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25/08/2014

SEPTIMANICUS

Hier, j'ai rencontré mon ami Gus, ex pilier de rugby dont je vous ai déjà parlé. Je vous livre notre discussion:

-    Salut Gus!! Comment vas-tu?

-   Bof, je survis en attendant la dure rentrée… Tiens, tant que je te tiens, dis-moi ce que tu penses de la réforme territoriale. Tu es pour, ou tu es contre?

-  Pour moi, c'est un cas précis de la dérive intello-médiatique qui fait qu'aujourd'hui tout doit être grand! Des entreprises, des marchés, des stades, des équipes,… on exige du gigantisme, selon le critère de la rentabilité compétitive.

-   Et est-ce faux?

-   En fait les partisans de cette hypertrophie ont oublié les dinosaures, ces animaux géants qui ont péri de leur inadaptation au contexte.

-   Ah bon! Comment ça?

-   C'est un cas de systémique…

-  Fais gaffe!! Ne nous fais pas encore un truc compliqué de puissance 8 sur l'échelle Dhenri qui en compte neuf (comme un demi de mêlée)

-    Bon, je vais essayer! Les systèmes sont composés de deux parties: la partie pilotage (le cerveau) et la partie fonctionnelle (le squelette et les muscles), celle qui agit. Si tu imagines un énorme truc avec un cerveau adapté, ça marche! Par contre, si tu as un corps géant avec un tout petit cerveau ça ne le fais pas! Ce qu'on appelle "l'économie d'échelle" ne représente pas toujours une bonne chose.

-    Sauf si le petit cerveau s'avère très performant!

-  Bravo, Gus! Tu viens de découvrir le concept de variété c'est à dire la capacité du régulateur (cerveau) par rapport à la complexité du corps à maîtriser.

-   Tu vois, en te fréquentant, je progresse! Et donc ???

-  C'est ce qu'Ashby nomme la variété requise nécessaire pour maitriser TOTALEMENT le système structurel, le geste de l'horloger ou de Lavillenie. Mais dans le cas des organisations réelles cette configuration n'est pas courante.

-   Et donc?

-  Donc on aboutit à deux attitudes: celui de la variété exquise et celui de la variété contrainte. Dans la première la "tête" ne maîtrise pas tout mais suffisamment pour piloter efficacement…

-   Ouais, c'est comme Yvette : elle connaît rien au moteur mais elle conduit pas mal!

-  Mais lorsque l'écart s'avère trop important, soit la gouvernance "fait comme si" et beaucoup de déviances se manifestent (le système va à vau l'eau), soit ladite gouvernance impose au système de ne faire que les choses qu'elle maîtrise. Elle interdit ceci, cela… pour ramener la variété à son niveau. On parle de variété contrainte. C'est le cas des dictatures.

-   J'ai pigé ! Si le cerveau est étroit mais qu'il possède le pouvoir d'interdire tout ce qu'il veut, ça peut le faire!

-  Exact! Bien sûr il resterait l'alternative qui verrait le cerveau se "muscler" ou essayer de mieux s'adapter au contexte, mais cette voie reste peu pratiquée par les détenteurs du pouvoir qui se croient plus efficaces qu'ils ne sont en réalité.

-    En un mot, en dehors des démocraties scandinaves, à peu près correctes, les gouvernements se divisent en deux catégories: la main de fer ou la main parkinsonnienne… tout en expliquant qu'il font de la démocratie: Poutine ou François, quoi !

-   C'est joli comme métaphore et parfaitement parlant!

-   Mais revenons à nos régions: si j'ai suivi, ça ne sert à rien de faire grossir le corps sans améliorer le pilote donc le pilotage. On va créer des Septimanicus !!

-   Of corse, sans jeu de mot. Sauf que cela exigera plus d'énergie… donc plus de fric.

-   Mais Pannini* dit qu'il y aura des économies.

-   Surtout ne parie pas un kopeck sur cette perspective!

-   Pas de risques! Mais tu m'as fait un cours sans me donner de solution! Tu es énarque ou quoi? Parle-moi du fameux éclair territorial…

-   Tu veux dire le "mille feuilles"?

-   Peut être, mais ne fuis-pas dans des arguties de pâtissier!

-   Attends, je vais te préciser. Primo je dirais que les politiques n'ont pas retenu la métaphore du Petit Prince: dessine-moi une région n'appelle pas à peaufiner un dessin, un contour sophistiqué. Le mille feuilles, c’est la réalité d’une société complexe avec des territoires gigognes dont la pertinence de la délimitation dépend du sujet abordé. Le quartier ou les petites communes sont pertinents pour traiter des questions quotidiennes de proximité. La ville et l’intercommunalité permettent la mutualisation des services. On appelle cela la contingence de la régulation. Deuxio, dans le monde qui devient de plus en plus "liquide" (c'est à dire changeant), on devrait éviter au maximum de créer des structures pérennes (surtout géantes)

-   Attention tu es monté à 6/7 sur l'échelle Dhenri!

-  Fais pas l'idiot, tu as compris. Ce que je crois efficace consiste à garder un système assez près de l'actuel en répartissant précisément les missions (rationnalisant la variété). Et en pratiquant, lorsque cela est pertinent, une adhocratie**, soit "des configurations organisationnelle qui mobilisent, dans un contexte d’environnements instables et complexes, des compétences transversales pour mener à bien des missions précises". Ces structures étant adaptées en dimension et en durée au problème qu'elles sont censées traiter. Les SIVU***, par exemple, étaient bien dans cette perspective: quand il fallait regrouper une dizaine de communes pour réaliser de la restauration scolaire, on le faisait. Si le besoin disparaissait, le syndicat était dissout.

-   La flexibilité donc… mais les fonctionnaires ?

-  Qui a parlé de fonctionnaire? On peut faire travailler honnêtement des gens sans  qu'ils aient le statut de fonctionnaire. On peut même les détacher d'une structure existante.

-   Je vais y réfléchir! C'est chouette cette systémique! On se demande pourquoi on ne l'utilise pas plus souvent!!

-   Parce qu'elle dérange les habitus…

-   Allez tchao! Tu recommences!

 

* Gus parle de Vallini chargé de "vendre" le projet de réforme                                                         
** voir Réforme territoriale : coller au réel, par les invités de Mediapart, 06 juin 2014   
*** Syndicats Intercommunal à Vocation Unique

17/07/2014

RÉGRESSIONS

Ces derniers temps, l'entité humaine a été malmenée. J'utilise ce terme générique pour ne pas tomber dans des difficultés sémantiques trop ardues. Il s'agit de parler le l'Homme dans son acception d’homme civilisé, celui qui aurait vaincu en lui les instincts animaux naturels et les aurait remplacés par l’éducation et la culture. Qui aurait aussi acquis le respect de son corps.

Diantre! Allez-vous dire, je n'ai pas vu passer cela dans mon journal quotidien et sur ma chaîne préférée! On y parlait surtout de la Coupe du Monde de Foot et de la Conférence Sociale (deux évènements qui ne se sont par trop bien passés pour la France) et du conflit Israélo-Palestinien qui embrase le M-O.

Hé bien si, vous allez voir, tout cela relève d'une philosophie humaniste (ou inhumaniste en l'occurrence!). A y regarder de plus près on s'aperçoit que selon les cas, l'individu est considéré comme un capital, une ressource, voire une denrée!

Primo, quant aux négociations sociales d'initiative hollandaise, le patronat a "exigé" et obtenu que soit abandonnée la clause de pénibilité du travail. Au fond, cela implique une conception de travailleur denrées, un être qui représente une capacité de travail que l'on achète (ou pas), un point c'est tout. Souffre-t-il? A-t-il des maladies professionnelles invalidantes? Vit-il plus mal que d'autres?... On s'en fout, parce que l'Homme c'est trop compliqué et que ça nous ferait dépenser plus de sous! Le mot d'ordre est "compétitivité" et son corollaire "anorexie salariale". Jadis considérés comme une force de travail, esclaves donc de maîtres ou de machines, les hommes ont trimé, des pyramides aux mines en passant par les champs. Puis, par le jeu concerté d'organisation du travail et de politiques socialistes, ledit travail fut codifié et on parla de ressources humaines. Ressources abondantes donc soumises tout de même à exploitation sous le regard inquisiteur de K. Marx et quelques épigones. Enfin à l'après guerre, le puissant N.B.E.R.* (équivalent INSEE des américains) révéla des statistiques démontrant que le travail s'avérait aussi productif, voire plus que le capital dans la glorieuse croissance économique trentenaire. À la suite, les économistes nobélisés élevèrent le travail au rang de capital humain (T. Schultz, G. Becker). Capital sélectionné, choyé, motivé (Maslow, Herzberg ) amélioré par la formation, l'apprentissage, le progrès technique incorporé,.. Ce fut l'âge d'or du capitalisme "humain"! Mais vinrent les crises successives du pétrole et des subprimes qui rendirent pingre les patrons et voraces les actionnaires. Fini le capital humain on est revenu à la ressource, puis à la denrée. L'objectif majeur est de baisser le coût de ce facteur… par tous les moyens, notamment en démantelant le code du travail et les acquis sociaux. La société régresse à l'aune de cet abandon progressif du "capitalisme humain".escalier.jpg

Au Brésil, en deux occasions comme en cent, on a pu apprécier l'intérêt que l'on portait à l'homme au delà du joueur. La vertèbre de Neymar s'avère fracturée? Le muscle de Di Maria est-il claqué? Le seul problème se résume à les faire rejouer le plus vite possible à l'aide de cellules souches et autres médecines miracles. Que dire des "vedettes" ibères, anglaises, italiennes,… saturées, épuisée par des championnats déments? Il faut dire que les joueurs se comportent comme des ressources que l'on achète et vend sur un marché d'esclaves dorés appelé Mercato, plus préoccupés par l'originalité (?) de leur coupe de cheveux, de la couleur fluo de leurs pompes, de la surface de leurs tatouages et de la marque de leurs casques écouteurs que de tout autre problème. Ces ingrédients sont le degré zéro de l'humanisme! Ils servent à tenter de parler aux autres en donnant une image forte de soi…. quand on n'a rien à dire! "Regardez ma coupe, elle démontre mon originalité, le tatouage ma force, ma musique mon univers". En vrai, le footballeur aime la pizza, Coeur de Pirate et les Playmobils… Mais pour faire comprendre au monde entier sa vraie nature il va inscrire dans sa chair un fil barbelé courant le long de son biceps saillant qui symbolise en vrac, sa mère, son rottweiler adoré, son "lego" (eh oui!) et sa ferveur religieuse. Les clubs cherchent à tirer le fric maximum et les joueurs idem pour acheter d'autres denrées, d'autres tatouages, d'autres bagnoles! Le foot a régressé humainement parlant. Adios Di Stéphano! La poule aux œufs d'or a ravalé les joueurs à l'état de robots écervelés**, acceptant des traitements médicaux foireux, à l'affût d'incartades diverses et baladés d'un bout de planète à l'autre au gré de mutations suspectes de dessous de tables juteux. Avec interdiction de penser, comme dans le cas de Marcelo Viera.

Cela me fait transition puisque ledit Marcelo fut, à l'époque (2012), sanctionné pour avoir twitté pour dire son soutien aux palestiniens. Palestiniens et Israéliens qui ont ressorti les canons de la haine pour des prétextes toujours réciproquement contestés. "C'est pas moi qui a commencé!" comme dans la cour d'école! Transition vers cette boucherie à ciel ouvert où israéliens, palestiniens, syriens, irakiens, iraniens,… s'étripent par centaines pour des motifs essentiellement religieux. Des enfants, des femmes, des jeunes, des vieux,… la plupart innocents, meurent sous les explosions ou dans les gazages pour satisfaire à des vendettas séculaires. Lequel d'entre vous sait ce que représente la Nakba, la différence essentielle entre chiites et sunnites, que sont vraiment les "déviances" des Kurdes, des Alaouites, des Druzes,… et les spécificités des chrétiens du M-O ? Que l'on pratique un culte, personnellement je l'admets parfaitement, même si je suis laïque. Mais cela me dépasse que l'on puisse s'entretuer pour ces choses sacrées venues du fond des temps, d'une époque où il fallait encore des dieux pour enseigner la sagesse aux hommes. Là encore les religions ont fait régresser l'humain. Toutes sont fondées je crois pour, au contraire, faire avancer une conscience de l'homme plus solidaire, plus éclairée, plus heureuse en un mot. En fait, on revient vers un obscurantisme de fanatisme se drapant dans les plis d'écritures interprétables à souhait puisque datant (peut être) de plusieurs dizaines de siècles. La fameuse phrase de Marx "la religion est l'opium du peuple" peut être comprise aujourd'hui selon deux sens: elle endort la conscience populaire (l'opium calme) ou elle fanatise les foules (l'opium rend fou).

Comme le foot, comme le capitalisme financier!!!

Le "vivre ensemble" n'est plus une valeur première, mais il est fondamental pour la pérennité du système. (...) On ne peut pas constamment pomper le capital humain et nier l'intelligence collective sans se préoccuper des conséquences. Parce qu'au bout d'un moment, il n'y aura plus rien à pomper, nous aurons une société invivable, et le système économique ne fonctionnera plus. On a peut-être hélas  déjà atteint ces limites" (Christophe Dejours. Le Monde du 23/07/2007).

 

*The National Bureau of Economic Research, organisme privé américain, sans but lucratif, politiquement indépendant, consacré aux sciences économiques et aux recherches empiriques associées, particulièrement à l'économie américaine.
**Peut être est-ce un signe que l'équipe gagnante soit celle qui arbore le moins de coupe démentes, le moins de pompes orange vif, le moins de tatouage visibles

16/06/2014

IL FAUT SUPPRIMER LA CINQUIÈME SECTION!

Il se produit actuellement un événement dans le mundillo de l'économie politique: les USA s'arrachent un français, Thomas Piketty, ce qui n'était pas arrivé depuis Maurice Allais et Gérard Debreu (prix Nobel) encore que la réputation de ces derniers n'ait guère franchi les limites du cercle des spécialistes. Or, la nouvelle coqueluche des médias américains est snobé en France, et son travail (Le Capital au XXIe siècle. Seuil 2013) ravalé au niveau d'un "marxisme de sous préfecture" (N. Baverez) ,"lecture de plage" ou "navet économique de l’année", "nouvelle escroquerie statistique",…!  Cet ostracisme me semble révélateur d'un mal profond qui ronge la recherche-action française. Tentons d'en saisir les mécanismes.

Je ne vous entrainerais pas au sein de la problématique de Piketty qui comporte deux volets: un volet statistique qui donne des séries longues sur le capital, le travail et le produit national. L'intérêt de cette masse dense de données ne saurait être contesté. J'ai, il a presque un demi siècle, soutenu une thèse sur ce thème, un peu surréaliste à l'époque* et, à ce titre, mesuré la carence béante de données concernant le stock de capital, même pour les USA. Par contre, le second volet, qui en induit une opinion sur la concurrence entre revenus, fiscalité et croissance, s'avère la part vilipendée. Cela n'est pas étonnant puisque, en passant de l'économétrie à l'économie politique, l'auteur bouscule les tabous de l'idéologie majoritaire. A-t-il raison, a-t-il tort on peut en discuter. Mais j'ai bien dit discuter et non stigmatiser! Dans ce pays gaulois, il existe des enclosures de discours pseudo scientifiques considérés comme incontournables et surtout,  irréfutables. L'économie en fait partie.

L'origine de ces "chapelles" se trouve dans le puzzle disciplinaire du CNU (Conseil National des Universités organe que seul la France utilise) qui comporte des sections constituant ces enclosures limitant impérieusement le champ de recherche. Si vous êtes en économie il s'avère rédhibitoire de tutoyer la sociologie, ou de tangenter la gestion, voire la géographie, même si cela apporte un intérêt à l'analyse. Comme le champ est donc clos, tout le travail consiste pour les "patrons" de se constituer des cours, sous ensembles limitatifs d'enclosure, sur lesquels ils règnent en suzerains n'admettant que des vassaux "bien pensants". Et ces cours peuvent s'avérer des courettes, voire des loggias, tellement exiguës que leur intérêt scientifique est proche de l'onanisme intellectuel partagé.piketty-bloomberg-businessweek-1.jpg

La cinquième section intitulée "Sciences Economiques" – comme toutes celles de un à six – comporte, en plus, le concours d'agrégation qui, tous les deux ans, adoube un quinzaine de postulants issus des courettes plus ou moins réputées, pour en faire les nouveaux suzerains prêts à s'inscrire dans la même noria sélective. Ce mécanisme de reproduction des élites cher à Bourdieu, cristallise et étiole la recherche en la cantonnant à des thématiques vues et revues. Cela a (au moins) deux conséquences:

En premier lieu la science d'aujourd'hui ne correspond plus vraiment au découpage du CNU, beaucoup d'innovations étant issues d'interfaçages. Le besoin d'une vision plus holistique fait émerger des pistes inconcevables selon des partitions analytiques strictes. Mais œuvrer dans cette perspective vous aliène avec certitude les portes du recrutement et/ou celles de la promotion. En effet il faut être qualifié (sauf-conduit initial), puis promu, puis agrégé et donc passer sous les fourches caudines des "maîtres du tabernacle scientifique" auquel le candidat aspire. La déviance, même innovante, ne saurait trouver grâce auprès de ce cénacle qui régente la section.  On peut pinailler sur des décimales ou sur des corrélations pikettiennes,… cela ne changera rien au fait que les économistes "en cour" n'ont jamais voulu vraiment s intéresser au lien théorique entre l’accumulation de la richesse, sa répartition et l’évolution de l’économie d’un pays. Piketty entrouvre donc la boite de Pandore et ce n'est pas du jeu! Si on commence à rechercher avec précision comment se construit et s'accroit le gâteau peut être va-t-on aller jusqu'à exiger la part méritée, donc due. Contrairement à de nombreux économistes académiques, il insiste sur le fait que la pensée économique ne peut être séparée de l'histoire ou de la politique.

En second lieu, les postes d'enseignants s'attribuant par les mêmes filières de connivence, l'enseignement dispensé s'avère d'un traditionalisme affligeant. La science économique (comme beaucoup d'autres sciences) néglige, voire méprise, les thèmes "hétérodoxes" malgré leur brûlante actualité. Tenter de parler de protectionnisme vous fait assimiler à un dangereux hurluberlu! Evoquer les monnaies de substitution est carrément considéré comme blasphème… Le partage du travail reste un sujet tabou… Celui de la valeur ajoutée une agression! Or si les économistes ont été incapables de  prévoir la grande crise de 2007-2008, et ont encensé la gestion des pays (États-Unis, Angleterre, Irlande, Espagne) où la crise allait éclater, c’est précisément parce qu’ils ne tenaient aucun compte des précieuses données qui ont fait l’objet des recherches de Thomas Piketty, à savoir l’accumulation des actifs, la richesse, et des passifs, l’endettement**. Mais ceux qui campent en haut du cocotier universitaire ou des grandes écoles, n'en ont cure. Pourvu que l'on ne vienne pas glisser dans les esprits de mauvaises idées sur la finance ou sur la fiscalité. Tous ces gens là sont connivents avec les gagnants du système (notamment les "super gestionnaires" pratiquant "l'extrémisme mériocratique") qui, si l'on en croit Thomas Piketty, gagneraient de plus en plus, ceteris paribus, sans rien produire alors que mécaniquement à l'autre bout, d'autres perdraient systématiquement. Voilà pourquoi James Pethokoukis, de l’American Entreprise Institute prévient, dans le National Review, que les travaux de Piketty doivent être réfutés, sinon ils vont "se propager parmi l’intelligentsia et refondre le paysage politique économique sur lequel toutes les batailles politiques seront menées à l’avenir" (cité par Paul Krugman) . Voilà pourquoi il faut savoir qu’il ne « passe » plus un seul hétérodoxe à l’agrégation de science économique, qu’il n’y a plus une seule promotion au grade de directeur de recherche pour les hétérodoxes au CNRS, et que, même après la crise, cette politique d’éradication continue de plus belle***. Les acolytes de William F. Buckley ont bien tenté d’empêcher l’enseignement de l’économie Keynésienne, pas en démontrant qu’elle était erronée, mais en la traitant de "collectiviste"!

En principe c'est aux dangers de la servitude volontaire que la culture universitaire, que le travail de pensée, devraient permettre de résister pour proposer des solutions innovantes. Sinon comment s'étonner du mimétisme conceptuel des classes dirigeantes nourries aux mêmes mamelles quel que soit leur opinion ou parti? Comment expliquer le conditionnement conduisant jusqu'à l'absurde des politiques inopérantes? Mais cela supposerait du temps et un formidable effort pédagogique qu'hélas on ne voit sourdre nulle part. Même pas dans les MOOCs dont on vante la modernité mais qui ne sont qu'habits neufs de vieilles lunes. Les français dont la culture économique est proche des "Bonnes Soirées" se font enfumer. Les politiques aussi. On nourrit les soumis avec les jeux du cirque pendant qu’on étudie comment en finir une fois pour toutes avec les derniers insoumis****. Mais de moins en moins (cf les derniers scrutins), même si les quelques penseurs "déviants" (Economistes atterrés) ne franchissent pas la barrière des mass médias. Cependant, leurs idées comptent également pour former notre façon de parler de la société ainsi que, in fine, pour ce que nous faisons. Et la panique Piketty montre que la droite est à court d’idées (Paul Krugman. La panique Piketty. Chroniques RTBF.be info samedi 26 avril 2014).

* ce qui souligne la perspicacité du Pr R. Badouin qui m'avait tiré ce sujet de derrière les fagots!
** cf A. Boubil. L'erreur de Thomas Piketty. Les Echos.fr. 30 Mai 2014
*** Qui sont les économistes hétérodoxes et quelle place ont-ils ? Lordon répond.
http://www.penseelibre.fr/economistes-heterodoxes-quelle-...
**** On nous vole la connaissance pour mater les derniers récalcitrants, par Boris Verhaegen. Blog de Paul Jorion; 13/06/2014