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24/02/2017

POLITIQUE LIQUIDE

Faisons un peu de politique fiction pour imaginer l'après présidentielle.

Cette dernière aura (et cela ce n'est pas de la science fiction), à l'aide de ses primaires, fracturé tous les partis "façon puzzle" comme disait Audiard. La gauche, avec les morceaux Hamon et les morceaux Hollande, la droite avec les fillonistes, les sarkozistes, les juppéistes, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croit pas, les frontistes avec les historiques, les marinistes et les niècistes, les communistes avec ceux qui sont socialo compatibles et ceux qui sont mélancho compatibles, les insoumis mous et les insoumis durs, les centristes courant Bayrou, les centristes courant Lagarde et ceux qui s'apparentent à Baylet, les macronistes glanés d'un peu partout, les écologiste éparpillés comme d'habitude, enfin les gauchistes insubmersibles,… Quiconque revêtira l'écharpe de président(e) la France n'échappera pas à un chaos législatif résultant.  Le gagnant frontiste fera exploser la droite et régler les comptes entre gauches, le gagnant macronisé déclenchera un séisme clientéliste de tout bord, le gagnant de gauche (on peut rêver!) subira des vengeances haineuses et des rancœurs intestines.

Dans ce chaos, les candidats à la députation la joueront pragmatique "local" en tentant de s'exonérer d'étiquettes parisiennes improbables quant au résultat. Soit, au bout du bout, une Assemblée Nationale patchwork ni affidée au président(e) comme prévu dans la Vème République, ni homogène pour singer une cohabitation.

Les grincheux vont clamer que l'on est revenu à la IVème, que l'on a abouti à une Chambre introuvable, et que la France s'avère ingouvernable. Les commentateurs fustigeront comme une insulte le "populisme" ignorant, imitateur de Trump et du Brexit, stigmatisant la foule irresponsable.

Et pourtant, si c'était ça la modernité? Et si la politique épousait les caractéristiques de la société liquide de Baumann? Et si c'était l'ère d'une démocratie factuelle et décentralisée qui commençait?

Zygmunt Bauman*, disparu récemment, décrivait une société contemporaine ayant tendance à substituer la notion de "réseau" à celle de "structure" dans les descriptions des interactions humaines. Cela traduit bien ce nouvel air du temps.

Aux partis structurés d'hier, dont la tâche était de constituer des groupes soudés et pérennes, les réseaux servent autant à déconnecter qu'à connecter. On vérifie cette nouveauté dans la trajectoire macronienne qui joue sur un flot (flux) d'adhésions   hétéroclites en désintégrant les structures archaïques partisanes. Flux qui mobilisera le temps de s'épuiser dans une nouvelle configuration tout aussi temporelle. Le jeu nouveau de cette liquidité réside dans le refus brutal des porteurs de raison (reason-bearers) qui tentent de nous voler notre liberté de choix et un réinvestissement de la notion de proximité. En effet, seuls ceux qui en ont les moyens peuvent surfer favorablement sur les grandes déferlantes de cette liquidité de riches (mondialisation, délocalisation, agilité, mobilité,…). La foule des autres, de plus en plus sourds aux discours d'appel au risque, cherchent des vagues connues, au bord de leurs plages familières.

A force de nier la société de classe, à force de se protéger, une élite qui se rémunère dans un entre-soi consanguin, s'est doté du terme de populisme qu'elle attribue à tous ceux qui ne partagent pas son avis. A ceux qu'elle habille d'ignorance, de déviationnisme religieux, de conservatisme, de xénophobie, bref d'une sorte de barbarie new look. Cela sert à la droite bien sûr, c'est son registre. Mais aussi à la gauche à qui, depuis qu'elle a adopté l’économie de marché, il ne reste plus que cela pour garder sa posture de gauche: lutter contre ce fascisme qui n’existe pas comme l'expliquait Pasolini (Écrits corsaires). Toutes deux promptes à dénoncer ledit populisme en évitant d'en rechercher les véritables ressorts.PRAF.jpg

Alors, sans doute que "le peuple"- au sens de l’ensemble des classes dominées, sujet collectif comme l’était la classe ouvrière tout au long du XIXème siècle - "explose" les structures élitistes qu'il juge mutilante ou mollassonnes pour se réapproprier une politique qui, en dernière instance, fabrique son lendemain. Aujourd'hui la parole qu'on lui accorde parcimonieusement, reste un faux-semblant tant elle n'est sollicitée que pour faire écho à la propagande du candidat untel. La gouvernance austéritaire, l'Europe castratrice, l'axiome TINA**,… autant d'injonctions que l'on a imposées à ces classes dominées. Qui, sans crier gare, se vengent via le bulletin de vote que l'on avait instrumentalisé (vote utile). Elles ont intuité qu'en transgressant toutes les stéréotypes, en niant les pronostics en faisant mentir les sondages elles pouvaient sortir de l'ornière qui les aliénaient insidieusement. Le jeu de massacre allié au plaisir de la désobéissance anonyme! Le souffle délicieux de dépasser l’étouffoir conformiste de la civilisation marchande, de la communication formatée, et des réseaux sociaux frelatés où l'on trouve toujours ce que l’on cherche en renforçant nos croyances.

Le résultat donc, cette Assemblée Nationale patchwork, née du ras le bol populaire (et non populiste), reçue comme boomerang d'un mépris assumé, devra fonctionner via des majorités de composition évoluant au gré des problèmes traités. Telle un vol d'étourneaux ondulant constamment sans jamais se disloquer, elle retrouvera un fonctionnement démocratique qu'on lui avait confisqué. Ainsi, à l'instar des sansonnets échappant aux rapaces prédateurs, elle échappera aux diktats de l'exécutif et au glaive de son 49-3. Les élus devront revenir au terrain, aux faits, et sortir de la post vérité dont ils accusent "l'autre" alors qu'ils en usent à l'envi. Une démocratie liquide, une démocratie où chacun prendrait la mesure des vraies tâches à accomplir, dans les communes, les quartiers jusqu'à l'Assemblée Nationale où les citoyens seraient appelés à faire des propositions dont les représentants devraient être comptables, devant eux.***  La classe gouvernante a trop abusé de la macroéconomie (budget, déficit, inflation, compétitivité,…) comme prétexte à ne pas parler de la vraie condition des ménages, de leur pouvoir d'achat, de leur sécurité individuelle, du devenir des enfants, du bonheur aussi... On ne vit pas de comptabilité, et encore moins de comptabilité nationale, on ne se  passionne pas pour des indices ou des taux. Après une large période d’hégémonie (pendant les Trente Glorieuses notamment), la prétention de l’État à monopoliser la définition de l’intérêt général est de plus en plus contestée par la société civile. La gouvernance démocratique est vécue comme une oligarchie prédatrice des avantages légaux ou border line, confinée dans un cumul de mandats comme autant de faveurs, honneurs et avantages financiers jugés injustifiés. Oligarchie vue comme "un corps restreint de représentants — qui en usent de manière à consolider leur position et à créer des conditions susceptibles d’infléchir de bien des façons l’issue des prochaines élections" (Castoriadis). Les citoyens se replient sur l'espace qui leur est familier, sur les évènements qu'ils peuvent penser vraiment impacter par leurs décisions. Tout cela contribue à une démocratie liquide impulsée par le local et contrôlée par la base. Je n'ose pas employer le terme de participative tant il a été galvaudé! Peut être avancerais-je délibérative? 

Toutefois, ce chaos de liquéfaction structurelle peut aussi, il ne faut pas le nier, aboutir à un vrai fascisme, s'il ne génère pas un mouvement inclusif mais exclusif (exclusion des pauvres, des fonctionnaires, des musulmans, des juifs, des homos, des….). Mais à ce jour, le "peuple" pense que le risque n'est pas moindre de perpétuer un capitalisme néo-libéral financier fracturant à la fois les statuts, les valeurs et la notion même d'humaniste.

Qui vivet videbit, comme dit mon ami latiniste et, par ailleurs, abstentionniste forcené.

 

* Zygmunt Bauman.  La Vie liquide. Le Rouergue/Chambon, 2006
**Acronyme de There Is No Alternative (en français : « Il n’y a pas d’autre choix »), slogan politique attribué à Margaret Thatcher
*** Michèle Riot-Sarcey. Mélenchon, Hamon, cédez la place aux citoyens. Le Monde 15/2/2017).

13/02/2017

LA FABRIQUE D'UN MESSIE

L'homme politique candidat considéré comme un produit, pourquoi pas? Il s'agit d'une source de services désirés que l'électeur "achète" avec des voix. Il existe même selon l'école du Public Choice un marché politique que ledit candidat doit tenter de gérer au mieux. Et pour gérer, bien sûr, on a recours au marketing.

Il existe deux versions du marketing. La première consiste à amener le marché cible à désirer le produit que nous avons fabriqué.  Cela revient à VENDRE un produit existant avec une communication adéquate, quitte à manipuler un peu ledit marché. La seconde acception consiste à CONCEVOIR un produit attendu par un marché que l'on a préalablement ciblé comme porteur.

Jadis (hier et encore aujourd'hui pour beaucoup) en politique, selon la personne choisie par le parti pour le représenter, des spécialistes (spin doctors, publicitaires) s'évertuaient à le rendre désirable à l'aide d'une campagne de communication approchant plus ou moins la propagande. Exemple: vous avez un monsieur qui s'appelle Mitterand et vous, Séguéla, vous êtes chargé de le faire aimer par un maximum d'électeurs français. Rien n'interdit au demeurant de "fertiliser" préalablement le terrain afin de le rendre favorable à notre discours via une campagne médiatique ad'hoc. Cette procédure relevait de la "fabrique de l'opinion" que Noam Chomski a magistralement décrite. Les communicants ont eu intérêt à continuer à promouvoir cette façon de faire, comme si l'opinion était volatile au point d'évoluer au rythme des affiches ou des slogans. Il ne faut pas leur en vouloir, c'était leur fonds de commerce!

Toutefois, les américains ont avancé sur le problème en pensant à l'étude des motivations des électeurs, c'est à dire à ce qui déclenchait l'acte de voter chez telle ou telle catégorie d'individus. Cette tendance s'est traduite par le développement des sondages d'opinion dont les partis ont usé et abusé. Le gain de ces enquêtes plus ou moins scientifiques se retrouve majoritairement dans le ciblage des discours. Le candidat dit ce que les électeurs veulent entendre et occulte ce qui les hérisserait. Accessoirement on vérifie que l'impact de l'argumentaire augmente (ou non) le nombre d'opinions favorable.

Le dernier stade a été atteint avec l'exploitation des d'énormes banques de données constituées sur "les gens", par les entreprises leaders du web (Google, Amazon, Facebook, Apple…). En usant de plus en plus d'Internet, nous laissons de nombreuses "traces numériques" et ces GAFA sont les premières à les collecter dans d'énormes "silos de données" contenant des volumes gigantesques d'informations. L'exploitation de ces Big Data à des fins prédictives est capable de dire pour des millions d'individus, leurs goûts, leurs achats, leurs penchants gastronomiques, religieux, sexuels, relationnels,… Par exemple Catalist (banque de données regroupant 220 millions de citoyens US avec 600 informations par personne) a permis aux démocrates d’organiser la campagne de porte-à-porte d'Obama sur la base d’un ciblage ultrafin de chaque électeur. On utilise à cette fin des algorithmes* attaquant ces big data pour prédire l’apparition d’un acte (variable à expliquer) par rapport à des prédicteurs accumulés sur votre comportement passé. "Il faut partir des utilisateurs, écouter les signaux faibles du terrain, anticiper les usages, 'designer' et partager des scénarios d’expérience idéale, bâtir des 'prétotypes', puis des maquettes plus élaborées. Et enfin présenter une offre nouvelle plus juste…, car elle répond vraiment aux évolutions des modes de vie."**

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Cela s'appelle du text-mining. Toutefois, dans un premier temps, on a continué à "vendre" au mieux un candidat pré désigné en utilisant ainsi plus d'informations. Mais cette procédure n'est pas encore vraiment révolutionnaire.

Ce qui l'est, en renversant la problématique pour accéder à la seconde conception du marketing, consiste à imaginer la "fabrication" d'un candidat selon les attentes, les goûts, les penchants,.. (voir ci-dessus) majoritaires, ex ante, plutôt que de fabriquer l'adhésion de la foule à un individu, ex post. Comme disait Peter Drucker, "Le meilleur moyen de prédire le futur est de l'inventer". Certes, cet "human push" revient à choisir un individu moins sur des qualités intrinsèques ou sur un programme, que sur un physique, une allure, une look, un charisme,… dont on aura, au préalable, déterminé qu'il incarnait l'image (en grande partie inconsciente) "kiffée" par le groupe de citoyens visés. Les puristes de la politique avec un grand P pourront s'en offusquer. Mais…

En poussant la logique jusqu'au bout on va chercher un individu correspondant le mieux possible au portrait robot "espéré" par la cible majoritaire de votants. En effet, les électeurs espèrent toujours des sortes de prochain messie, sauf que la race des messies s'est en grande partie éteinte dans nos partis traditionnels. Alors, forts des algorithmes prédictifs, l'idée est venue à des personnages astucieux (Attali? Collomb? Bergé? Niel?.. ) de LE faire émerger, tel Jésus sorti de nulle part et entamant sa marche fondatrice. Lancer un "homme amorce" sur le chemin ("En Marche!") et lui faire engranger des adorateurs, des convertis et des reconvertis, chemin faisant, en aidant bien sûr médiatiquement cette montée en puissance. On utilise par là même le mythe messianique sus cité qui veut que sitôt que les peuples se confrontent à des situations complexes, stressantes, dangereuses,… en même temps qu'une certaine carence de gouvernance, ils aspirent (inconsciemment) à l'avènement d'un messie, d'un homme providentiel. L'astuce majeure est de le leur donner!

Serait-ce une utopie?

Emmanuel Macron relève je crois,  de ce processus. Les algorithmes appliqués à une banque de données X (50+1) ont dessiné un profil jeune, BC BG, neuf politiquement, hors parti, largement compatible à des alliances, sans casseroles, marié, sexuellement "paisible" (syndrome DSK, Cécilia, Trierweiler,..), à l'aise en anglais (accent Oxford, of course), ayant réussi dans sa carrière autre que politique, non cumulard, un peu androgyne (importance de l'électorat homo), nuance catho sans prosélytisme,… Soit le portrait cible d'Emmanuel (Dieu est avec nous, en hébreu) et de quelques autres qui ont déclaré forfait***. Cet individu s'avère une mystification, une construction idéologique à partir de matériaux empruntés à des sources statistiques. Tout en puisant à la source de l'imaginaire inconscient. Il le dit lui-même (JDD 12/02) la politique c'est mystique, un style, de la magie. Ladite politique n'ayant plus de patriarche charismatique (César) il s'assimile à la figure novatrice de Cesario dans la Trilogie (moderne, séduisant, diplômé, sage, modéré, admettant de changement social) face au paternalisme capitaliste traditionnaliste (Panisse-Fillon), et à l'aventure romancée et risquée (Marius-Hamon) pour séduire et réconcilier une opinion déboussolée (Marianne-Fanny). Pagnol a parfaitement représenté l'âme populaire.

Dès lors, nul besoin de programme, nul besoin de sacrifier aux canons habituels des partis, nul besoin de convaincre puisque les électeurs attendent ce profil. Et ils vont adhérer d'eux mêmes croyant découvrir la lumière de leur propre choix. Annoncer un programme revient à se ligoter à des promesses qui ne cadreront pas forcément à ce que le peuple attend réellement. L'avantage de le construire en marchant permet de coller au plus près aux affirmations populaires. De plus ça fait démocratie participative! C'est de la géométrie variable en temps réel. On appelle cela aujourd'hui "l'agilité" comme une valeur ajoutée incontestable****. Effet boule de neige en plus, le principe de la pyramide de Ponzi appliquée à la politique.

Le dispositif marchera-t-il jusqu'au bout? Jusqu'à amener E.M. au second tour, Graal des candidats non frontistes? Puis, jusqu'à le faire accéder à un pouvoir qu'il a côtoyé de très près, au point même de penser qu'il l'a, en fait, exercé? Pour l'instant ça marche et le boulevard creusé par le Pénélopegate n'y est pas étranger. Il déprécie un Mélenchon qui fait peur en veste mao ou cubaine, au langage trop cru pour les âmes paisibles, clamant le dégagisme sans s'y inclure, dévalue Benoit Hamon quant à son allure jugée incompatible à la fonction et son radicalisme un peu trop prononcé pour les centristes orphelins…. Il faudra, le cas échéant affronter Marine en surfant sur un libéralisme crédible.

Attendons de voir! 

*algorithmes paramétriques (régression linéaire, analyse discriminante,…) et/ou non paramétriques (arbres de décision, réseaux de neurones, plus proches voisins,…).
** Sébastien Durand. Les hommes politiques : des storytellers comme les autres? Marketing community. 18 octobre 2011
*** Christophe Rebours, Inès Pauly. L’expérience. Le nouveau moteur de l’entreprise. Les Éditions Diateino, 2016
**** ça n'engage que moi, mais je pense notamment à Thomas Piketty (cf les blogs: Politis, Paul Jorion,…)
***** interactivité des représentations (A. Martin. Egocratie et démocratie. ED. Fyp.2010)
(l'illustration est un tableau du peintre coréen KwangHo Shin)

 

23/01/2017

SPEED MEETING À LA FRANÇAISE °

Après la primaire de droite, la primaire de gauche! Même nombre d'acteurs, même mise en scène... On ne me fera pas croire que ces primaires sont un progrès démocratique! J'y vois une vitrine de soldes* qu'on essaie de nous fourguer comme des nouveautés. Sans parler des "rossignols" (par ailleurs "gentils" eu égard à l'élimination a priori du trublion Filoche) acceptés là comparativement pour relever le niveau des autres. Les candidats sont tétanisés par la peur de l'erreur, du lapsus, du truc dont la presse va se délecter. Tellement tendus qu'ils éliminent toute "chair" à leur discours, tout ce qui pourrait montrer un tant soit peu qu'ils profèrent des choses provenant de leur for citoyen, de leur vécu profond, de leur habitus idéologique ancré pour parler comme Bourdieu. Quand une telle velléité leur échappe, par inadvertance, elle s'évanouit rapidement dans un emballage aseptisant. Les spin doctors leur ont ressassé de ne pas trop agiter les bras, de ne pas trop hausser le ton, de ne pas sembler approuver l'autre, de ne pas… On regarde ainsi des avatars électoraux qui paraissent un peu rance, un peu compassés dans un auto étouffement qu'ils cherchent à masquer plus ou moins habilement.

Pour tout arranger, l'exercice consiste à un saucissonnage thématique façon puzzle improbable qui saute du coq à l'âne et censé traiter ainsi de problèmes pour lesquels les candidats au bac ont trois heures! Quelle est votre position sur la laïcité, version 1905? Vous avez une minute trente… On demande de l'édulcoré fast food, pas de l'argumenté, sinon vous dépassez votre temps de parole! C'est du speed meeting (signifiant littéralement "rencontres rapides" destinées à trouver la personne convenant bien avec le thème de l’événement) qui me paraît le contraire d'un vrai débat politique. Comme si on ne lisait que les titres des journaux.

Voilà pour la forme.

ppp.jpegPour le fond (c'est lié) le constat s'avère pire. Comment peut-on tenter une schizophrénie galopante en se démarquant… d'un bilan auquel on a très récemment contribué ? Hormis dans le cas de la lutte contre le terrorisme, ce ne fut que du bout des lèvres que le quinquennat trouva des défenseurs ou des contempteurs. Mais surtout, un préjugé normatif excluant toute critique du système (jamais le terme capitaliste ne fut prononcé) et fustigeant toute tentation novatrice. Le revenu universel, mais vous n'y pensez pas! Ça va coûter un bras ma pauvre dame! (mais rien sur le renflouement des banques qui a coûté une fortune). Et ça va fénéantiser nos enfants, mon bon monsieur! Il vaut mieux le service militaire sacrebleu! On aurait dit du Fillon à confesse! Sauf qu'il s'agissait là de la seule lueur anti capitaliste dans une soirée baptisée socialiste. Discutable certes, mais qui mérite d'être discutée autrement que par un mépris dérisoire**.

Il faut voir là, l'obstacle majeur de la fonction présidentielle version Vème République. Mon Général a dessiné un rôle pour personnage exceptionnel (lui selon lui!) dans lequel  il s'est glissé avec délice. Sauf que des individus hors classe il n'en court pas les rues ni même les partis. Et les "normaux" échouent, et les "courants" peinent à remplir tout l'espace exigé par le rôle. Ils sont un peu dans le registre d'acteurs de série tv s'attaquant au personnage de César dans la trilogie de Pagnol.

Comme je le disais, la vitrine accuse un vide béant, comme si l'idée (l'espoir) socialiste, manquait de souffle, s'il s'était asphyxié dans l'exercice du pouvoir, comme si la logique libérale l'avait contaminé jusqu'à la moelle. Un discours qui rappelle sans cesse les impératifs budgétaires contre le mode de vie, une  rhétorique qui recycle les thèmes éculés d'un centrisme suranné en les habillant de rigueur gestionnaire. Qui se laisse enfermer dans le piège de la référence monétaire alors que l'on sait que l'argent n'a que la valeur qu'on veut bien lui donner. Ou plutôt celle que les banques tentent en permanence de manipuler pour accroitre leurs profits. Ces banques qui côtoient en permanence la faillite en se renflouant avec l'argent du contribuable. Un socialisme qui s'inscrit dans une entreprise de rafistolage avec pour clefs à molette l'Europe pour les uns, la croissance économique pour les autres et pour croquemitaine, le populisme.

Mais coupons là. Combien de français(es) analysent les propositions des candidats? Leur cohérence, leurs conséquences probables, leurs risques majeurs?  Comme le concours des miss France, le scrutin se fera avant tout sur des impressions, des goûts, des têtes, sur l'apparence…

"Les campagnes électorales, par la mise en vitrine de leur guignol permanent, sont meurtrières. Surtout dans le style actuel des candidats. Entre les groupuscules dont les délégués puceaux d'antenne, bafouillent de bonne volonté, et les grands partis dont les vieux briscards ont répété leurs rôles comme à la parade, c'est à qui prend le mieux la pose à la lucarne. Un festival pour amidon. De la maladresse ou du travail d'orfèvre, mais tout dans le moule"***.

Triste bilan d'une démocratie qui n'arrive pas à produire des dirigeants qui osent sortir de ce préjugé normatif que les medias ressassent, l'idée qu'il n'y aurait qu'une voie et que la seule alternative serait de l'amender. Impasse d'un vote national pour un président dont la souveraineté est battue en brèche, le gouvernement qui nous gouverne n'étant plus vraiment notre gouvernement.

A ce jeu les extrêmes gagnent une crédibilité indue qui devient l'un des seuls arguments qui agitent les partis classiques ou qui font surgir des astres improbables.

 

 

°  Cette note a été rédigée AVANT la première primaire de gauche et mon choix a été de n'y rien changer.

* ce qualificatif n'est pas méprisant mais il faut bien reconnaître le manque d'envergure  des protagonistes.
** pour ceux qui désire une meilleure analyse lire le dossier « Revenu garanti, une utopie à portée de main », Le Monde diplomatique, mai 2013.
*** Louis Dalmas. Le désordre et la patience. Encre. Décembre 1982.