquer à peu près le contraire de ce que les votants espéraient, le fait apparaître plus comme un traitre que comme un défenseur du courant anti austérité. Après que l’Allemagne et ses épigones aient brisé les reins des Grecs en les humiliant par une mise sous tutelle, désormais qui va voter pour des gens de la gauche classique (style Hollande) pour se voir appliquer des politiques de droite ? Qui va voter pour la gauche radicale (SYRIZA, Podemos) pour se faire appliquer une politique du centre ? J’ai bien peur que nous ayons perdu dans cette affaire la crédibilité d’une gauche de rupture en Europe pour de longues années ! Et préparé le lit des partis d’extrême droite, seuls recours apparents au mainstream.

imagesizer-810x564.jpg

Ceci dit, cette hyper couverture médiatique agit comme un enfumage général. Derrière le rideau, la duperie s’exerce tout azimut : la loi Macron passe sans coup férir, le traité transatlantique TTIP avance dans le secret climatisé des cabinets alors qu’il représente pour l’Europe en général et la France en particulier, un danger beaucoup plus important que le problème grec, avec des gains très faibles et des pertes significatives en perspective. Avec un level playing field nivelant par le bas les contraintes des grands groupes. Avec un type de société qui n’est pas vraiment le nôtre…

Duperie permettant de minimiser les messages du pape contre le système économique dominant. Personne ne peut m’accuser d’allégeance religieuse mais il faut reconnaître la bonne parole en ces temps ou la religiosité penche plutôt du côté de la kalach ! François multiplie les appels pour stigmatiser le caractère injuste voire inhumain du capitalisme financier qui domine la planète. Il proclame : «Certes, pour un pays, la croissance économique et la création de richesse sont vraiment nécessaires, mais il faut que celles-ci arrivent à tous les citoyens sans que personne ne soit exclu et non au profit d'une minorité». Aux entrepreneurs, hommes politiques, économistes, il a demandé «de ne pas céder au modèle économique idolâtre qui a besoin de sacrifier des vies humaines à l'autel de l'argent et de la rentabilité». Sur l’environnement il nous dit « nous ne pouvons pas continuer de tourner le dos à la réalité, à nos frères, à notre mère la Terre, pillée, dévastée, bafouée impunément. Ce n'est plus une simple recommandation, mais une exigence après les blessures infligées par un usage irresponsable et les abus». Ce n’est pas du Mélenchon, mais du François urbi et orbi ! Mais trop iconoclaste pour que le mainstream relaie !!

 

On tourne la noria grecque pour amuser le peuple en montrant sa puissance aveugle à l’égard de la misère. Pour signifier aux libertaires potentiels qu’ils auront à qui parler. Sauf que «À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes» disait  J.F. Kennedy. En étouffant Piketty on donne raison à Lordon**, à la violence nécessaire pour la rupture. Plutôt que d’enrayer les bulles spéculatives qui se pérennisent en se multipliant on tente de les justifier en accusant les fonctionnaires, les États, les chômeurs, les « sans dents ». Plutôt que de réhabiliter l’innovation technologique on préfère alimenter les innovations spéculatives sous le masque d’un délire de sophistication. On préfère la comptabilité épicière à la gouvernance lucide et humaine.

On se rappellera de l’été 2105 que l’eurocratie merkelisée a fait taire les cigales en les écrasant dédaigneusement.

 

° Le feuilleton grec était encore en cours au moment de la publication ce qui peut introduire certaines imprécisions.

* voir "La crise grecque est pire que la Grande Dépression aux États-Unis" (cartes et graphiques) Marie Gathon. Levif.be 08/07/15
** il a écrit entre autre, Game Theory: Critical Concepts in the Social Sciences, Routledge, 2001, Game Theory. Critical Perspectives. 5 volumes, Routledge, 2001. Avec James K. Galbraith et Stuart Holland, Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro, Les Petits matins,‎ 2014.
*** voir l’interview de Thomas Piketty par Jean Jacques Bourdin
http://rmc.bfmtv.com/emission/thomas-piketty-face-a-jean-... et le topo de Frédéric Lordon : La révolution n'est pas un pique-nique. Analytique du dégrisement https://www.youtube.com/watch?t=243&v=4PEJlSvVZaY

 

22/06/2015

LE COUP DU FLIPPER

"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs" reste une belle formule prononcée par Jacques Chirac au IVème sommet de la Terre à Johannesbourg en septembre 2002. De quoi entrer dans l'histoire! Quant à la phrase, bien sûr, car depuis lors, ça brûle toujours et chacun, comme pour une éclipse, s'est doté de lunettes opaques. Les dirigeants français - entre autres - font avec les problèmes écologiques, comme avec un flipper. Quand la boule problématique arrive, ils la renvoient le plus loin possible afin qu'elle rebondisse longuement avant de revenir. Car on sait depuis quarante ans* qu'elle va revenir! Le jeu consiste à gagner du temps… ou à utiliser des flippers à l'apparence sophistiquée à grand renfort de clignotants! La Conférence Paris Climat 2015 (COP21) en fait office.

Je ne suis pas un ayatollah des causes vertes, ni un fervent des menus végétariens et des salades aloé vera. Toutefois, en bon systémicien, je m'inquiète du mépris du problème écologique qui va parfois jusqu'au déni. Ce problème peut être illustré par ces tableaux composés de milliers de points de couleur pour lesquels il faut prendre du recul pour pouvoir distinguer le dessin. Ainsi en fractionnant les enjeux (mondiaux) en petites parcelles (individuelles), le « bon peuple » perd (totalement) le sens des risques (majeurs) encourus. Alors pour divertir, on s'occupe de certains abcès (tel aéroport ou tel barrage, tel pesticide ou tel désherbant), de divers défis mineurs (les vaccins, la qualité de la viande, le smog parisien,…) pour ne pas voir les furoncles et, d'un coup de flipper, on repousse les problèmes de fond vers des horizons proches… des calendes grecques. En adjuvant on pratique l'anesthésiant "folklore vert", c'est à dire le tri sélectif ou le recyclage des canettes d'alu, qui donnent bonne conscience au naïf citoyen par ailleurs en train de muter pour cause d'empoisonnement endocrinien et immunitaire via la chimie disséminée dans sa nourriture et son environnement (voir les rapports alarmistes du montpelliérain Pr Sultan). Après le "Silence des grenouilles" (titre d'un article alarmant du New York Times en 1992), après la "Génocide des abeilles" viendra "Extinction de l'homme". Plus tard! En attendant continuons à empoisonner la terre, l'eau, l'air, la mer… pour quelques milliards de dollars (euros) de plus! Irréversiblement. On dira que c'est les autres…

Voilà pour le battant gauche du flipper qui joue l'aveugle ou plutôt le principe de Bartlebyart de la non décision qui consiste à se préserver avec assurance, détermination et méthode, de toucher à toute réforme inévitable, pour la léguer aussi intacte que possible à son successeur**. Le battant de droite, lui, repousse les problèmes au moyen de l'alibi de l'économie : Ce n'est pas raisonnable, on ne peut pas, on n'a pas les moyens,… et ce n'est pas quelques pesticides ici ou là, quelques molécules disséminées, plus ou moins d'abeilles, de pinsons, de bouvreuils ou de lucioles qui vont nous empêcher de jouir de supers 4x4 ou de fraises en hiver! Il faut de la chimie pour assainir ce que, par ailleurs nous avons dégradé, selon une noria sans fin! Et de nous faire croire qu'il existerait un antagonisme foncier entre économie et écologie.

Or ce n'est pas le cas. Certes il faut prendre en compte le temps, car on ne change pas du jour au lendemain un mode de production structuré sur la croissance et les externalités gratuites (ou presque)***. Certes il faut affronter les technostructures bureaucratiques (publiques et privées) qui profitent largement de ce type d'économie sans prendre en compte leur schizophrénie (elles profitent pécuniairement d'un côté mais se ruinent physiologiquement de l'autre). Certes il faut reconsidérer nos échelles de valeurs et nos hiérarchies de préférences. Certes il serait nécessaire d'encadrer strictement le processus pour le rendre faisable. "Nous sommes attachés au terme de planification car il pose l’enjeu d’une réorientation globale et radicale de la production, de la consommation et de l’échange. Et la planification, à condition d’être démocratique et porteuse d’implication populaire, peut permettre au peuple de redevenir maître du temps long" dit J.L. Mélenchon. On le pourrait donc. On le peut!

Il serait trop long ici de développer les voies de salut potentielles, mais elles existent. Pas des utopies régressives mais de vraies solutions comme on peut en trouver dans le bouquin de Paul Hawken****, pourtant pas très récent, entre autre.

Le premier acte du renversement s'avère forcément mondial sur quelques grands enjeux afin de le point pénaliser les uns ou les autres. L’intervention récente du pape stigmatisant le laxisme face à ces problèmes en donne la preuve. Pour donner l'élan aussi! Hélas les divers sommets précédents ont accouché de bribes de décisions. La Conférence Climat 2015 ne fera guère mieux nous pouvons l'anticiper.FLIP.JPG

Alors par défaut et concrètement, il s’agit d’inciter les acteurs économiques à développer des synergies, de façon à concevoir une production économe et propre (au sens de l'impact physiologique) et mutualiser certains services, équipements et leurs usages. L’objectif est de tendre vers des circuits courts selon un bouclage des cycles des flux physiques à l’échelle des territoires, et de limiter ainsi globalement la consommation de ressources et les impacts environnementaux  (cf par exemple projet COMETHE: Conception d’Outils METHodologiques et d’Evaluation pour l’écologie industrielle) (http://www.comethe.org).

Les "programmes" (?!) politiques devraient s'emparer de la chose en remisant leurs flippers au rencard. Tous, car je ne crois pas que les problèmes que je viens de soulever relèvent uniquement d'un seul et unique mouvement qui s'intitule "Écologiste" (ou tout sigle d'habillage). Si les difficultés sont aujourd'hui écologiques cela vient du fait qu'elles n'ont pas été INTÉGRÉES aux divers enjeux et processus qui ont constitué les développements précédents. L'écologie est un concept intégrateur, un mode de pensée global qui matérialise aujourd'hui l'irruption de la systémique dans l'éducation, l'industrie et la politique comme le dit Joël de Rosnay. Pour être honnête, certains partis ont fait l'effort de se doter d'un appendice de ce type. Mais la "révolution" qui en découle ne sied pas à l'opinion majoritaire. Alors soit elle ne permet pas d'être élu, soit une fois élu on la remise aux oubliettes de la gestion comptable. Parce que la pente facile dont parlait Marcuse s'avère toujours plus mobilisatrice que l'effort collectif. Dommage! 

* depuis Le Club de Rome et rapport Meadows (1972)
** c'est à dire que tout ce que l'entreprise produit comme déchets ou nuisances est rejeté GRATUITEMENT dans l'environnement. Par exemple les emballages qu'elle vous fait payer et que vous devez encore repayer pour qu'ils soient collectés et traités.
*** voir "Surtout ne rien décider". Pierre Conesa. Robert Laffont. 2014
**** Paul Hawken. "L'écologie de marché". Enquêtes et propositions. Ed. Le souffle d'or.1995.

28/05/2015

BIFURCATION SUR ORB

Le dernier quart du siècle précédent et le début de celui-ci ont façonné les esprits sur le mode de la continuité. Même s'il est apparu des crises, des modifications, le perçu des individus débouche sur une impression que rien ne change vraiment. Surtout en politique où le personnel, les partis, les idées revêtent une similitude reproductive voire une quasi convergence des thématiques. Même si les choses vont mal, même si parfois on a l'impression que l'on va dans le mur, même si l'on est conscient des turpitudes qui en résultent, peu de gens anticipent un quelconque revirement. Pourtant il arrive qu'une bifurcation ait lieu. Dans les systèmes dynamiques, une bifurcation intervient lorsqu'un petit changement d'un paramètre physique produit un changement majeur dans l'organisation du système. Dans le cas qui nous occupe, la tension du système s'avère telle que les acteurs (électeurs) provoquent une mutation majeure en sortant totalement des schémas convenus. Ils créent une rupture ou ils renversent la table selon une expression connue. La partition des classes devenant de plus en plus strictement binaire (riches-pauvres) fait que la base de celle qui surnage encore prend brusquement conscience de l'urgence à réagir en prévision du naufrage annoncé. Ceux qui par intérêts, manque de lucidité ou immobilisme restent encore dans le champ du statut quo deviennent minoritaires. L'effet Siriza en Grèce, Podemos en Espagne s'inscrivent dans la même (il)logique. Béziers aussi. C'est le charme de la démocratie de permettre ces stases imprévues!

La France entière à (re)découvert Béziers! Oh, pas favorablement sans doute, mais on à parlé de la sous préfecture de l'Hérault dans les gazettes, les radios et les télés. Suite a une municipale insolite, s'est révélée une ville minée par la paupérisation, la comospolie,… Et à juste titre, car il faut commencer par là.

Béziers fut une cité riche, dynamique, cultivée dans la première moitié du siècle précédent. Riche au point que la bourgeoisie y faisait construire des  sortes de petits palais appelés "folies". L'opéra (Saint Saëns, Poulenc), la tauromachie (Castelbon de Beauxhotes), les "belles lettres", le rugby (Jules Cadenat, Danos, Astre, Cantoni,..) étaient nourris par la manne du vin, certes, mais aussi des ateliers de Fouga, du dépôt de la SNCF, de la Littorale,…  Et puis, un déclin brutal s'est emparé de la ville qui jadis damait le pion à Montpellier. Déclin économique (fermeture des ateliers ci-dessus), marasme viticole, délocalisation dans la capitale régionale des directions tertiaires (EDF, GDF,..). Déclin du (aussi) à l'impéritie des municipalités successives (de communiste à UMP en passant par les radicaux et socialistes). Sans cohérence urbanistique, sans logique économique affirmée, sans projet réel, Béziers a suivi de façon accélérée le schéma "Shrinking Cities" (ville déclinante) ou de "Schrumpfende Städte" (rétrécissement)*. En même temps, une suburbanisation (déplacement massif des habitants vers les villages périphériques) s'est manifestée par le souhait des couches moyennes et supérieures d’échapper aux nuisances créées par l'usure urbaine, comme à la promiscuité sociale due a l’arrivée massive d’immigrants s’installant dans les centres villes vidés.  Et tout à suivi : perte d'emblèmes locaux comme le rugby qui dominait le championnat français, perte d'image, perte d'attractivité. Pour moi, la comparaison avec Philadelphie est criante (à l'échelle près). Je me souviens du centre de cette ville en 1967 où la plupart des magasins du quartier de la gare étaient fermés, les maisons condamnées par des planches clouées en travers. Par contre la banlieue y était cossue, suréquipée, attrayante à souhait. L'espace biterrois a subi la même mutation, Boujan, Vendres, Maraussan, Sérigan,… récupérant ces classes moyennes supérieures, le cœur de ville s'est trouvé envahi par des classes défavorisées et souvent cosmopolites accélérant ainsi sa dégradation. Il faut lire le petit bouquin de Didier Daeninckx, "Retour à Béziers"*, pour mesurer l'état de décrépitude atteint par la cité de Jean Moulin.

Dans cette déshérence généralisée, il ne faut pas s'étonner du succès de Robert Ménard. Ceux qui maintenant crient au loup dans leurs gazettes, ceux qui jettent un regard dédaigneux au "facho" du fond de leur fauteuil de cuir vieilli, tous ceux qui ne sont pas venu à Béziers depuis des lustres, les donneurs de leçons, qu'ont-ils vraiment fait pour "inverser la tendance"? Que n'ont-ils imaginé qu'une rupture se produirait forcément à un moment et qu'une bifurcation aurait lieu? Ceux qui vivaient ce naufrage (commerçants, habitants, usagers) ont basculé dans le raz le bol. Les gens ne votent pas pour quelqu’un parce qu’ils s’identifient à son idéologie, à sa culture ou à ses valeurs, mais parce qu’ils sont d’accord avec lui sur son diagnostic de la situation concrète. Les biterrois ont donc voté Ménard sans "contingence politique". Comme ils ont choisi Saurel à Montpellier.                             

Le jour d'après, tous les cassandres "normaux" ironisent sur les piètres actions et résultats du nouveau pouvoir. Mais il faudrait dire que quiconque "prend" une mairie se retrouve avec un degré de liberté budgétaire de deux ou trois pour cents maximum. Plutôt moins que plus. Frac.jpgLe nouvel édile doit donc se contenter d'"effets coup de poing". Sur la sécurité, sur la propreté, sur des détails qui ne coûtent pas cher. Il faudra dès lors établir un bilan en fin de mandat. Sans concession! Mais en attendant laissons la réédification suivre son cours afin que les bases d'une restructuration urbaine soient rétablies. Car le seul fait d'être élu ne constitue pas une preuve intangible de compétence, surtout dans les cas évoqués qui sont plutôt des votes de rejet que d'adhésion.

Cette note n'est pas un plaidoyer pro domo pour quiconque. Elle tente simplement de mettre en exergue la possibilité de bifurcations en politique dont les partis traditionnels, englués dans leurs luttes picrocholines et leurs copinages éhontés, font fi. Peut être à tort! "On peut remédier à la stupidité individuelle, mais la stupidité institutionnelle est beaucoup plus résistante au changement. A l’étape actuelle de la société humaine, elle met vraiment en danger notre survie"**. En réaction des vagues de reflux  peuvent se soulever avec une rapidité et une spontanéité désarmante.

 

* Sylvie Fol & Emmanuelle Cunningham-Sabot. « Déclin urbain » et Shrinking Cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine. Annales de géographie 2010/4 (n° 674)
** Retour à Béziers. Editions Verdier. 2014
*** extrait du discours de Noam Chomsky lors de la cérémonie de remise du Prix de la Lutte contre la Stupidité, mis en place par la revue Philosophy Now, au London’s Conway Hall, à Londres. 2015 Revue Philosophy Now (avril/mai 2015) https://philosophynow.org/issues/107/Noam_Chomsky_on_Institutional_Stupidity