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28/10/2016

LA DÉMOCRATIE D'ASTÉRIX

Pendant que l'on nous amuse avec des informations qui n'en sont pas vraiment, une décision fondamentale, vitale, a failli passer sous silence. Je parle de la signature de l'accord CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global). Il s'agit pour faire simple d'un accord bilatéral global entre l'Europe (c'est nous) et le Canada (c'est l'Amérique du Nord) réglant le volume, la nature et les conditions des échanges entre ces deux entités. L'extension du marché-roi à la moitié du Monde! Rien que cela! Ledit CETA, négocié en douce hors de tout débat public, signé en l'état, engageait notre avenir pour les prochaines décennies. Pas seulement économique, mais écologique, alimentaire, juridique, j'en passe et des meilleures! Les "grands acteurs de ce Monde" se frottaient les mains de ce coup de génie. En effet, n'ayant pu faire passer le TAFTA (le même entre les USA et l'U.E.), ils espéraient le coup par la bande comme on dit au billard, puisque environ 85% des multinationales américaines sont aussi résidentes au Canada.

Et puis patatras! Un minus d'entre les minus, la Wallonie, s'est entêté à résister, à dire non et à imposer son véto! Au nom de la démocratie et de l'intérêt général! Tous les "grands" des deux côtés de l'Atlantique, ont crié haro sur le baudet belge. Qui tint bon! Allez voir sur le Net (https://reporterre.net/La-Wallonie-refuse-le-Ceta-Dans-cette-video-remarquable-le-president-Magnettele discours d'une grande dignité du président empêcheur-de-faire-des-affaires. On aimerait en avoir beaucoup de cette trempe en ces temps ou, chez nous, les dirigeants disent ce qu'ils ne devraient pas. Ça réconcilie avec la Politique!

Asté.jpgÉvidemment l'acharnement des Goliath multinationaux sur une "toute petite région" en la menaçant, la vilipendant, la moquant, a réussi à la faire plier, au mépris de toute déontologie démocratique. Pourtant, si le fonctionnement donne un droit de véto, chacun a le droit de l'utiliser. Sinon il ne fallait pas mettre ce droit.

Toutefois, ce déni de démocratie a une portée majeure

Grâce à ce fragile mais courageux véto, ces Astérix du plat pays ont sans doute tenté de protéger notre mode de vie pour nous, nos enfants et petits enfants. L'alimentation (bœuf aux hormones, le poulet au chlore, OGM, pesticides,…), les normes des produits industrialisés, les critères écologiques,… jusqu'au droit (arbitrages hors des tribunaux), il s'agit d'une révolution sociétale profonde. Vendue, comme d'habitude, par d'habiles prêcheurs du libéralisme sauveur de la croissance économique, par les pourfendeurs des  "rétrogrades négationnistes* du progrès", appuyés par des lobbyistes puissants. Bonnes gens, imaginez le marché américain ouvert pour le Roquefort, quel impact pour l'emploi aveyronnais!! Sauf que, en même temps, l'agroalimentaire du Saskatchewan ou du Nebraska  pourra fabriquer du roquefort car les labels seront banalisés. Que pensez-vous qu'il arrivât?

Cet épisode de l'emprise progressive d'une idéologie sur notre libre arbitre pose un problème et un défi majeurs: il en découle directement** que l'un des éléments de la démocratie libérale soit partiellement mais profondément vidé de sa substance. Le Politique – c'est à dire la gouvernance de la société selon les valeurs partagées – devient le sous produit d'une hégémonie économique hors maîtrise. Cette subordination de la société humaine à la logique du marché sape l'expression populaire de la démocratie.

Il faut arrêter avec cette fascination du marché qui représente une entité  multiforme et ascientifique ayant beaucoup de mal à intégrer l'information, le pouvoir et l'intérêt général. Au lieu que l’économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées dans le système économique, comme l'explique magistralement Polyani dans son ouvrage "La grande transformation".

Il serait temps de réfléchir à la façon de constituer une gouvernance économique digne et indépendante. Digne c'est à dire capable de prendre en compte l'intérêt général, le bien public. Et indépendante, c'est à dire séparée des autres pouvoirs afin que jouent les équilibres nécessaires pour qu'il existe pas de confiscation de l'un par l'autre.

Pourquoi laisser, sous tabous de démocratie, la régulation économique à des politiques ou à des technocrates, politiques qui par maints fils sont reliés à des pouvoirs occultes, technocraties issues de filières ploutocratiques réticulaires. La théorie de la séparation des pouvoirs désigne la distinction entre les différentes fonctions de l’État, mise en œuvre afin de limiter l’arbitraire et empêcher les abus liés à l’exercice usurpé de la souveraineté. "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’à point de Constitution."***

Sans doute faudrait-il séparer politique et économie pour actualiser ce principe fondamental. Pour ce faire deux voies: la représentativité de classe et la séparation stricte.

La première option consiste à rendre le pouvoir législatif compatible dans sa composition avec le poids réel des diverses classes économiques: petits agriculteurs, gros agriculteurs, petits patrons, gros industriels, fonctionnaires A, fonctionnaires B,… fonctions libérales,… Cela s'appelle la méthode Mattei Dogan. On suppute l'opération complexe voire irréalisable encore qu'en France, le Conseil Economique et Social tente l'exploit… avec le fiasco que l'on connaît.

L'autre voie vise à séparer le pouvoir économique des autres pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Plusieurs auteurs se sont essayés à ce jeu. Certains**** trouvent même cinq pouvoirs à séparer: Législatif (Avec une nouvelle forme de représentativité et un contrôle des élus), Exécutif (Avec une responsabilité personnelle des acteurs), Judiciaire (Avec une méthode de contrôle des comportements des juges quand ils enfreignent leur propre déontologie), Médiatique (Les médias mais également toute production de sens : école, arts et recherche), Economique (Liberté d’action et de moyens mais responsabilité face aux objectifs défini par le législatif).

Ces deux options concernent un partage horizontal des pouvoirs. Une autre solution réside dans un partage vertical par la voie d'une décentralisation réelle de ces derniers. Le fractionnement des prérogatives de façon étagée rend la confiscation desdits pouvoirs beaucoup plus difficile, voire impossible.

Les mouvements "régionalisés" contestent la légitimité des autorités politiques qui essaient de mettre en œuvre des politiques strictement favorables au marché. Ils le font en revendiquant un certain mode de vie plutôt qu’en développant des projets politiques alternatifs au sens de la politique traditionnelle. La semaine dernière la Wallonie s'en est faite le modèle, mais l'Écosse, la Catalogne, Padanie,.. (les quasi états de Robert Jackson) montrent leurs désirs de conserver un pouvoir décisionnel quant à leur mode de vie. Face à un éloignement progressif des centres de pouvoir (Nation, Europe, Monde), elles revendiquent une existence démocratique, même subsidiaire, afin d'exprimer et de défendre des valeurs collectives vivaces. La vigueur démocratique est à ce prix, sinon les citoyens soit se révolteront en actes sécessionnistes (Brexit), soit ils bouderont les votes alibis dans une abstention massive. Ce sentiment s'exacerbe lorsque l'intérêt général "local" semble floué par le pouvoir exécutif central.

Loin de s’opposer, fragmentation et globalisation sont peut-être aujourd’hui associées : les dynamiques de fragmentation territoriales ne pourraient-elles pas, en effet, être considérées comme des formes spécifiques de relation entre acteurs (et plus usuelle qu’il n’y paraît) dans les processus actuels de globalisation***** ?

 

* le qualificatif est de Pierre Cahuc et André Zylberberg dans un ouvrage controversé récent "Le négationnisme économique et comment s'en débarrasser", Flammarion,Sept 2016
**Jean Meynaud. Pouvoir économique et pouvoir politique. Revue Economique. Vol 9. 1958

*** article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
**** Principes de base pour un projet de constitution. www.trazibule.fr
***** Amaël Cattaruzza. Fragmentation : cloisonnement et/ou recomposition de l’espace politique ?, L’Espace Politique, 18/11/2010, http://espacepolitique.revues.org/169

26/09/2016

L'ANGUILLE INDUSTRIELLE

Les discours tenus dans le cadre des primaires et, au delà de la présidentielle, vont tourner autour des problèmes de terrorisme, d'islam et d'identité, mais aucun candidat ne pourra s'esquiver des questions économiques et surtout de la lutte contre le chômage.

Toutefois le gouvernement français (quel qu'il soit) a-t-il encore une réelle prise en ce domaine? Le transfert des pouvoirs monétaires à l'U.E. d'une part, les impératifs de non interventionnisme de ladite U.E., la nouvelle forme de capitalisme actionnarial font, entre autre, que la marge semble étroite pour mettre en œuvre une politique industrielle autonome digne de ce nom. L'industrie n'est-elle pas une anguille qui glisse entre les doigts des dirigeants politiques?

La "crise" que nous traversons tient essentiellement au fait que les multinationales veulent et peuvent fuir les obligations démocratiques qui leur ont été jadis imposées. Lorsqu'elles délocalisent vers des régions "plus favorables", de l'emploi est perdu, ce qui alimente le chômage et les coûts de la sécurité sociale. Alors dans l'espoir de garder (ou d'attirer) des investisseurs devenus de plus en plus volages par le shopping législatif et fiscal tous les gouvernements se lancent dans une course à celui qui détricotera le plus vite les droits sociaux*. En vain, le plus souvent.

Il s'en suit un sentiment d’impuissance face aux grandes firmes multinationales qui constituent, elles, une puissante et cohérente machine à faire plier les nations. Ces mastodontes réunis au sein de l’European Round Table of Industrialists (dont personne ne parle mais qui s'avère le lobby majeur de U.E.) se chargent de conduire cette politique industrielle en fonction de leurs intérêts. Les moulinets des politiques en mal d'image face aux fermetures d'usines, plans sociaux ou dégraissages ne conduisent qu'a des frustrations postérieures lorsque les paroles viriles se sont envolées et les emplois supprimés. L'affaire guignolesque de l'amende d'Apple ne doit pas nous leurrer. Comme l'Irlande refuse d'encaisser, comme les USA font les gros yeux et menacent de rétorsions, l'affaire finira en queue de poisson.

POUBELLE.jpgMédiatiquement le discours se focalise sur ces gros groupes et leurs "défections" enflamment les villages, villes ou régions où ils laissent des balafres profondes dans l'emploi local. En révélant sans conteste l'impuissance publique, voire le pillage public puisqu'ils ont souvent bénéficié d'aides conséquentes**.

Face à cet existant, les candidats férus d'économie évoqueront l'inexorable déclin du secteur industriel, commencé il y presque un demi siècle et qui s'accélère, en proposant une politique de compétitivité-prix… dont on a pu vérifier l'inefficacité récurrente, mais qui parle bien au MEDEF. Ils enfourcheront le cheval fougueux du libéralisme heureux en insistant sur le caractère néfaste de toute intervention publique et les lendemains qui chantent de la mondialisation. Ils martèleront qu'il faut simplement(!) abaisser le coût du travail et jeter au pilon le code éponyme. Tout juste s'ils proposeront une meilleur régulation au niveau européen, avouant par là toute l'impuissance nationale (française en l'occurrence).

A l'opposé, d'autres préconiseront un nouveau protectionnisme sans toutefois dessiner un nouvel âge industriel à l'intérieur de ces frontières. Un retour à un passé magnifié, évitant d'évoquer les profonds changements structurels et institutionnels intervenus depuis.

Entre les deux, des esquisses de politiques industrio écologiques pourraient, le cas échéant, amorcer un débat utile… si le thème faisait encore frémir les opinions.

Mais, finalement, s'agit-il de sauver les boîtes qui existent pour éviter de nouveaux chômeurs ou de promouvoir de nouvelles opportunités génératrices de postes de travail? Sauvetage ou ré industrialisation? That is question! Quel politique avouera que des sommes considérables sont englouties dans des tentatives d'arrière garde pour paraître aider les travailleurs alors que l'issue fatale est déjà consommée au niveau des Conseils d'Administration? La vallée de la Moselle (Arcelor Mittal), Goodyear, Doux, Bristol-Myers-Squibb, Sanofi, Cephalon, Alstom,…. les exemples "fleurissent" chaque jour.

Pourtant une vraie politique économique ne peut se défausser d'une vraie politique industrielle, même si le secteur tertiaire reste le fournisseur d'emplois majeur (depuis 1980, l'intégralité des 4 millions d'emplois créés l'a été dans les services).

La stratégie Europe 2020 de la Commission Européenne affirme les objectifs suivants: "stimuler la croissance et la création d’emplois en maintenant et soutenant, en Europe, une base industrielle forte, diversifiée et concurrentielle qui offre des emplois bien rémunérés, tout en émettant moins de carbone". C'est joliment dit mais pour réaliser cela seuls les financements privés sont évoqués. Et comme les actionnaires recherchent la meilleure rentabilité immédiate alors que la mutation industrielle potentielle exige du délai, le hiatus est patent.

De plus le passé nous enseigne que les réussites qui font encore le succès français, s'avèrent, d'abord, les secteurs pour lesquels l'État a pesé de tout son poids régalien et financier (nucléaire, chantiers navals, aéronautique, espace,…).

Les pistes structurelles qu'il faudrait pratiquer avec la même pugnacité (c'est à dire sans les tabous libéraux) sont tellement évidentes qu'il semble tautologique de les citer: numérique (médical, ludique, domotique), écologique (énergie, agriculture, alimentation), industrie du care (bien être des individus quel que soit leur âge). Mais, pour mener à bien cette mutation, il faut jouer à moyen terme (d'où le financement public), il faut s'inscrire dans l'innovant, il faut fournir les ressources humaines aptes et compétentes. Tout en évitant la dispersion et le saupoudrage électoraliste.

Surtout, il semble opportun de soutenir la tranche des E.T.I. (Entreprises de Taille Intermédiaire)*** qui reste un peu à l'abandon en France. Les banques notamment boudent ces firmes pourtant rentables et dynamiques. L'Allemagne que l'on nous vante tant, s'appuie majoritairement sur ce secteur (Mittelstand). Le rapport de force s'y trouve plus favorable à l'État que vis à vis des mastodontes cités précédemment, l'agilité de management plus réelle, l'innovation mieux accueillie. La maitrise d'œuvre pourrait majoritairement transiter par les "grandes" régions qui ont cette compétence, ce qui justifierait enfin leur création. En procédant par le biais de sociétés "collaboratives" comme les SCIC (Société Coopératives d'Intérêt Public), statut dont la particularité est de permettre l'association de divers acteurs autour d'un même projet de production. L'(es) acteur(s) publics peuvent ainsi garder un partenariat réel et actif avec le privé en associant, le cas échéant, les syndicats ou associations économiques (CCI, C des M), voire des labos de recherche. La mise en place de ces processus - que j'ai appelé jadis "industrieux" - loin d'être des anachronismes permettraient de remobiliser l'ensemble du tissus impliqué dans la créations d'emplois pérennes et ancrés dans le territoire. Aujourd'hui on parlerait de clusters à déversement c'est à dire un pôle de recherche universitaire et entrepreneuriale qui fertilise tout un espace économique en mobilisant les forces vives.

En plus, un protectionnisme raisonné et raisonnable semblerait redevenir une arme de défense sérieuse et une stratégie de progrès sitôt que le tabou qui l'affecte peut être levé.

Plutôt que de mobiliser la capacité fiscale du pays pour le sauvetage d'une industrie qui remplace toujours plus les travailleurs peu qualifiés par des robots, on pourrait déployer ainsi des initiatives pour rendre solvables ces emplois new look qui seuls pourront guérir le pays de son chômage de masse****.

Surtout il faudrait un programme ("plan" reste un terme aujourd'hui bêtement interdit en France) clair, argumenté et intangible durant le temps nécessaire à la transition évoquée.

Mais ne rêvons pas! Les hommes et femmes qui se présentent à chaque élection désirent des résultats rapidement visibles et spectaculaires tout en n'étant pas tenus par des éléments arrêtés. Les actionnaires, qui constituent la force de frappe des conseils d'administration, exigent des dividendes gras et presto. Les banques, par attitude prudentielle, sont réticentes à s'engager sur des risques industriels. Le discours dominant prône un capitalisme de rentabilisation courte… et ses chiens de garde font rapidement un sort à toute proposition "déviante", fut-elle proférée par un nobélisé (Stiglitz).

"Quand on ne sait pas où on va, tous les chemins mènent nulle part", disait Henry Kissinger. Ce nulle part est en train de se matérialiser chaque jour un peu plus à l'ombre d'un chômage qui, historiquement, sera la tache indélébile de notre époque.

* Bruno PONCELET. Le capitalisme numérique: en route vers un univers radieux? Barricade Etude 2014.
** Voir Note 24 Février 2014 Lettre Trésor Economie. L'industrie : quels défis pour l'économie française? Guillaume FERRERO, Alexandre GAZANIOL, Guy LALANNE. Ministère de l’Économie et des Finances et Ministère du Commerce Extérieur Direction générale du Trésor.
*** la catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI), constituée des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des petites et moyennes entreprises, qui occupent moins de 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 1,5 milliard d’euros ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 milliards d’euros . Pour plus de précision voir Note DGSI "Les Entreprises de Taille Intermédiaire". Mai 2010
**** (http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/09/24/politique-industrielle-halte-a-la-nostalgie) .

01/09/2016

THÉÂTRE D'OMBRES HUBRISTIQUES

Nous sommes entrés dans le moment de folie précédent le scrutin des présidentielles. Une sorte de jeux olympiques des promesses, des critiques, des coups tordus, des dénonciations,… auxquels vont se livrer des compétiteurs en grand nombre, souvent autoproclamés, où départagés par des "critériums" improbables appelés "primaires". Au point que chaque matin je crains d'apprendre que mon voisin s'aligne au départ de cette pseudo compétition!

Cette agitation brownienne certains disent que c'est le coût à concéder à la démocratie. Moi, je veux bien, mais le résultat des courses de ce dernier demi siècle ne plaide pas en faveur du critère de qualité de la gouvernance résultante.

Sans vouloir rajouter au déferlement de notes qui va s'en suivre je voudrais mentionner deux critères qui me semblent fondamentaux pour, le cas échéant, trier le bon grain de l'ivraie.

Tout d'abord le dénominateur commun de ces individus prêts à donner leur corps pour la France réside dans le fait qu'ils sont atteints du syndrome d'Hubrist. Les principales caractéristiques de ces acteurs hubristiques sont de surestimer leurs compétences, de sous-estimer les difficultés auxquelles ils doivent faire face et de simplifier à l'extrême des situations très complexes. De fait, ils n'écoutent pas leur entourage et refusent tout compromis. Cette attitude risque de les conduire à prendre certaines libertés, à saper l'autorité d'institutions normalement autonomes, à démoraliser leur entourage, à monter leurs proches les uns contre les autres, etc...*

Qui ne voit pas un Nicolas Sarkozy, un Manuel Valls, une Marine Le Pen, un Obama, un Berlusconi,  un Poutine (mais aussi un Hollande, un Macron, un Juppé,…) derrière la description de ce syndrome ? Ces hommes qui se croient des demi-dieux sont pourtant soumis aux mêmes règles naturelles que tous les autres. Même s’ils semblent parfois l’avoir oublié… On trouve là l'explication du changement profond qui fait qu'un candidat jugé "correct", c'est à dire assez équilibré, assez compétent, assez charismatique,…  se mue en un loup politicien prêt à tout une fois acquis les attributs du pouvoir. Certes, j'en conviens, la direction des affaires publiques à haut niveau ne coule pas de source et mobilise des savoirs faire incontestables. Mais il me semble que des qualités doivent considérées comme prioritaires.

Pour ma part, je m'en tiendrai à la rigueur et la tolérance.

kiki.jpegDroite ou gauche, la rigueur fera qu'on aura ainsi une attitude conforme à la règle annoncée! Pas du surf sur les sondages et des circonvolutions communicantes afin de justifier ses errements. Cela légitimera les votes obtenus et évitera le sentiment de cocufication très fréquent ces derniers temps!

Rigueur politique donc, mais rigueur juridique aussi. Fillon (qui n'est pas ma tasse de thé)  à eu cette expression imagée: "Qui peut imaginer de Gaulle en examen?". Il aurait pu rajouter "Qui peut imaginer le général, en scooter sortant de chez une maîtresse?" Certes le fameux syndrome évoqué veut que ces gens se croient hors des lois et règles réservées au bon peuple. Certains même font candidature pour tenter d'échapper à la justice! Mais comment recevoir l'adhésion de l'opinion si, soi-même, on transgresse les obligations, les jugements?

Rigueur laïque ensuite, car la constitution de la République Française implique cette obligation. Or, la laïcité n'est pas une obligation "à la carte" selon les moments, les enjeux électoraux, ou autre pression financière. J'aime bien cette métaphore que m'avait soufflée un journaliste palestinien il y a une vingtaine d'années à Damas: la religion (il parlait de l'islam) c'est comme une vague porteuse**. Il faut l'endiguer totalement, sinon, les petits ruisseaux permis créeront des rivières qui deviendront fleuves et tout sera noyé (il parlait de la démocratie). Cette rigueur laïque découle d'un courage certain mais à l'aune des exigences d'un pays comme la France. Elle ne se marchande pas selon l'acteur, selon le culte, le sous culte, selon son origine, selon les moments, selon le marché financier, selon le marché politique… l'alouette et l'hirondelle, la rose et le réséda… Pour couper court, on parlera de laïcité sociétale qui dépasse en l'incluant, le seul aspect religieux***.

Rigueur financière enfin. Je trouve insupportable que les élus se gobergent alors que beaucoup de citoyens tirent le diable par la queue, qu'ils mobilisent des "cours" coûteuses de serviteurs et une gabegie d'équipement divers. Qu'ils cumulent des indemnités à la chaîne. Sans doute que si les places étaient rémunérées maigrement, et le train de vie plus modeste les candidats postuleraient moins nombreux. Qu'on ne crie pas à la démagogie car les pays scandinaves observent cette règle avec un succès certain.

Le second critère que j'avancerai sera celui de tolérance vis à vis des instances de contre pouvoir. Médias bien sûr en premier lieu, mais aussi corps intermédiaires pouvant apporter une critique saine de l'action gouvernante. C'est pourtant à ce prix que la démocratie peut s'avérer acceptable et féconde. Quelle est la pertinence des termes "citoyen" et "société civile" pour nos sociétés qui usent de toutes les ruses, de tous les coercitions afin d'éviter la contradiction, la contre information d'investigation. Jadis les réunions politiques étaient dites "contradictoires" et l'on pouvait y débattre vraiment. Aujourd'hui il s'agit de messes savamment organisées en écartant toute personne autre que celles appartenant au cercle des fidèles captifs. La politique devient un entre-soi  dont sont exclu la plupart des catégories non élitistes. On observe ainsi en France une inaptitude à représenter efficacement les pauvres, surtout si ces pauvres sont d’origine immigrée. Ceux qui postulent au pouvoir suprême manient les sirènes d'intégration, d'assimilation, pour les uns, engagements vite oubliés après élections. La suppression ex nihilo du secrétariat d'État à l'égalité réelle confirme cette opinion. Les autres en font des repoussoirs, des boucs émissaires stigmatisés, cause des difficultés de toutes sortes et agitent les risques de métissage socio cultuel (le grand remplacement). L'entre-soi politique conduit à un manque profond d'empathie car les dirigeants (potentiels) sont de plus en plus habitués à choisir les individus avec lesquels ils entretiennent des contacts et éprouvent de plus en plus de difficultés à composer avec ceux dont la présence s’impose eux. D’où l’augmentation des tensions dans l’espace public, où chacun se trouve confronté à "d'autres" non choisis, c’est-à-dire à des personnes qui ne font pas partie de ses cercles affinitaires. 

Rigueur, tolérance à la critique, cela ne semble pas insurmontable! Pourtant il s'agit de valeurs d'une gouvernance à but affirmé et à régulation explicite avec le courage ancré dans sa légitimité. Or, le modèle de pensée en philosophie politique qui domine en France, c’est Habermas, l’idée que la décision publique doit sortir d’une élaboration particulièrement tortueuse entre "initiés" - entre-soi - et non d’un véritable face à face démocratique avec la réalité et les ayant-responsabilité.

Pré élection théâtre d'ombres hubristiques?

 

* http://carnets2psycho.net/pratique/article99.html. Le syndrome d'Hubrist est un concept de David Owen développé dans In Sickness and in Power. Methuen Publishing Ltd 2011
** vague, mascaret, tsunami ??
*** voir sur ce point : Nathalie HEINICH Il faut combattre le prosélytisme extrémiste et le sexisme. Le Monde 31/08/2016